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UGS : HR04 Catégories : ,

Description

Historail
&
OSSIER
&
PAR INTERNET
La Vie du Rail
n°4
La sélectiond’
Historail
PAR TELEPHONE
PAR TELECOPIE
PAR COURRIER
A L’OCCASION DES 70 ANS DE LA SNCF
En bonus, un livre avec les plus belles photos d’archives de La Vie du Rail
Abord des dernières 2D2
du Sud-Ouest
Matériel
6-
Historail
Coll. LVDR
Àbord des dernières 2D2
Historail
stationnés au droit d’une ancienne
vapeur, on pourrait en profiter pour
faire le plein!
Nous repartons à 14h10 avec 25 mi-
nutes de retard et croisons un train
8500 en renfort pour les pointes du
soir, sans doute. Mais nous pointons
bientôt un TIV à 90km/h annonçant
un garage à Artenay. Manipulateur à
zéro, le train flotte sur sa lancée, la
main gauche actionne le frein et voici
un carré. Nous laissons passer un au-
tre train de voyageurs, BB 9200 en li-
vrée verte et chromes, d’origine, en
voitures s’entassent dans un gigan-
tesque encombrement, et que certai-
nes tentent de s’échapper du bou-
terre qui longe la voie.
Les Aubrais, bref arrêt. Ligne de Vier-
Beuvron, Salbris avec un petit coup
de sifflet pour le Blanc-Argent à voie
métrique qui mérite bien d’être en-
couragé. Tunnel des Alouettes: coup
de sifflet déchirant, modulé de façon
savante, qui se répercute sous la
voûte mystérieuse éclairée d’une lu-
mière étrange, diffusée par les
21jours qui y sont ménagés. Vierzon
à 90km/h, une 141R, une UM de
Après Vierzon, le décor change avec
l’apparition des nappes de lignes télé-
disparaître dans les caniveaux en cours
mécanique nous fait aussi remonter
le temps et évoquer le passé: quand
on pratiquait encore le freinage par
récupération, par exemple. Les ma-
d’énergie et d’un livret spécial sur le-
quel étaient mentionnés nom du trac-
tionnaire, numéro du train, par-
cours… Il fallait relever les chiffres au
départ et à l’arrivée et les inscrire dans
des cases spéciales du bulletin de trac-
d’honneur à montrer leur maîtrise de
la conduite en usant à plein de la ré-
cupération d’énergie. En outre, de
aussi de «payer le bas de soie de la
mariée». La prime de traction était
consommation d’électricité. Le frei-
par le renvoi d’énergie dans la caté-
naire, et cette «production d’électri-
cité» par la machine venait s’imputer,
pratique a été abandonnée car le cri-
tère économie d’énergie entrait sou-
de la prime de traction. Il pouvait ar-
«faire l’heure», et donc à utiliser au
de la machine, dussent «repayer du
courant» à la SNCF. Tout en écou-
tant le conducteur-électricien, j’ob-
serve le tableau de bord: les cadrans
du freinage par récupération sont en-
core en place… Mais le système est
tombé en désuétude.
Châteauroux, 16h20. Nous nous en-
difficile de l’itinéraire Paris – Toulouse
sur-Creuse, entre Châteauroux et Li-
dans les années 1958-60, de l’installa-
tion d’un dispositif d’antipatinage élec-
tronique, grâce auquel elle est autori-
sée à la remorque de 940 tonnes sur
admises avant cette modification. Pen-
dant 35 kilomètres, la 2D2 va devoir
10 ‰ en moyenne. Le profil se dur-
cissant, nous lâchons les 100km/h.
L’intensité admissible aux moteurs
(600ampères) limite en effet notre ef-
fort de traction. Mais voilà qu’un sé-
maphore nous impose l’arrêt dans la
petite gare de Celon.
Le redémarrage en rampe et en
courbe va être difficile. Le mécano
passe lentement les premiers crans,
attentif aux réactions de la machine:
celles-ci ne tardent pas! La 2D2 pa-
tine, les grandes roues de 1,75 mètre
tourner à vide, les moteurs s’affolent
dans un sifflement aigu, tandis que
l’engin vibre de toutes ses tôles.
Cabré sur le tableau de bord, le mé-
cano, une main sur le «cerclo» de
marche et l’autre sur la poignée de
cuivre de la sablière, fixe les voyants
Stoppée
à hauteur
de la petite gare
de Celon, entre
Châteauroux
et Limoges,
la 5509 va
connaître un
redémarrage en
pente difficile.
21h49, nouveau
changement
d’équipe en
gare de
Montauban.
Photos J.Andreu/Doc. LVDR
du dispositif d’antipatinage qui s’allu-
ment, s’éteignent, se rallument! Il
fait avancer son volant d’un cran, re-
vient en arrière, reprend sa manœu-
vre, tout en jetant du sable sur le rail:
il faut s’agripper à la rampe, modérer
la progression pour accrocher les
roues à la voie, interrompre l’effort
mugissent, le reprendre au plus tôt…
est lancé, il progresse lentement, ga-
gnant un peu de vitesse… La loco-
chaleur aigre due à l’élévation de la
température des résistances, non ven-
«Büchli» qui se sont emballées au
freiner vigoureusement. Par la fenê-
tre de la cabine, en se penchant en
arrière vers le train, on aperçoit le ru-
L’odeur de métal surchauffé et d’huile
En même temps, se répercute l’écho
sonore du cadencement des roues sur
le rail, de la machine et des 31 wa-
gons qui suivent. Effet de puissance,
conjonction d’impressions visuelles,
le courant d’air violent qui vient frap-
Mais une autre sensation vient s’im-
poser à Saint-Sulpice-Laurière: la
vue et l’ouïe se trouvent soudain en
désaccord, car la voie semble des-
cendre alors que les moteurs pour-
suivent leur effort; le manipulateur
en effet est demeuré en traction, au
mais la monta-
nous, est à l’origine d’un effet d’op-
tique connu des roulants, qui fait
croire que la ligne descend.
Le beffroi de Limoges-Bénédictins ap-
reprocher un important retard: nous
n’arrivons que trois minutes avant le
départ prévu pour Montauban! Ra-
18h06, nouveaux soupirs de l’élec-
tropneumatique, on redémarre,
cran1, cran 2…
«Cela fait bien six
me dit le nouveau méca-
1700 volts en ligne, ça va al-
ler!»
La machine va pouvoir se dé-
fendre dans les multiples accidents
de terrain de la magnifique ligne Li-
moges – Brive qui fut le fief des re-
marquables 240A Chapelon. De
tunnels en viaducs, de ponts en tran-
chées, notre train va grimper, absor-
ber des faux plats et dévaler des ram-
sauvages: en cabine, on ne cessera
de tractionner que pour freiner, et
de freiner que pour tractionner.
Tout en ralentissant l’allure par l’effet
d’une ou deux dépressions au robi-
des freins de la 2D2. Ce n’est qu’haut-
utilise, en sus du freinage de la rame,
«Un jour, en hi-
ver, avec de très mauvaises conditions
2D2: mon train refusait de ralentir
alors que la signalisation le réclamait!
Je n’ai pas débrayé le freinage ma-
train: elle a freiné “à mort” de ses
s’arrêter, juste au pied d’un carré
fermé, la 2D2 m’avait sauvé! J’avais
eu chaud, mais elle aussi, et elle fu-
mait! Nous étions entourés d’une
freinage de la machine. Un train croi-
seur, croyant à un incendie, arrivait au
commandes!»
En ce moment, au contraire, c’est une
fraîcheur très agréable qui pénètre
dans la cabine à la traversée des tun-
gouttes d’eau sur nos vitres. A Uzer-
che, nous flirtons avec la Vézère. Des
lacs, des forêts se suspendent un ins-
s’ouvre sur d’autres perspectives
sifflet déchirant de la 2D2 dont
Allassac, 19h14, à l’heure. Des tran-
chées bordées de filets protecteurs
de Saint-Antoine en cours de réfec-
tion et croisement du Capitole peu
avant Noailles, à 19h43, dans l’om-
bre d’un autre souterrain. Nous dé-
bouchons dans des tranchées pro-
fondes, creusées à même la muraille,
voie, les supports de caténaires plan-
tés à même les parois.
Nous rejoignons la Dordogne peu
Montauban, une autre 500 nous
croise, sur le pont du Tarn, en tête
d’un «voyageurs» de nuit pour Paris.
Quelques dépressions du robinet H7A
alternées avec le retour à la position
neutre et à la position marche, le train
s’immobilise à 21h49 pour change-
ment d’équipe avant la dernière
étape. La lumière grise du jour finis-
sant a laissé la place à la nuit: au pla-
d’armure, percé de petits trous
comme une passoire, diffuse une fai-
ble lueur jaunâtre. Monté sur rotule,
ce heaume métallique permet de diri-
ger la lumière sur le pupitre sans gê-
ner le conducteur. Il s’ouvre sous la
pression de la main, comme un fruit
mur, découvrant l’ampoule vissée sur
un support de céramique blanchâtre.
A Saint-Jory, feu d’artifice de 14-Juil-
let tiré près du casino voisin. D’autres
moteurs, perçues à travers la rainure
de la porte: le conducteur vient de
repasser au cran 0 et de placer le cou-
touchons au but. Rappel de ralentisse-
ment, avertissement, panneau de ga-
rage: le triage nous absorbe dans
10-
Historail
Matériel
[ à bord des dernières 2D2 du Sud-Ouest ]
Historail
Vigoureuse dépression, le mécanicien
tasse bien son train contre la machine
pour permettre à l’aide-conducteur,
qui a passé ses gants, de dételer faci-
faite promptement. La 2D2 glisse
principales pour rejoindre le dépôt de
Toulouse-Matabiau.
Avec la 5546
La 2D2 5546 attend sur le gril du dé-
pôt de Tarbes, pantographes baissés.
