Trains blindés et artillerie lourde sur voie ferrée, deux vocables très communs depuis la Première Guerre mondiale, trouvent leur origine commune lors de la guerre franco-prussienne qui voit pour la première fois un matériel alliant puissance de l’artillerie, mobilité sur terre et protection des servants, conçu, construit puis engagé contre l’ennemi. C’est cette histoire que nous allons raconter ici.
Naissance d’une arme nouvelle
La guerre franco-prussienne est la première guerre où les matériels ferroviaires blindés, les seules machines de guerre terrestres viables à l’époque, ont été utilisés de façon systématique en France. S’agit-il d’une arme nouvelle ? Pas exactement : la guerre de Sécession américaine est la première à voir la voie ferrée utilisée avec méthode et densité, même si le premier projet connu de train blindé revient à un Français, le capitaine de vaisseau de Montgery en 1825, et que quelques tentatives ont été rapportées pendant les révolutions de 1848.
En France en 1869 dans le cadre des travaux du Comité d’artillerie, une réflexion a été menée sur l’« emploi des principales forces mécaniques de la Vapeur [et] de l’Électricité. 1 ». Il y était envisagé l’emploi d’« un certain nombre de locomotives cuirassées, destinées à relier, entre elles, les stations fortifiées réparties sur la voie (de 80 en 80 km par ex.) ». Un autre type de trains était prévu, pour agir sur les arrières et en avant des places assiégées en cas d’investissement du territoire : « de chaque front d’attaque partirait un tronçon de voie ferrée dont l’étendue, subordonnée à la nature du site, à la profondeur des ouvrages, devrait toujours atteindre aux limites probables de l’investissement. Sur ces artères défensives, circuleraient en permanence, dès l’apparition de l’ennemi, des locomotives cuirassées analogues à celles des grandes lignes stratégiques ». Cinq ou six de ces engins auraient équipé chaque grande place. On trouve à la même époque plusieurs projets, que nous avons montrés dans nos publications.