Nous allons la ranimer pour assurer
un train de matériel vide sur Dax. Vi-
site: vérification des tabatières. Leur
ouverture est nécessaire à la circula-
Il faut donc, après une période de sta-
tionnement durant laquelle elles peu-
fuites d’huile, s’assurer de leur posi-
tion. Nous traversons la salle des mo-
par des hublots de navire, les bas de
pantalons relevés car le sol est impré-
gné de graisse. Puis c’est la prépara-
klaxons, mise en route du tachymè-
tre, la cabine de conduite de la ma-
chine s’anime et bientôt le gronde-
ment des compresseurs vient
répondre aux manipulations du mé-
à vide. Tout va bien. Par la fenêtre, il
répondent bien, il les baisse, les re-
lève… pas de problème. Côté freins, il
en est de même après quelques sif-
flements énergiques. Nous allons pou-
voir quitter le dépôt et rejoindre notre
train. Il nous faut attendre le passage
d’un express composé de voitures
suisses remorquées par deux machi-
d’une BB 9200, sans doute pour af-
fronter la rampe de 33 ‰ de Cap-
vern. Nous pouvons maintenant re-
joindre notre train, de l’autre côté des
des freins terminés, nous démarrons
avec du retard (9h09 pour 9h02),
mais celui-ci sera vite rattrapé: le
W17887, que la puissante 2D2 Wa-
terman remorque, ne comporte que
même surpris par l’accélération: les
110km/h sont atteints dès le km159,
Voici déjà l’entrée de la gare de Lour-
des. Un carré nous immobilise quel-
rejoignons la gare pour un bref arrêt
départ donné par le «fromage
blanc», le chef de sécurité. Une belle
vue sur la basilique, la grotte avec ses
gave de Pau que nous allons suivre
7minutes perdues. De Lourdes à
100km/h, puis 110 jusqu’à Coarraze-
géométrie dans l’espace, très artisti-
que, de la caténaire Midi. La 546 n’a
vraiment aucune difficulté à tracter
fait «au trait». Pas d’effort apparent,
ni du mécano ni de la 2D2: on en-
tend beaucoup moins le sifflement
des engrenages qu’hier à bord de la
509, quand celle-ci «tirait» dans les
Dix ans environ séparent ces deux ma-
chines: la 509 a été mise en service
en décembre 1933, la 546 en avril
sous-séries différentes du type 2D2
5500, la première de 503 à 37 et la
troisième de 546 à 50; entre les deux,
il y avait, jusqu’à l’année dernière, la
1938, celle des «enceintes», appe-
lées encore «ventrues». La 509 fai-
sait partie, quant à elle, des «nez de
Dax, le 14 juillet
1979.La 5546
vient de remplir
sa mission : la
remorque d’un
train de matériel
vide au départ
de Tarbes. Une
autre tâche
l’attend déjà…
Coll. LVDR
Historail
mal aimées sur le Sud-Ouest. Que re-
prochait-on à ces étrangères venues
sur le tard d’un autre réseau? Avant
tout, leur inconfort: la cabine est
étroite, ce qui peut gêner sur les longs
parcours. Le conducteur se souvient
des tournées du vendredi sur le
14007 Paris – Bordeaux sans arrêt, au-
trefois régulièrement assuré par une
2D2 de Bordeaux. Deux mécaniciens
se partageaient le parcours, celui qui
sur le siège de l’aide, à droite:
«Quand on roulait sur une 5400,
c’était plus pénible que de conduire:
durant les 588km du trajet, de se tor-
leur surnom de “coupe-racines”.»
Alors que nous traversons Morcenx à
140km/h, je constate en effet que la
suspension est plus dure que sur les
500. Voici Labouheyre puis Facture,
nous traversons les vignobles du Bor-
delais, la banlieue de Bordeaux, Pes-
sac, Talence, rejoignons sur la gauche
la ligne de la pointe de Graves, lon-
geons le dépôt avec sa cavalerie d’en-
tous genres, et c’est l’entrée en gare.
Il est 14h15 quand le train s’immobi-
lise. C’est l’heure où nous devrions
partir! Changement de mécano, voie
libre, coup de guidon du «sous-
chef», le 10310 s’ébranle à 14h18, se
tord sur les aiguilles de la sortie nord
de la grande gare et s’engouffre dans
le pont-cage métallique sur la Gi-
ronde: fracas épouvantable du convoi
qui se répercute dans les vibrations
Nous laissons un peu plus bas, au ni-
qu’est devenue la gare de Bordeaux-
Bastide où je m’étais rendu l’année
atmosphère figée d’une grande gare
voies sur lesquelles attendait une pro-
cession de 2D2 promises à l’oubli et à
la destruction. Des 2D2 de Bordeaux
à la peinture écaillée, aux plaques en-
levées, aux tôles déjà effritées: des
Je me dis que l’ancienne gare PO
maintenant désaffectée va bientôt re-
cevoir les deux dernières 2D2 du dé-
pôt de Bordeaux, la 5546 et la 5418.
Pendant ce temps, nous avons accé-
léré, et le 140km/h est marqué par
l’aiguille du magnifique appareil Fla-
kilomètres comme un métronome, et
rien n’indique que c’est aujourd’hui
sans doute le dernier rapide qu’elle
assure avant son ferraillage proche…
A Libourne, nous faisons l’heure, mais
perdre, encore, de précieuses minu-
tes à Coutras, d’où se détache la li-
gne de Périgueux avec ses belles com-
lieu de 15h26, un feu rouge cligno-
l’entrée de la ville: coup d’œil sur le
panorama d’Angoulême depuis la li-
donnant accès à la gare.
Et, maintenant, direction Poitiers: qua-
tre minutes après avoir quitté les quais
J.Andreu/Doc. LVDR
Les Aubrais, le
15 juillet 1979.
La 5418 en tête
du rapide 10310
Dax – Paris
composé de
13voitures.
D’aucuns
s’étonnent
qu’elle ait
encore droit de
cité sur les rails…
Historail
Bordeaux tout à l’heure. Mais alors
que nous longeons les dernières voies
du dépôt, j’ai la surprise d’apercevoir
deux Z4100 repeintes en couleurs
«Corail»! Sans doute pour assurer
les navettes Saint-Pierre-des-Corps –
Tours? Voici la fin des épis des voies
de triage. Sur la droite, la BB 337 est
en train de refouler une rame à la
campagne et la succession régulière
des pylônes qui viennent s’effacer les
uns après les autres sur nos flancs.
Amboise, Blois, Beaugency, Meung-
sur-Loire disparaissent en un instant,
qui semblent les comprimer. Nous tra-
versons, comme indifférents, ces si-
tes merveilleux longeant la Loire
stoppe aux Aubrais, dernière étape
avant Paris et la fin de ce périple ex-
ceptionnel de trois journées avec trois
2D2, de Paris à Paris par Toulouse,
Tarbes et Bordeaux!
Dernier mécanicien, aussi, qui ne ca-
de la 2D2 5418:
«Eh! oui, elle existe
les rails, celle-là!»
répète par deux fois à son collègue:
«Mais qu’est-ce que tu nous amènes
là? Qu’est-ce que c’est que ce diplo-
docus? Mais qu’est-ce que je vais en
faire de ce monstre?»
Mais ne perdons pas de temps, nous
sommes toujours légèrement en re-
tard et l’agent de circulation est dis-
«C’est donc
“cette grosse”!»
Il faut que je dé-
fende «ma» 2D2:
«Vous croyez
mieux? Une BB 8500 ou une BB
9400 par exemple?»
sans réplique et notre ami devient plus
sympathique pour le vieil ancêtre qui
va nous conduire jusqu’à la capitale:
«Ah! ça non! Une “Vespa” ou une
2D2.»
CC7100 ou BB9200, mais par bien-
pas de ces machines plus modernes
qui, avec les CC6500, ont surpassé
derniers mots:
«De toute façon, c’est
mettre un coup!»
Alors que nous repartons, j’écoute
une dernière fois la respiration pro-
nouvelle position du manipulateur,
commande dans un long déclic pneu-
matique le mouvement des contac-
teurs. Sonorité unique des 2D2, re-
connaissable entre mille, qui donne à
et, là aussi, elles sont les véritables hé-
ritières de la locomotive à vapeur. Ce
souffle d’une carcasse métallique, où
l’on découvre quantité de bruits diffé-
rents, en particulier au démarrage, de
nuances, de détails, rend les 2D2 pres-
que humaines, et, à les entendre, à
par s’interroger rêveusement:
«Les
2D2 ont-elles une âme?»
cloison, j’aperçois une roue dentée qui
commande l’arbre à cames dont le cli-
quetis accompagne chacun des sou-
pirs de basse déclenchés par le pas-
placée également dans la cloison: une
plaque de cuivre gravée de gradua-
tions, correspondant chacune aux po-
On perçoit aussi le bruit des ventila-
teurs, très discrets sur les 2D2 500 et
chant de sirène des engrenages, au
fur et à mesure que notre vitesse
se démène. Il faut les aimer ces ma-
chines pour conduire comme il le fait!
qu’une feinte pour cacher son éton-
long cours, mais peut-être aussi sa joie
secrète de pouvoir encore en utiliser
ni de celui de la 2D2 si, à cause de ra-
lentissements dans la banlieue pari-
sienne, nous ne rattrapons pas le re-
tard initial. Et, déjà, le train vient
lentement mourir sous la vaste verrière
de Paris-Austerlitz, jusqu’au butoir, tan-
dis que, sans attendre, le flot ininter-
rompu des voyageurs commence à
regard pour celle qui bientôt va dispa-
raître avec ses sœurs à grandes roues
dans le passé du chemin de fer.
I
trois mémorables journées? La 2D2
a duré le plus longtemps des trois:
elle a survécu encore huit mois,
jusqu’au 25 mars 1980 où elle est re-
de travail et 7418469 kilomètres par-
courus. La 2D2 5546 est retirée du
service le 24 décembre 1979, cinq
mois après notre aventure entre Tar-
de six mois avec 7494256 kilomè-
tres. Son dernier train fut un marchan-
dises entre Facture et le triage d’Hour-
cade, le 23 décembre.
La 2D2 5418 est retirée du service le
octobre 1979, moins de deux mois
retracer. Entre-temps, trois détresses
s’étaient produites, réclamant le rem-
placement de trois bancs de résistance
le 25 juillet (10 jours après notre ac-
compagnement), le remplacement du
compresseur auxiliaire le 3 août et,
suite à une avarie de roulement, le
remplacement d’un essieu le 31 août.
Son dernier train eut lieu le 28 sep-
tembre et elle assura, le 9 novembre,
l’épreuve du pont tournant au dépôt
de Bordeaux (mais n’évolua qu’en vé-
hicule). Avec plus de 42 ans de ser-
vice, elle avait accompli 6213281 ki-
lomètres.
L
insolite quittait la gare londonienne
de King’s Cross à destination de
rejointe à 5h33 au terme d’un voyage
de 724km. Composé de voitures of-
et de fourgons spécialement aména-
gés pour le transport de deux auto-
mobiles, le premier
«Car Sleeper Ltd»
inaugurait une nouvelle forme d’al-
liance entre le rail et la route, à raison
de deux circulations par semaine.
étaient ouverts entre Ostende et Mu-
nich (983km) et entre Hambourg et
Chias, via Bâle (1205km).
En France, la réalisation de ce projet,
à l’étude depuis 1951, avait été retar-
dée par l’insuffisance du parc de wa-
nécessaires pour le chargement ra-
pide et l’acheminement des voitures
automobiles. Le premier «train des
automobiles accompagnées» –on ne
parlera de «train autos-couchettes»
(TAC) qu’à partir de 1961– est mis
en marche le 31 mai 1957 entre Bou-
logne et Lyon, par Valenton (où se fait
par le fait que de nombreux touristes
anglais, familiarisés avec cette for-
mule, empruntaient déjà cet itinéraire
pour se rendre sur la Côte d’Azur ou
dans les Alpes. Par ailleurs, Lyon s’im-
croisée de routes permettant d’attein-
dre facilement le Jura, la Suisse, les
Côte d’Azur.
Ce premier train des automobiles ac-
compagnées circule dans le sens Bou-
logne – Lyon (train GL) les mardis, ven-
dredis et dimanches, dans le sens Lyon
– Boulogne (train LG) les lundis, jeu-
dis et samedis, dans l’horaire suivant:

20h45 dpt.
arr. 6h49

7h57 arr.
Lyon-Brotteaux
composition de base comprend qua-
tre wagons-lits, trois voitures-couchet-
Société de transport de véhicules au-
tomobiles (STVA).
tarifaires sont simples: les voyageurs
ont le choix entre des couchettes de
classe, offrant six places par com-
partiment, ou des wagons-lits («sin-
gle», « double» ou «touriste») pour
16-
Historail
Voyager de nuit avec son
automobile à bord du même
met en marche son premier
«train des automobiles
accompagnées» entre
Boulogne et Lyon. Le succès
est au rendez-vous, la formule
Evénement
: la naissance des trains autos-couchettes (T
Directement du
bateau au train.
Cette couverture
de
La Vie du Rail
illustre
parfaitement le
principe adopté.
Y.Broncard/Coll. LVDR
Historail
lesquels ils paient les suppléments cor-
respondants. Le transport de l’auto-
est fonction de la longueur du véhi-
cule: inférieure à 3,8m, à 4,42m,
supérieure à 4,42m. Pour s’attacher
la clientèle et essayer d’équilibrer les
trafics nord – sud et sud – nord, le prix
du transport aller et retour de l’auto-
20%. La réservation est obligatoire
pour les voyageurs et les automobi-
Les voyageurs peuvent laisser baga-
ges et effets personnels dans leur voi-
ture, ce qui représente pour eux une
Les trois premières journées de fonc-
tionnement ont permis d’enregistrer
les résultats suivants:

60 voitures, 170 voyageurs,

63 voitures, 215 voyageurs,

60 voitures, 181 voyageurs.
Les automobiles débarquées de plain-
«auto-carrier»
Boulogne, juin
1957 : un des
tous premiers
«trains des
automobiles
accompagnées».
A peine
débarqués
du car-ferry, les
automobilistes
se dirigent
vers les wagons
de la STVA.
Les voitures-
couchettes
et les wagons-
lits stationnent
sur une voie
adjacente.
Evénement
[ 1957
: la naissance des trains autos-couchettes (T
Douvres sont, après passage en
douane, pilotées par leurs propriétai-
res jusqu’à la gare maritime où est
jusqu’à Lyon. Au moyen de rampes
d’agents de la STVA. Suivant leur hau-
teur, celles-ci sont placées sur le plan-
cher inférieur ou supérieur des wa-
gons, qui sont reliés entre eux par des
passerelles assurant la continuité du
chemin de roulement des véhicules.
Chaque automobile est soigneuse-
ment calée au moyen de sabots appli-
crémaillère. Une fois le chargement
effectuée pour les véhicules arrimés
sur le plancher supérieur, et la rame
STVA est raccordée aux voitures-lits
et voitures-couchettes.
Dès l’arrivée du train à Lyon-Brotteaux,
remettent à un représentant de la
SNCF les clés de leur voiture. Les wa-
gons STVA sont détachés de la rame
et remorqués par un 040 DA jusqu’à
la gare voisine de Lyon-Part-Dieu. Un
autobus assure à destination de cette
même gare un service de navettes à
ainsi, s’ils le désirent, se restaurer au
20-
Historail
Affiche
d’A. Brunet de
1963.En haut,
à gauche, le
macaron officiel
des services TAC.
En gare de
Lyon-Brotteaux,
les voyageurs
sont invités à
déposer les clés
de leurs autos
avant de
rejoindre la
navette pour
Lyon-Part-Dieu.
Sous la gare
maritime
de Boulogne,
l’extrémité
avant de
la rame STVA.
Un système
de passerelles
permet aux
voitures
de passer
d’«un wagon
à l’autre».
A gauche,
l’escalier mobile
qui permet aux
automobilistes
de redescendre
sur le quai.
A Lyon-
Part-Dieu,
une charmante
interprète
appelle les
propriétaires
au fur et
à mesure du
déchargement
de leurs autos.
M.François/Coll. LVDR
Borgé/Coll. LVDR
Coll. LVDR
M.François/Coll. LVDR
Historail
buffet des Brotteaux avant d’aller ré-
cupérer leur automobile. Dans l’inter-
rampes mobiles. L’opération est effec-
tuée en un temps record: environ
45secondes par voiture. Au fur et à
mesure du déchargement des voitu-
res, une charmante interprète appelle
au moyen d’un porte-voix les auto-
mobilistes. Après avoir reçu une po-
chette de documents publicitaires et
touristiques intéressant la région lyon-
un bâtiment provisoire érigé à cet ef-
la cour de la gare. Ils seront le soir
même en Suisse ou en Italie, ayant ef-
première partie de leur voyage dans
rapide: du 31 mai au 28 septembre
1957, à raison de trois rotations heb-
domadaires, 104 trains transportent
5936 voitures et 18012 voyageurs,
soit une moyenne de trois voyageurs
avec le GL/LG entre Valenton et Lyon,
a également circulé entre Bruxelles
(départ les vendredis) et Lyon (départ
les samedis). Cette rame comprenait
une voiture-couchettes de 2
En 1958, le nombre de rotations entre
Boulogne et Lyon est porté, du 16 mai
au 7 octobre, de trois à six (tous les
jours, sauf les mercredis). Les chiffres
parlent d’eux-mêmes: 262 trains,
13147 voitures et 39747 voyageurs,
cela malgré la mise en route d’une re-
lation concurrente Ostende – Milan.
Autre nouveauté, un wagon-restau-
rant assure le service du petit-déjeuner
avant l’arrivée à Lyon et, en sens in-
verse, le dîner au départ de Lyon.
Nuit de sommeil remplaçant un tra-
jet long et fastidieux, éprouvant pour
les nerfs du conducteur, gain de
qui ont joué en faveur de ce nou-
(1) Service non reconduit en 1958.
: la naissance des trains autos-couchettes (T
AC) ]
En quelques
années, les
relations TAC se
sont multipliées,
y compris avec
l’étranger.
A Lyon-Part-
Dieu, deux voies
permettent la
mise à quai des
wagons STVA.
Une fois
leurs voitures
déchargées, les
automobilistes
sont invités à
récupérer leurs
clés accrochées
au tableau
dressé à cet
effet.
Borgé/Coll. LVDR
BD/Coll. LVDR
Coll. LVDR
Historail
remarquer par l’ingénieur en chef de
l’exploitation du Nord, Albert Sartiaux,
qui ne tarde pas à l’appeler à ses côtés.
Entré au Nord le 1
février 1897, Ja-
vary est affecté au service de l’exploi-
11000 francs. Le 1
l’équivalent de la direction générale
des autres réseaux. Il est à ce titre
l’auxiliaire direct d’Albert Sartiaux, et
«patron»… Son traitement est alors
de 19000francs, complété de
5000francs de gratifications.
dirige le Nord depuis 1889, que Ja-
vary se forme. Au point de lui succé-
der définitivement en juin 1917, lors-
que la maladie conduit son maître à
demander sa mise à la retraite. Lors
du décès de ce dernier, en 1921,
«l’élève et collaborateur de vingt
ans»
consacre une longue notice né-
crologique
«grand artiste en
exploitation des chemins de fer»,
la prospère compagnie des Rothschild,
a pu dire sans forfanterie
«le Nord,
c’est moi!»
commissaire technique, c’est-à-dire
responsable civil de l’exploitation aux
côtés du commissaire militaire, placé à
éprouvé par la guerre et coupé en
deux par la ligne mouvante du front,
Javary donne aussitôt toute sa mesure
sur les opérations de l’arrière. A des
situations militaires difficiles, le réseau
prouesses:
fameuse journée de mars 1918 où,
74trains militaires transitent en
24heures, sans un accroc, sur l’artère
Raccordements
directs,
doublements,
de voies, lignes
et gares
nouvelles… Pour
le besoin des
armées, le Nord
fut maintes fois
sollicité au gré
des fluctuations
du front.Ici,
l’aménagement
au printemps
1918 de la gare
anglaise de
Beaurainville,
près d’Etaples.
groupe parisien des polytechniciens
février 1913, n°5.
fer,
«A la fin de mars 1918, après avoir
été coupée à Amiens, la partie Sud
du réseau ne communiquait plus
avec la partie Nord que par les
lignes de Longroy-Gamaches –
Longpré et Eu – Abbeville;
on entreprit alors une ligne de
88km à double voie et à bon profil
de Feuquières-Broquiers
à Ponthoile, pour cela on remua
784000 m
3
de terre, fournit et
employa 262000m
3
de ballast,
franchit la Somme sur une
estacade, posa 176km de voies
principales et 34km de voies
accessoires, le tout dans un délai
qui n’a pas atteint quatre mois;
elle fut inaugurée le 15août 1918
quand l’effondrement allemand
avait déjà commencé.»
Résumé d’une conférence faite
par P.-E. Javary à la Société
industrielle du Nord de la France,
à Lille, le 16janvier 1921
(
La Revue générale des chemins
de fer
, août 1921, p. 118).
Coll. LVDR
Portrait
[ un grand manieur d’homme, Paul-É
mile Javar
Le Bourget – Chantilly. C’est après
Beauvais à Abbeville. 80km de voie
double furent étudiés, piquetés et po-
est promu en avril 1918 commandeur
de la Légion d’honneur au titre mili-
taire et, quelques mois plus tard, dé-
coré de la Croix de guerre avec cita-
tion à l’ordre de l’Armée:
«A assumé
la Marne et de la course à la mer, le
ce dernier, n’a cessé de puiser dans
une foi inébranlable dans le succès fi-
nal, une ardeur constante lui permet-
aussitôt les solutions propres au réta-
circonstances les plus critiques, tou-
jours présent aux points les plus mena-
les efforts, servi par un personnel dont
le moral est resté intact.»
Après l’armistice, la reconstruction du
réseau, détruit aux deux tiers, libère
de nouvelles perspectives en matière
pas de refaire à l’identique, mais d’an-
neuf. Javary souligne la rupture et le
d’une conférence prononcée à Lille le
16 janvier 1921 devant les membres
de la Société industrielle du Nord:
que par une utilisation poussée au der-
d’exploitation de chemin de fer. Puis-
puisque, par les ruines qu’elle a accu-
d’obstacles matériels qui nous enser-
raient, nous avions le devoir de conce-
voir et de préparer l’avenir. En d’autres
plus indispensable de rompre le ca-
la loi de 8 heures, les anciennes instal-
presque exsangues, nous voulons re-
préparation de cet Avenir
La recherche d’économies en matière
de frais de traction, et donc de com-
bustibles, l’activation du roulement
des wagons, la mécanisation inten-
sive de postes traditionnellement ma-
nuels, l’extension de grands établisse-
ments concentrés (gares, dépôts,
guerre de Javary, qui entendait ainsi
«renverser les méthodes d’exploita-
tion d’avant-guerre»
«des
Considérant comme cruciale une cer-
taine forme de collaboration et de dé-
24-
Historail
Durant la
Grande Guerre,
le réseau
du Nord a
beaucoup
souffert des
destructions et
des spoliations
allemandes.La
reconstruction
fut un défi
majeur pour
Javary.
Doc. LVDR
Doc. LVDR
Historail
vouement du personnel, il rompt éga-
lement avec la politique autoritaire
de son prédécesseur. Dès 1918, il fa-
vorise le dialogue entre les chefs de
service et les représentants de la
CGT:
«Ces réunions préfiguraient
créa.Au cours de
ces discussions, l’attitude de Javary
fut toujours conciliante. Elle corres-
pondait chez lui à une conviction pro-
fonde: la nécessité de retrouver la
confiance des agents était aussi ur-
en 1920 pour l’ensemble des person-
nels des grands réseaux. Un tel sta-
tut, reconnaissait-il dès février 1919,
aurait pour vertu de clore définitive-
«les discussions individuelles
de bascule par lequel toute conces-
sion obtenue sur un point dans un ré-
seau servait de base à l’obtention
De quoi satisfaire aussi un homme qui
si arbitraire des «petits chefs», tant
cadre de chacune des dix-huit échelles
Javary,
«brisait l’initiative des chefs; il
L’effet partiel de table rase de la
guerre, suivi des embauches massives
de jeunes recrues qu’impose en 1919
la loi des 8 heures, suscite une politi-
que de grande envergure de cités
pour loger le personnel. Si Raoul Dau-
try, alors ingénieur en chef de l’entre-
tien, en est le concepteur, Javary y
«assurer la subsistance»
«éviter le cafard»
aux agents:
joint un jardin d’environ 500m
«ce qu’un agent peut cultiver dans
Dans le cadre du nouveau régime fer-
roviaire –institué par la convention
du 28 juin 1921– qui solidarise l’éco-
«Nous ne
sommes plus que partie d’un tout»,
déclarera-t-il en 1925
un programme d’investissements
lourds. L’objectif est ouvertement an-
noncé: avant 1914, on recherchait
les mesures d’exploitation suscepti-
bles de réduire les dépenses d’établis-
mile Javar
y, directeur du Nord ]
(4) Paul-Emile Javary,
L’Effort du Réseau du Nord pendant
et après la guerre
Histoire de l´exploitation d´un grand réseau.
La Compagnie du chemin de fer du Nord, 1846-1937,
Paris-La Haye, Mouton, 1973, p.150.
(6) François Caron, p.433-434.
(7) François Caron, p.434 (AN, 48 AQ 3387, rapport de Javary
(8) François Caron, p.435.
(9) Paul-Emile Javary,
L’Effort du réseau du Nord…,
p.104-108.
(10) François Caron, p.463.
Aulnoye fut
l’un des treize
grands dépôts
du Nord
entièrement
reconstruits
après-guerre.
Ci-dessous:
grève à
La Plaine en
1920. Rompant
avec la politique
autoritaire
d’Albert
Sartiaux, son
prédécesseur,
Javary adopta
une attitude
conciliante avec
les syndicats.
Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis
Doc. LVDR
Portrait
[ un grand manieur d’homme, Paul-É
mile Javar
celles-ci pour réduire les dépenses
«Il faut marcher,
continuer à dévelop-
n’est pas sûr de tuer. Quand le gibier
confiante de la relance économique
des années 1920:
«J’ai toujours été
soutenu que nous nous sommes ou-
tillés pour un fort trafic, que ce tra-
industrielle se reconstituait puissam-
des dépenses d’exploitation crois-
Au-delà même de l’exploitation fer-
roviaire, c’est sur des filières intégrées
de transports mixtes que Javary en-
privilégiant notamment son ouverture
au trafic intercontinental, en prenant
appui sur le port de Dunkerque. Lors
de son départ à la retraite, en 1933, le
conseil d’administration rendra hom-
mage à ce volet de sa politique:
«De
votre enfant qui est le Nord, vous vou-
liez faire, au point de vue économi-
les transports internationaux et transi-
taires. Dunkerque devient votre ob-
certes, vous est redevable de son dé-
26-
Historail
Si, dans son bureau noir, plutôt lugubre, de
et austère, assorti au triste décor, sans doute
fonction imposait. Tant le portrait de
l’homme privé, du père de famille révèle
épouse, à Nancy, Constance Taratte, fille
Ferdinand Taratte, entré à Polytechnique
en 1854, qui dirigea notamment les tra-
Grèce. De cette union sont issus deux en-
fants: François, né en 1898, futur poly-
technicien (promotion 1916), qui pantou-
partie de sa carrière dans des affaires
est administrateur de la SAGA); Marthe,
Constance étant tuberculeuse, Javary dé-
cide, vers 1902-1903, d’habiter dans un pa-
sa fille dans son automobile (avec chauf-
l’instruire des arts devant des tableaux lon-
Très habile de ses doigts, c’est aussi un bri-
coleur-né qui dépose avant guerre un bre-
notamment à mesurer le volume d’air ex-
» (brevet n°465298
délivré le 2 février 1914). D’ailleurs, il dis-
atelier sophistiqué équipé de tours. Il réa-
lise ainsi une locomotive à vapeur, un ca-
mouvements ordonnés respectifs du So-
leil, de la Terre et de la Lune.
de la gent féminine!
Discoureur, spirituel, blagueur même, sou-
leur conformisme. Ainsi, s’il est respec-
sur les trois nymphes d’un vitrail de la cha-
pelle de Montmorency, regrettant de
n’avoir pas pu connaître de près les mo-
maison qu’il a acquise en bord de mer, en
Ille-et-Vilaine, à Paramé, et naviguer sur
Titulaire de multiples décorations, décer-
il s’est toujours refusé d’entrer en politi-
Hormis quelques propriétés, ce grand dé-
pensier ne léguera à sa mort que peu d’ar-
anciens fonctionnaires des chemins de fer,
au premier rang desquels Raoul Dautry,
tout nouveau ministre de la Reconstruc-
de Montmorency. Et sa famille reçoit par
courrier l’hommage discret d’un ancien re-
personnel et surtout écouter leurs doléan-
ces. Sa disparition causera chez les hum-
bles les regrets qu’il méritait par ses créa-
G. R.
(1) Interview de Manuel Javary, petit-fils
de Paul-Emile Javary, 4 mars 1986.
L’homme privé
Historail
veloppement prodigieux et qui est de-
grand port de France. Tous les moyens
à votre disposition sont mis en œu-
vre: améliorations techniques, tarifai-
res, création de lignes de navigation;
que sais-je encore? Voyageurs et
chercher aux quatre coins de l’Eu-
Il suscite notamment la créa-
dont la flotte –elle comptera onze
navires en 1930, dont un bananier
Paul-Emile-Javary
– allait as-
surer des services réguliers au départ
de Dunkerque, de Boulogne et d’An-
vers en direction du Maroc.
Face à la route et à la batellerie, il a
dû, et su, limiter des relèvements tari-
faires, pourtant nécessaires, mais qui,
traduits par une baisse et un report de
trafic sur la concurrence. Mais l’exten-
sion des tarifs fermes, de groupage,
pour les marchandises, devait contri-
buer à étendre la jungle luxuriante des
tarifs, peu propice à stabiliser le com-
Mais, bénéfique jusqu’alors, sa poli-
déclare-t-il en
1928–, qui encourage l’effort continu
d’investissement, voit ses effets trans-
années trente. Les rigidités sociotech-
1931 l’exercice 1930, il constate
«l’impossibilité où nous sommes ac-
tuellement de faire baisser nos dépen-
Lors des intenses débats sur la ques-
tion de la coordination entre le rail, la
route et l’eau, Javary milite pour un
plan réservant au rail le trafic lourd de
voyageurs et de marchandises sur des
axes et entre des centres primaires de
trafic, la consistance des gares et li-
gnes exploitées étant donc ainsi pas-
dans une conférence faite le 24 sep-
tembre 1931 à la Société des ingé-
«la situation ac-
tuelle du réseau du Nord et les me-
sures par lesquelles il compte moder-
niser son exploitation»,
17février 1932 à l’Office des trans-
ports des chambres de commerce du
nord de la France, il entreprend la cri-
tique de l’héritage historique, politi-
que et économique des réseaux:
«Les départements ont construit ou
du chemin de fer, il a fallu encore,
conditions, aux mêmes prix, que la li-
gne soit facile ou difficile à exploiter,
suffisantes pour utiliser convenable-
ment la capacité minimum du che-
min de fer. (…) On est arrivé à de-
par jour, que du transport des colis
postaux de 3 et 5kg. On lui a de-
mandé de se charger de ces trans-
kilomètres que sur des 5,10, 15km
le faire dans des conditions de prix si-
avant tout par la valeur de la mar-
mile Javar
y, directeur du Nord ]
(11) François Caron, p.464-465.
(12) François Caron, p.464.
(13) (p.18-19).
(14) François Caron, p.517.
(15) Paul-Emile Javary, sur la «collaboration du chemin de fer
et de la route»,
Une SuperPacific
3.1200 en tête
de la Flèche
d’Or en 1930,
symbole de
la puissance
du réseau Nord.
Si Raoul Dautry
fut le
concepteur
des cités d’après
guerre, Javary
y souscrivit
pleinement.
Doc. LVDR
Doc. LVDR
Portrait
[ un grand manieur d’homme, Paul-É
mile Javar
conditions techniques dans lesquelles
elle se présente.»
Mais les compa-
guerre du moins, soutenu et conforté
La concurrence avivée par la crise de-
vait sortir de leur engourdissement les
dirigeants du rail, encore portés à rai-
sonner selon des conceptions péri-
mées. Nul doute que l’optimisme ré-
dirigeant de la compagnie tradition-
nellement la plus prospère, quelque
peu dérouté. D’autant que ce qui
réseau du Nord, son implantation sur
se retourna en faiblesse accentuée, la
crise affectant moins les réseaux à tra-
Dans un ouvrage collectif de témoi-
gnages consacré à la mémoire de
René Mayer, Guy de Rothschild sug-
gère que l’appel par son père Edouard
président en 1932) visait à préparer
un nouveau tournant stratégique:
«Le président Edouard de Rothschild
de jouer un rôle actif dans la direc-
tion de cette compagnie. Les services
Javary, qui avait montré des qualités
“management” n’avaient guère évo-
lué, alors que le transport par fer su-
bissait une vive attaque concurren-
Par ailleurs, le déficit financier perma-
une épine irritante au niveau politi-
que, et il convenait d’élargir les liai-
l’administration, avaient périodique-
René Mayer, revenait aussi la prépara-
tion de la relève de Javary. Deux fu-
turs directeurs généraux de la SNCF
seront recrutés par lui, les ingénieurs
à la retraite en décembre 1933, de-
mande qui lui est accordée à dater du
Le Besnerais: à peine âgé de 41 ans,
jeune directeur nommé des grands
réseaux de l’entre-deux-guerres. Ja-
vary quitte le Nord avec une gratifi-
cation de 300000francs et le titre de
directeur honoraire. Il avait, en effet,
obtenu le titre de
directeur de l’Ex-
en 1925, Edouard de Roth-
schild rompant pour lui avec la tradi-
tion du Nord qui faisait du
l’équivalent du directeur
général sur les autres réseaux.
A Paul-Emile Ja-
vary
, qui reprend le discours prononcé
par le baron de Rothschild en ouver-
ture au conseil d’administration du
15 décembre 1933. Celui-ci, mani-
festation assez rare chez les Roth-
ses regrets de perdre personnelle-
ment un conseiller et confident pré-
cieux:
«Le Nord perd son directeur,
inspirateur et même un rénovateur.
un collaborateur intime, un conseil-
ler averti et, laissez-moi ajouter, un
pour moi un confident que je consul-
tais toujours avec profit dans les si-
tuations les plus délicates.»
Et Edouard de Rothschild de saluer
de son collaborateur:
«Le grand
la structure d’un réseau tel que le ré-
de pouvoir les réaliser, ce qui est un
principes nouveaux et des plus mo-
dernes. (…) Veiller au bien-être de vo-
tre personnel, le soigner, l’encoura-
ger, le distraire étaient pour vous un
devoir de conscience dont l’accom-
plissement vous apportait une légi-
time satisfaction. Votre sévérité juste
service se conciliaient naturellement
Vous avez toujours été obéi, suivi, res-
faire aimer.»
Sans oublier les relations de coopé-
ration entre les administrateurs et leur
directeur, et notamment ceux ayant
fait partie de la commission de comp-
tabilité où Javary venait régulièrement
rendre «ses comptes»:
«Les expo-
de cette commission étaient remar-
28-
Historail
Sous l’impulsion
de Javary,
Dunkerque
devint l’un des
plus grands
ports de France,
porte du trafic
intercontinental
du réseau.
Doc. LVDR
Guerre 39-45
30-
Historail
Paris.
Vendredi 14 juin 1940,
troupes allemandes pénètrent dans la
capitale. Aussitôt, des officiers investis-
l’Opéra, de la place Vendôme et des
Vers 8 heures 30, des motocyclistes
remontent l’avenue pour reconnaître
le parcours de leur parade program-
mée. Ainsi, l’Arc de triomphe servira
avec musique, officiers à cheval et
troupes à pied.
Paris.
Bureau du commandant
militaire de Paris.
Sans appel, le message du comman-
dant en chef de la Wehrmacht, Wil-
helm Keitel, au général von Bockel-
berg est exécutable sans délai:
« Le Führer, suivant le rapport du mi-
ordre de mettre en sûreté –outre les
objets d’art appartenant à l’Etat fran-
çais– les objets d’art et documents
historiques appartenant à des parti-
culiers, notamment à des Juifs.»
Paris. Ambassade
d’Allemagne. Rue de Lille.
Se référant aux directives du chef de la
Wehrmacht, l’ambassadeur Otto
Abetz précise aux autorités militaires
parisiennes que, désormais, il se char-
«protec-
tion»
que du recensement du patrimoine
«les objets les plus précieux
Note concise, rôles clairement définis,
maintenant les mains libres. La grande
rapine peut commencer, tout de suite,
Trois jours plus tard, Son Excellence,
fin connaisseur des marchands d’art
grandes galeries, adresse à la Ge-
principaux marchands d’objets d’art
chez qui est ordonnée une perquisi-
tion d’urgence. Sont visées les collec-
tions et les galeries des familles du ba-
ron Edouard de Rothschild, Alphonse
Kann, Paul Rosenberg, Bernheim-
Jeune, Seligmann et Wildenstein.
Tableaux, bijoux, sculptures, tapisse-
ries, mobilier s’entassent dans l’am-
reluisant d’un repaire de brigands.
lettre, redoutable efficacité dans l’art
privées françaises. Mais à vouloir trop
vite forcer le destin, monsieur l’Am-
excès de présomption: à plus ou
qu’entrer en conflit direct avec le
comte Franz Wolff Metternich,
nommé le 11 mai dernier par ordre
de terre à la tête du Kunstschutz
(commission allemande pour la pro-
tection des œuvres d’art en France).
Celui-ci, menant une contre-attaque
de grande envergure, réagit auprès
de son supérieur hiérarchique, le gé-
néral Streccius, lequel intervient au-
et obtient de lui un arrêté interdisant
tout transfert d’œuvres d’art à l’am-
bassade du Reich à Paris. Le militaire a
A leur bord, des œuvres d’art spoliées, issues pour
la plupart de collections juives. L’ultime épisode
tournante de ce trafic, le musée du Jeu de Paume où
Rose Valland, en qualité de conservateur, s’applique,
au péril de sa vie, à recenser les œuvres d’art volées
la Résistance de ce dernier convoi.
Auteur d’une étude fouillée sur «L’Exode des
musées», Michel Rayssac revient sur cet épisode.
Août 1944:
le train d’Aulnay-sous-Bois
Historail
pris le pas sur le diplomate. Est-il en-
core trop tôt pour réussir de fructueu-
ses rapines? Le Führer en personne
ce problème de préséance.
Berlin. Commandement
en chef de la Wehrmacht.
Problème résolu, de manière expédi-
tive:
«Le Reichsleiter Rosenberg est
Le Führer s’est réservé pour lui-
même la décision sur leur future at-
tribution.»
L’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg
(ERR) voit le jour. Il bénéficie de pou-
à tout contrôle, sinon celui d’Hitler.
Fini le travail artisanal d’un vulgaire
voleur à la tire, place maintenant à un
pillage officiel et systématique, orga-
nisé par le théoricien du régime, Al-
fred Rosenberg.
Trois salles, vides et désaffectées, au
rez-de-chaussée du Louvre seront ré-
servées à l’ERR et à son représentant
en France, le colonel Kurt von Behr.
Au mois d’octobre, sept convois y
déménageront de l’ambassade plu-
sieurs centaines d’œuvres déjà em-
ballées et prêtes à prendre le chemin
Paris. Palais du Louvre.
convoi d’aujourd’hui, l’espace se ré-
vèle nettement étriqué, insuffisant. Il
faut donc au colonel von Behr trouver
vaste, indépendant et discret. Cette
perle rare existe à Paris: le musée du
Jeu de Paume, isolé dans le jardin des
Tuileries mais à proximité de la place
de la Concorde, bien protégé des re-
gards indiscrets. Le colonel impose
son choix de vainqueur: le musée du
Jeu de Paume sera désormais terri-
toire de l’ERR. Chasse gardée.
Paris.
Musée du Jeu de Paume.
Plus de 400 caisses d’œuvres saisies
accumulées au Louvre ou se trouvant
encore à l’ambassade prennent la di-
rection du musée.
Jaujard, leur directeur, se pose à pré-
sent un dilemme: peut-on laisser ce
musée national des écoles étrangères
contemporaines sans le moindre res-
ponsable? Une partie seulement des
collections a été évacuée en province,
le reste a été stocké dans les réserves
d’une personne chargée de la mainte-
nance et de la surveillance. Avantage,
celle-ci serait en même temps char-
gée d’établir un inventaire contradic-
toire des œuvres spoliées par les Al-
Reich. Rose Valland, la collaboratrice
du conservateur du musée, est dési-
gnée par Jacques Jaujard pour cette
gênant pour l’ERR? A 42 ans, elle
reste seule, désespérément seule,
Deux jours plus tard, le Dr Hermann
Bunjes met fin de manière autoritaire
et définitive au semblant d’inventaire
que tente de dresser tant bien que
mal la Française. Rose Valland a ter-
miné son rôle officiel, elle commence
celui d’informatrice de l’ombre. Les
portes du Jeu de Paume se sont re-
des factionnaires en armes inter-
diront pendant quatre ans à
tous ceux qui n’exhiberont pas
» signé du co-
lonel von Behr.
premier train spécial part de la
gare du Nord et emporte dans
25 fourgons express les collec-
tions Bernheim-Jeune, David-
Weill, Halphen, Kann, Lévy-Benzion,
Rothschild, Seligmann, Veil-Picard et
Wildenstein. Durant les 39 mois d’ac-
tivité de l’ERR, suivront 28 autres
destination? La forteresse de Neus-
chwanstein, en Bavière, entrepôt de
recel de l’ERR choisi en vue de l’éla-
Linz, en Autriche, fantasmé par Hitler.
Tout au long de cette période, confi-
née dans le minuscule bureau du télé-
phone, Rose Valland, le regard perdu
derrière ses grosses lunettes rondes,
voit tout, entend tout, relève tout. Elle
cherche à identifier chaque collection,
chaque tableau, à en déterminer l’ori-
gine, le nom, l’adresse du propriétaire
et, surtout, elle note la moindre infor-
mation sur la destination des œuvres.
Authentique agent de renseigne-
pour parvenir à ses fins: copie dis-
bureaux, fouille des corbeilles à pa-
pier, recherche des carbones, récupé-
ration des doubles des clichés photo-
Goethe. Une ou deux fois par se-
Bouchot-Saupique, la secrétaire de
Conservateur
au musée du Jeu
de Paume,
Rose Valland
tint de 1940 à
1944, au péril
de sa vie,
une comptabilité
précise
des œuvres
spoliées par
les Allemands.
(www.rosevalland.com)
Dessin S.Lucas
Maurice Descroix. DR. Association La mémoire de Rose Valland. Collection Camille Garapont
Guerre 39-45
[ août1944
: le train d’Aulnay-sous- Bois ]
Jacques Jaujard, ses notes relatant
de ce qui se passe ce mardi 1
1944: 148 caisses, dont certaines
portent, écrits au pochoir, les noms
de Monet, Dufy, Cézanne, sont empi-
lées sur des camions, conduites gare
du Nord et chargées sous protection
militaire dans cinq wagons d’un train
Paris. Gare du Nord.
On appose les scellés sur les cinq wa-
gons, qui portent les désignations sui-
vantes:


ITALIA 1.004.288



Rose Valland connaît leur destination:
en Autriche, les quatre autres pour le
dépôt de Nikolsburg, en Moravie. Cer-
est située «21. Rue de La Boétie. Pa-
Ces informations, Rose Val-
land les a discrètement relevées sur
Jeu de Paume. Ces cinq wagons se-
ront intégrés dans un convoi compre-
nant 47 autres wagons chargés de
meubles piratés par l’organisation al-
engagée entre Allemands et Français.
Les premiers feront tout pour que ce
train quitte Paris au plus vite, les se-
conds mettront tout en œuvre pour
le ralentir, avec l’espoir que les Alliés
atteindront bientôt Paris pour empê-
cher ce dernier pillage.
Gare de Villeneuve-Saint-
Georges. Seine-et-Marne.
grève générale dans la région pari-
suivi, risque bien d’immobiliser quel-
que part dans la banlieue nord de Pa-
convoi chargé des 148 caisses d’œu-
vres du Jeu de Paume.
Gare d’Aubervilliers,
au nord de Paris.
Le train se trouve immobilisé sur une
voie de garage, au niveau du gazomè-
tre,
gardé par des gendarmes alle-
mands, ce qui rend impossible une ac-
tion armée d’envergure. Par contre, il
n’a parcouru que quelques kilomètres
en dix jours, une performance à mettre
par la direction des Musées nationaux.
Sous un prétexte ou sous un autre, le
train a été retenu de gare en gare et
même immobilisé par une «panne»
pendant 48 heures au Bourget.
Gare d’Aulnay-sous-Bois.
Les FFI attaquent la gare. Bilan: trois
Chauvin, chef d’un corps-franc Libéra-
tion-Nord.
Gare d’Aulnay-sous-Bois.
Vendredi 25 août.
Le cheminot Maurice Descroix assiste
à la fin de l’incendie d’un wagon fai-
trois voies de chargement et de dé-
chargement, en bordure du boulevard
Ce convoi pour l’Allema-
ne pourra rebrousser chemin vers Pa-
«pro-
prement»
–pour ne pas causer trop
de dommages au matériel– deux lo-
de la gare de triage, en direction du
Bourget, le long de la route des Pe-
tits-Ponts. Le piège s’est refermé.
Hôtel de ville
d’Aulnay-sous-Bois.
L’ancien conseiller municipal Narcisse
Renaudot hisse le drapeau tricolore sur
FFI servent d’éclaireurs au 12
Philippe Leclerc de Hauteclocque.
Au musée du Jeu de Paume, Rose Val-
land rédige sa dernière note d’infor-
matrice:
«Les wagons nous restent
avec 148 caisses d’œuvres d’art.»
Mais, même si la commune a été libé-
autant sauvé: il court en effet le ris-
32-
Historail
bombardements
de Vichy et
musée du Führer.
L’Exode
des musées.Histoire
des œuvres d’art sous
La sauvegarde des musées sous l’Occupation
Historail
une exploration de son passé à un historien doté de toutes libertés et facilités de travail, marquant
ainsi sa volonté de mettre un terme au procès tacite en suspicion d’une entreprise soucieuse de cacher
ou de détruire des archives compromettantes. Achevé en 1996, le «Rapport Bachelier» marque
une première et fondamentale étape dans le chantier de l’examen historique du passé de la SNCF
Depuis, nos propres recherches nous ont permis d’enrichir cette connaissance, certainement encore
bien incomplète. L’espoir demeure d’exhumer ici ou là de nouvelles pièces des fonds versés
à son centre d’archives du Mans après leur premier examen partiel par Christian Bachelier.
Notre vision privilégiée pour l’analyse critique du rôle de la SNCF dans les déportations emprunte
beaucoup au modèle logistique, terme alors anachronique. Si celle-ci a été un acteur impliqué dans
les déportations vers les camps de l’Est au départ de Compiègne ou de Drancy, c’est bien parce qu’elle
a été un rouage-clé de l’organisation logistique ayant conduit les déportés vers les différents camps
allemands, camps de concentration ou d’extermination. Personne n’a contredit cette vérité,
même parmi les historiens favorables à la SNCF, de Serge Klarsfeld
à Annette Wieworka
une évolution récente dans le regard porté sur cette implication, c’est par son extension,
son prolongement en amont même de Compiègne ou de Drancy, ces deux «plaques tournantes»
vers lesquelles convergeaient des trains en provenance de ces autres «pôles» secondaires qu’étaient
les camps d’internement français étudiés depuis seulement une vingtaine d’années
de transports? Le procès Papon est éclairant sur ce point. Si les rouages de la machinerie technique
doivent engrener parfaitement, quels en sont les rouages moteurs et les simples courroies de
transmission? Pour fonctionner, cette machinerie technique de camps, d’autobus et de wagons a dû se
doubler d’un équivalent bureaucratique aux engrenages de papier… A nos yeux, ce modèle logistique
a d’énormes vertus maïeutiques… et se prête bien au questionnement moral et philosophique!
Ce dossier tente ainsi de faire la part de vérité entre mythes médiatiquement colportés et amplifiés et
un brin de lumière entre bluffs accusateurs intéressés, confusions que l’émoi et l’indignation peuvent
excuser, et silences ou censures coupables…

La déportation des résistants et des «politiques»
Communistes, résistants, Juifs: les cheminots déportés
L’aide des cheminots aux internés transférés et déportés
De l’enchaînement bureaucratique des rafles et transferts à
Àpropos du wagon couvert K, dit «wagon à bestiaux»:
de la réglementation militaire à ses détournements
Un enjeu juridique capital: réquisition ou non des trains de la SNCF?p. 80
Le soupçon installé, d’interminables procès, une histoire inachevée…p. 87
Forez, Le Cahier noir
(2) Léon Poliakov,
Bréviaire de la haine
, Calmann-Lévy, 1951, p. XII (11 avril 1951).
(3) Eric Conan et Henry Rousso,
Vichy, un passé qui ne passe pas
, Folio-Histoire,1996, «Le juge, le témoin
et l’historien», p. 235-236.
(4) Rapport Bachelier,
La SNCF sous l’occupation allemande, 1940-1944. Rapport documentaire
1534 p., 914 p. en 2 vol. + 2 vol. d’annexes.
(5) «L’acheminement des Juifs de province vers Drancy et les déportations»
inUne Entreprise publique
dans la guerre, la SNCF, 1939-1945
, PUF, 2001.
(6) «La SNCF, la Shoah et le juge»,
L’Histoire
La France des camps. L’internement, 1938-1946
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
36-
Historail
L
e dévoilement progressif du rôle
des chemins de fer dans la tragé-
die de la «solution finale» s’est
opéré en deux temps. Tout d’abord,
pleine responsabilité d’organiser à
l’échelle européenne trains et sillons,
denrées rares arrachées aux militai-
res! Ensuite, bien plus tardivement,
le regard s’est porté vers les camps
d’internement français et les mouve-
ments qu’ils ont suscités: transports
de regroupement dans des centres
provinciaux, puis transports d’éva-
cuation vers les deux centres contrô-
de Compiègne, et Drancy, anticham-
bres des convois vers les camps de
d’outre-Rhin. Trop souvent, ces
de «transports de déportation», ce
qui est inexact; les opérateurs enga-
Rivesaltes à Auschwitz ou de la pri-
et les responsabilités politiques,
terme «déportation» doit être
la frontière allemande et celui de
«transfèrement», aux autres, même
si, en vertu des plans logistiques éta-
blis, ils s’enchaînent parfois à quel-
bien plus tard, au plan juridique,
selon les points de vue, ordonna-
pour les premiers à les distinguer,
pour les seconds, à les confondre.
des déportés, pour simplifier, «ra-
ciaux» ou «politiques», et, ainsi, à
leur destination en Allemagne: d’un
l’autre, les camps d’extermination.
A ces deux premières lignes de par-
tage de nature géographique ou so-
ciale, il faut adjoindre impérativement
une troisième coupure de nature tem-
porelle: en vertu de la convention
l’occupation, en novembre 1942, de
l’ensemble du territoire, les transports
commandés en ou depuis la zone li-
bre (relevant donc d’autorités pure-
ment françaises) ne peuvent être assi-
les mêmes impératifs allemands et ins-
transmises aux autorités policières de
la France dans l’organisation des ra-
fles, Toulouse en zone libre ne vaut
pas Bordeaux en zone occupée du
point de vue des marges de manœu-
vre ou d’interprétation dont disposent
les préfets et autres acteurs des opé-
rations de transfèrement.
Ce dossier doit donc contribuer à ré-
tablir cette clarté nécessaire entre plu-
sieurs catégories de trains: déportés
politiques ou déportés raciaux? en-
tre camps français ou au départ vers
l’Allemagne? depuis la zone Sud
avant ou après son occupation? Cela
de la SNCF sur le seul territoire fran-
çais amputé à l’est de trois départe-
ments, où la nouvelle frontière ferro-
viaire passe désormais par d’anciennes
gares lorraines, telle Novéant.
Concrètement, la SNCF est prestataire
de ses locomotives et de leurs équi-
pes de conduite jusqu’à la frontière, et
couverts, français ou allemands, puis-
que prélevés dans le parc des wagons
aptes au transit international. Par
«Déportations» franco-allemandes et «transfèrements»
franco-français: un distinguo impératif!
sur le territoire du Reich, la factura-
(Mitte-
leuropäisches Reisbüro)
n’en restaient pas moins considéra-
partis de France à destination d’Aus-
chwitz avaient coûté 76000 reichs-
et 439000 de la frontière à Aus-
police de la sécurité elle-même avan-
çait les fonds pour le trajet sur le ter-
se poursuivît sans interruption. Sie-
gert voulait savoir quelle part des dé-
commandement militaire. L’éloigne-
(Entfernung der Juden)
faisait partie des charges de l’occupa-
es-
être payée par le commandement mi-
Finances décida que le commande-
des francs français au titre de dépen-
de sécurité.»
L’épreuve du convoi,
«première station» vers
vite évoquée. Dès janvier 1945, l’Asso-
ciation des parents et amis des famil-
Allemagne, communauté juive lyon-
et de leur porter secours, s’adresse à
la SNCF, particulièrement qualifiée à
ses yeux pour les informer des trans-
ports. De fait, celle-ci leur fournit les
dates, les gares de départ et les desti-
44convois pour 1942, 24 pour 1943
guerre, les premiers témoignages liés
effectués les transports vers les camps.
Deux recueils collectifs de témoigna-
ges sur la déportation voient notam-
ment le jour. En 1947, des universi-
taires de la faculté de lettres de
. On y trouve notam-
ment la première narration d’un res-
«convoi de la mort»
doute connu les pires conditions de
d’entassement (2521 prisonniers),
son acheminement (parti de Compiè-
gne le 2 juillet 1944, il met quatre
jours pour atteindre Dachau). Francis
Rohmer, chef de clinique neurologi-
que à la faculté de médecine de Stras-
bourg, y narre l’enfer croissant des oc-
enfournés deux groupes de cinquante
déportés:
« J’aperçois le long du quai d’embar-
wagon? Cinquante, soixante-quinze
ou cent? On fractionne la colonne
nous la chance de rester ainsi? (…)
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
38-
Historail
Départ de
convoi vers
l’Allemagne.
Illustration
parue dans un
opuscule
(Arrestation de
patriotes)
édité
en Bretagne
en 1947.
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
éclate, c’est un SS qui achève un mo-
dans un wagon qui, par bonheur, est
demi rempli d’eau.»
L’ancienne frontière allemande est
franchie à Sarrebourg le troisième jour
seulement. Le quatrième jour, le 5 juil-
let, à 16 heures, c’est l’effroyable dé-
compte à l’arrivée à Dachau:
«Nous
étions 2521 au départ de Compiè-
route…»
Soit donc quatre sur dix!
une anthologie de té-
moignages de survi-
«le lecteur
[l’infir-
crématoire»
Premier
chapitre de l’ouvrage:
«Première
station»
sur la route de
l’enfer, passage brutal
«stücks»
convoi reste pour nombre de resca-
pés un des pires souvenirs de leur dé-
groupes de «politiques» dangereux,
] ou de résis-
voitures cellulaires ou dans des com-
partiments de trains ordinaires, tous
ont connu les mêmes affres.
L’analyse clinique
la pathologie spéciale de la déporta-
tion s’est intéressée aux
«morts dans
les transports»
Pa-
, le pro-
comparé les morts des convois ferro-
viaires aux esclaves succombant dans
beaux jours de la traite des Noirs:
« De 15 à 30% des esclaves succom-
Amérique, ce qui était dû à l’encom-
la fatigue provoquée par l’impossibi-
lité de dormir, dans certains cas à l’as-
phyxie quand ils étaient trop nom-
faisaient une affaire déplorable et pres-
de soif,etc. devait être jetée à la mer.
«Le transport des déportés en che-
min de fer fut très comparable. L’en-
tassement y fut extrême: en principe,
120 par wagon, chiffre parfois dé-
ouvertures par lesquelles on peut res-
pirer, minimes. On est trop nom-
froid. En été, la chaleur devient into-
variable: de 50 à 75 heures, généra-
lement 60 à 65heures. Le ravitail-
On n’ouvre le wagon qu’une fois du-
«Quel est le sort des transportés? Il
sévices (coups de crosse, déshabil-
lage,etc.), quelques troubles psychi-
ques, depuis la simple mauvaise hu-
eu asphyxie d’un wagon entier. Nous
signalé par de nombreuses person-
paraissait certaine.»
Et de revenir sur le témoignage pré-
cité du docteur Rohmer, dont l’autorité
autre interprétation de ces 40% de
morts:
«La chaleur était ces jours-là
le délire, la dyspnée, et le malade som-
brait dans le coma avec myosis.»
Ob-
dès l’arrivée au camp, Richet suggère
plutôt d’autres causes possibles, déshy-
I
monumentale d’Olga Wormser-Migot
sur les camps de concentration alle-
. Quelques pages sont natu-
rellement consacrées à
«l’organisa-
chemins de fer»
consulté Paul Durand, le juriste retraité
de la SNCF à qui l’entreprise a confié
guerre et obtenu une réponse plutôt
évasive:
«Il résulte que les convois
transport (tout au moins communi-
cours d’opération, de nature mili-
40-
Historail
Arrestation
de patriotes,
Saint-Brieuc,
1947.
Un des premiers
témoignages
publiés par
les rescapés
à leur retour
des camps.
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
de fer français, qui fit en sorte d’oppo-
ser une résistance étendue et bien or-
ganisée à toutes les exigences alle-
déportations à l’Est. Tout au long de la
français de conduire à la frontière al-
[O. Wormser-Mi-
got, op. cit., p.222-
la SNCF, Paul Durand
le service du conten-
tieux contre les viola-
la convention de La Haye; mais il ne
des Juifs. Les employés aidèrent ap-
à s’échapper d’un convoi en septem-
bre 1942, et ont peut-être aussi in-
[O. Wormser-Mi-
got, op. cit., p.223]
transports à Auschwitz, même pen-
85convois de Juifs déportés ne dé-
railla ou ne subit d’autres avaries. Pen-
dant la seule année 1944, 14 trans-
trois, emmenant un millier de Juifs dé-
portés ou davantage. Les seuls inci-
d’évasions individuelles.»
approfondir la thèse paxtonienne
–Jean-Pierre Azéma, François Béda-
rida, Henry Rousso…–, mettant en
relief les politiques autonomes de Vi-
chy, ses initiatives en zone libre
jusqu’en novembre 1942, notamment
sa part de responsabilité en matière
de persécutions des Juifs, sous les di-
rectives de Laval ou de son secrétaire
naturellement bouleverser les idées
reçues, stimuler et amplifier le
«syn-
drome de Vichy»
A l’actif de cette révolution historio-
regard, reporté des camps d’outre-
Rhin vers les camps d’internement
français provinciaux, ces bases logisti-
Drancy. Des camps aux origines et sta-
tuts divers: centres d’internement de
faits prisonniers, camps en zone libre
de réfugiés espagnols ou d’Alle-
mands, Polonais et autres émigrés
d’Europe centrale fuyant les persécu-
camps de Tziganes,etc. Les appro-
zone Sud (Gurs, Rivesaltes, Le Vernet,
Noé, Septfonds) et les premières syn-
1933-1944. Exil et internement d’Al-
, Alinea 1990;
camps du sud-ouest de la France. Ex-
1991) trouvent plus tard leur synthèse
magistrale sous la plume de Denis Pe-
La France des camps. L’in-
, Gallimard,
I
Pointant l’implication d’un ancien se-
crétaire général de la préfecture de
Bordeaux en zone occupée dans les
traques de Juifs en Gironde, puis leur
transfèrement sur Drancy, Michel Sli-
tinsky, résistant juif bordelais qui a
«l’affaire Papon». Parus dans
Le Ca-
le 6 mai 1981, les pre-
miers documents d’archives illustrent
aux autorités préfectorales girondines
pour l’exécution du transport, le 2fé-
Drancy; à la préfecture notamment
de s’entendre avec la SNCF pour s’as-
surer de compartiments réservés dans
le train qui partira de Bordeaux-Saint-
Jean à 9 heures du matin…
Des archives sauvegardées livrent de
nombreux documents relatifs à la
d’arrestations, dont quatre rafles,
1681Juifs ainsi arrêtés et dénom-
brés par M.Slitinsky. Où l’on voit la
préfecture chargée de traduire en
décidés par les Allemands, notam-
ment relatifs aux compartiments et
aux trains qui seront réservés ou af-
L’acharnement de M.Slitinsky
conduira au procès Papon (octo-
bre1997-avril 1998), après ceux de
Barbie (1987) et de Touvier (1994).
On a perdu de vue que l’incrimina-
tion de M.Papon dans l’organisation
des divers convois ferroviaires sur
Drancy sera l’un des enjeux de l’ac-
42-
Historail
Actes du
VIII
e
colloque
de l’AHICF tenu
à l’Assemblée
nationale les
21-22 juin 2000.
Dossier
[ SNCFet déportations: de l’histoire au prétoire ]
Faire toute la lumière:
On comprend pourquoi en cette an-
née 1992, le président de la SNCF Jac-
ques Fournier décide que soit faite
toute la lumière sur le rôle de la SNCF
durant la guerre. Un contrat est signé
le 13 novembre avec l’Institut d’his-
toire du temps présent (IHTP): sous
la responsabilité d’Henry Rousso,
cette recherche historique, bénéficiant
contractuellement d’un accès libre aux
archives de la SNCF. Il va privilégier les
archives riches et fort bien classées du
secrétariat du conseil d’administra-
tion, instance d’enregistrement plu-
communiquées les décisions majeu-
res de la SNCF et les informations es-
sentielles qui les motivent ou concer-
nent son contexte. En 1996, le volu-
. Evidem-
déportation des Juifs a retenu l’atten-
tion de Ch. Bachelier, qui a recoupé
plusieurs sources. Il a relevé que, pudi-
«transports IAPT»
pour «Israélites
Allemands, Polonais, Tchécoslova-
ques», les convois de transfèrement
dans les rapports annuels de la Délé-
gation technique de la SNCF à Vichy,
service chargé en zone libre de repré-
senter la SNCF auprès de la haute ad-
d’archives appropriées retrouvées, les
responsabilités de la SNCF dans la dé-
ne peuvent être guère précisées. Rete-
ses recherches sur ce sujet
transports de déportation et de trans-
ont participé à l’élaboration des condi-
tions techniques de transports ferro-
[du Vél’d’Hiv aux camps du Loi-
ret et des mouvements de la zone Sud
à la zone Nord].
des trajets et pendant les stationne-
ments.Ces transports relèvent de pro-
le service liaison du mouvement, ainsi
que par la délégation technique à Vi-
chy, en particulier les transferts de
44-
Historail
De 2002 à 2004,
la SNCF accueille
dans ses
principales gares
une exposition
itinérante en
hommage aux
enfants juifs
déportés de
France, réalisée
par l’Association
des fils et filles
de déportés juifs
de France. Ici,
en gare
de Saint-Lazare
en juin 2002.
Lyon, qui porte ainsi un deuil doulou-
reux comme, hélas, tant d’autres réa-
lisations récentes dans notre pays.»
abrite à deux pas de la gare de Lyon le
stations de la ligne, aujourd’hui trans-
formé en PC de la LGV Paris – Lyon.
A Bordeaux, les deux agents Georges
Boudin, ouvrier sellier, et René Her-
rera, aide-ouvrier ajusteur au dépôt,
convoi parti le 13 janvier de Bordeaux-
Saint-Jean pour Drancy, l’un des qua-
tre convois qui ont valu à Papon d’être
condamné pour son concours aux ra-
fles et transferts de Juifs… Tous deux
respectivement dans les convois n°67
(3 février 1944) et n°69 (7 mars
GeorgesRIBEILL
Historail
(6) Ces 45000 ont été étudiés
Hamet:
Les «45000». Mille otages
(8) P.C.,
Un récit vécu. Auschwitz, antre
1945) à évoquer ce périple. Voir aussi
internes et externes: T
Bordeaux, Sorgues, Dachau. Le train
, ainsi que deux études récentes:
Les naufragés et les rescapés du «train
fantôme»
(L’Harmattan, 2002), et Jürg
L’odyssée du train fantôme.
3juillet 1944: une page de notre
histoire
Matricule 51306. Mémoires de
p.171.
(Fayard, 2001, tome 3, p.1916-1919),
de 75721 juifs français et étrangers
le sort de son père: «
Dans les ombres
Revue d’histoire des
, hors série n°7,
Les cheminots dans la guerre et
2004, p.232-247.
(13) Cf. Michel Slitinsky,
préfectoral lavaliste à Bordeaux
, Wallada,
1988, pp.48 et50.
Doc. LVDR
Dès le mois
de juillet 1945,
la SNCF publie
régulièrement
dans
Notre
Métier
,
hebdomadaire
d’information
professionnelle
et sociale des
cheminots de
France, une liste
de ses agents
morts et
disparus
des suites
de la guerre.
Ici l’édition du
21décembre
1945.
déportés, des recommandations sur
étaient tout aussi précieuses: telle,
propices aux évasions en fonction du
profil des lignes; mais encore, la ma-
nière de se jeter du trou fait dans le
à mettre en garde les déportés sur les
dangers inhérents à toute tentative
grossièrement. Déporté depuis Com-
Bernard Le Châtelier révèle ainsi dans
ses mémoires
la fausse menace bran-
die par l’escorte alle-
mande: «
Avant le dé-
jeune sergent une lon-
gue tirade sur la disci-
pline, assortie de mena-
ces précises: en gros, il
herse en queue du train;
d’ailleurs, ceux qui ten-
toujours repris; ils sont
fusillés sur place ainsi que des ota-
fermée et verrouillée; c’est la France
qui disparaît à nos yeux…
Au nombre des déportés du triste-
ment célèbre «train-fantôme» qui,
parti le 9 août 1944 de Bordeaux, at-
à l’issue d’un parcours exceptionnelle-
ment chaotique, Roger Bigorre, méca-
nicien au dépôt de Bordeaux est le
mieux placé pour informer ses cama-
rades de wagon de la manière la
moins risquée d’effectuer le grand
saut. Deux rescapés ont témoigné des
précieux conseils prodigués par Bi-
gorre, malheureusement décédé en
un ordre préalablement établi, pre-
mièrement dans la bouche un mou-
choir (pour éviter de crier), deuxième-
ceinture, ceci pour éviter éventuelle-
marche. Pour notre wagon, une di-
question de sauter.
» Plus précis en-
core est le récit de l’évadé Francesco
mécanicien dans les chemins de fer,
manœuvre à exécuter pour descen-
dre. Il nous indiqua les différentes par-
se laisser glisser, en cherchant à tou-
cher terre avec les pieds, la tête tour-
attachés au corps. Le mécanicien bor-
delais nous conseilla aussi de descen-
de la roue droite ou de celle de gau-
che, mais pas complètement au mi-
lieu des rails, parce que le dernier wa-
toujours un crochet de fer assez so-
Notre vie dépendait de la bonne exé-
retour, que cinq ou six de nos camara-
après notre évasion, la tête et les jam-
Si les circonstances et la durée du
transport ont permis un nombre im-
le nombre de ces évadés écrasés par
les roues semble moins bien connu
I
prolonger l’enfer?
Le Train de la
, Christian Bernadac a réuni de
nombreux témoignages relatifs au
sabotage de la voie, perpétré le 2juil-
let 1944 au matin, à quelques kilo-
mètres en amont de la gare de Reims
Poste n°2. Celui-ci avise le secrétaire
général de la gare de Reims à
10h35: «
La voie va sauter à 11heu-
res à Sainte-Brice, juste avant le pas-
parti de Compiègne. Il n’arrivera ja-
réussit: vers 11h05, une forte explo-
s’arrêter. Les dégâts sont hélas limi-
tés: «
Rail tordu, arraché, deux tra-
verses soulevées, une tranchée ou-
» (p.128). La voie ayant été
de la Voie mobilisés à cet effet, le
7909 peut repartir et entre en gare
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
60-
Historail
1630 rescapés,
536 morts:
le terrible
décompte du
train 7909 parti
de Compiègne
le 2 juillet 1944
et arrivé
à Dachau le 5.
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
menaces, j’ai continué à refuser;
au sous-chef j’ai dit: “
ni ivre
m’ont dit: “
Il n’y a que toi de coura-
geux, Bronchart, à partir d’aujourd’hui
le ferons
à Combat, Bronchart consacre aussitôt
tout son temps libre à amplifier ses ac-
tivités de résistant: il travaille avec Ed-
(Noyautage administrations publi-
ques)… jusqu’au jour de sa convoca-
cette notification: “
Monsieur Bron-
chart Léon, mécanicien de route SNCF
l’objet de la proposition de punition
suivante: radiation des cadres; cette
proposition sera examinée par le
Limoges, bureau de l’Arrondissement
de l’Exploitation, le lundi 21 décembre
1942 à 14 heures. La communication
du dossier de l’affaire à l’intéressé,
par lequel il désirerait se faire assister,
aura lieu le lundi 14 décembre de
9heures à midi, dans les locaux ré-
servés. […] Fait reproché: a refusé le
31octobre 1942, d’assurer la
Ferdinand Dubreuil, président des An-
Tours, m’écrit en me proposant d’être
France, même auprès de toutes les di-
rections, de plus très bon orateur.
Le 21 décembre 1942, je suis à Limo-
ges, je rencontre les délégués du per-
sonnel et leur dis: “
Ne vous tracas-
rouge qui relate ma suspension, lors-
dépôts de Tours et Saint-Pierre-des-
Nous déjeunons ensemble en bla-
de discipline. C’est imposant, on croi-
rait être dans un Palais de Justice, ta-
siège surélevé pour le président, do-
mine la salle, côté gauche les repré-
dit: “
Bronchart, le conseil de disci-
pline unanime tient à vous dire que
de ce conseil. Mais voyons, Bronchart,
exemplaire, l’homme de dévouement,
vous avez oublié vos devoirs de che-
venues aux yeux, les paroles ne vou-
laient plus sortir, j’ai eu peur du ma-
Allez-y, Bronchart
le plus possible de gymnastique respi-
ratoire, ai réfléchi; je me suis proposé
les ai remerciés de leurs premières pa-
roles, et leur ai dit: “
Pour vous faire
comprendre mon acte, il faudrait que
je vous raconte ma vie si vous le per-
mettez, cela sera peut-être un peu
Faites, Bronchart
répondu. Aussitôt j’enchaînais:
28août 1914
je fus fais prisonnier, mes tentatives
d’évasion, mon retour au front au ré-
giment de marche de la Légion étran-
gère, mes citations, ma médaille mili-
Ma carrière au chemin de fer, vous
pour la juger. Je vous demanderai en-
core de me permettre de vous lire des
extraits d’une lettre que m’a adressée
la lettre et je conclus: “
Messieurs, je veux croire encore une
fois que vous me permettrez d’avoir la
conviction qu’il existe des devoirs su-
périeurs aux devoirs professionnels
L’ingénieur traction qui doit requérir
contre moi se lève et me demande:
Qui vous a écrit cette lettre, Bron-
chart?
“. Je réponds: “
du tout l’intention de vous lire cette
lettre au début de cette séance. Je
C’est Monsieur Néron
ajoute: “
Messieurs, je ne puis rien re-
quérir contre Bronchart
“. Tous se sont
levés, certains la larme à l’œil. Tous,
chacun leur tour, me serrent la main,
le président me dit: “
Retirez-vous
pendant un moment, nous vous rap-
62-
Historail
pellerons, mais allez tranquille
s’est levé et a dit: “
Bronchart, le
conseil de discipline se juge incompé-
tent pour juger cette affaire. Je ren-
voie le dossier au directeur, en lui de-
mandant d’accorder toutes les
circonstances atténuantes
Comme sanction j’ai eu: un dernier
je suis maintenant affecté aux ma-
m’annoncer que la machine qui re-
morque un train de troupes alleman-
des demande la réserve en gare de
Souillac et que j’en continue la trac-
tion avec ma machine. Je refuse.Il en
train. Tout cela sans suite sérieuse pour
moi.»
Provisoirement cependant, car ses ac-
tivités ininterrompues de résistance lui
valent d’être arrêté sur dénonciation le
quelques autres résistants corréziens,
Com-
piègne à Sachsenhausen, il est trans-
féré le 20 septembre au camp de
Dora
Buchenwald, d’où il est li-
figure cheminote d’une envergure ex-
ceptionnelle, certes connue des his-
des sagas grandes «résistentialistes»
que reconnue tardivement, à titre pos-
. En ef-
fet, le fait d’avoir hébergé et protégé
lui vaut le 17 octobre 1994 cet ultime
Léon Bronchard
Diction-
refusé de conduire un train transpor-
fait, les auteurs de la notice ont com-
mis une importante confusion concer-
nant la nature du train qu’il avait re-
fusé de conduire… Erreur historique
plutôt la grandeur des gestes et ac-
tes de Bronchart à l’égard de toutes
Faut-il mettre cette méconnaissance
pu être une figure parfaite du «che-
minot résistant» sur le compte de son
les mémoires populaires, que pour
deux résistances exclusives, la «gaul-
liste» et la «communiste»?
I
le cas de protection intervenant en
amont des traques, grâce à des recru-
. L’ingé-
nieur de la Traction Fernand Nouvion
Durand des initiatives des responsa-
aux agents israélitesde la SNCF: «
citerai seulement quelques cas:

Lederer, Allemand chassé par les na-
zis en 1937, naturalisé français, em-

Mendès France, agent du cadre per-

Mlle Touviès, fille d’un ouvrier israé-
la section Sud de Vaugirard.

Mlle Zeitoun, employée à l’arrondis-
désir de se réfugier en Tunisie; pour
mention «juive» et délivré une attes-
recevait des ordres de mission, évi-
Historail
Visages de la Résistance en Pays de Brive
Les Trois Epis, 1998, p. 167-176.
du système concentrationnaire nazi
1981; (rééd. Collection Terre sauvage, Plon): Bronchart est cité
Histoire du camp de Dora
(16) Jérusalem, Yad Vashem; Paris, Fayard, 2003, p. 124-125.
(17) C. Bachelier, Rapport…, p. 463-469.
(18) Document AN 72 AJ 497, cité par C. Bachelier, ibid., p. 469.
Dossier
[ SNCFet déportations: de l’histoire au prétoire ]
64-
Historail
Venant aussitôt après les transports militaires, les trains
de déportés avaient priorité sur tous les autres mouvements.
Ordonnée par Eichmann, relayé par une hiérarchie
de «fonctionnaires assassins», leur mise en marche a exigé
trouvée impliquée bon gré mal gré.
bureaucratique
àla chaîne logistique des
convois de déportation
Le 29 août 1942
au matin, en
gare de Nexon,
près de Limoges,
escortés
de GMR,
groupes mobiles
de réserve,
quelque 500
«voyageurs»
sont acheminés
sur Drancy via
Vierzon et Paris-
Austerlitz.
» (Exposé de Wisliceny,
Bratislava, 18 novembre 1946). Sché-
matiquement, on peut dire que le ca-
commandé «en creux» par les be-
soins logistiques ferroviaires de l’ar-
mée allemande sur le front Est.
I
La rareté du matériel ferroviaire dont
sur le front militaire de l’Est ou dans
les territoires occupés, telle la France,
l’on appellerait aujourd’hui une ges-
tion en «flux tendus»: depuis la col-
lecte des Juifs jusqu’à leur regroupe-
ment sur le territoire français, puis leur
acheminement outre-Rhin vers les
défaillance selon un planning bien ar-
rêté. Le moindre accroc, y compris la
suppression d’un train programmé
faute d’avoir réuni un quota suffisant
de personnes à déporter, est très mal
vécu en haut lieu. Pour preuve, cette
première défaillance par rapport au
veille des premières grandes rafles
que le SS–Obersturmführer Röthke
annonce le 14 juillet 1942 à Eich-
mann, à Berlin
Objet: Transport de Juifs de France
Référence: votre télex n°121962 du
Ainsi que le télex n°12825 du 6 juil-
let 1942 vous l’a fait déjà savoir, l’ac-
en province). En raison de ces difficul-
gares prévues les deux convois sui-
des Transports: le convoi prévu le
15juillet à 20h20 à Bordeaux doit être
Cet incident déclenche les foudres
immédiates d’Eichmann, ainsi rela-
tées dans un télégramme adressé
par Röthke au SS Hauptsturmführer
Dannecker:
nous a téléphoné de Berlin, pour sa-
les arrestations en province les por-
[accord Bous-
Juifs français des prochaines rafles]
annuler le convoi du 15 juillet car,
le ministère des Transports du Reich
avaient été enfin couronnées de suc-
cès et voilà que maintenant Paris an-
voulait pas en informer immédiate-
ment le SS-Gruppenführer Müller, car
Je l’ai prié de n’en rien faire, en ajou-
avait dû être annulé. En outre, le bu-
Dossier
[ SNCFet déportations: de l’histoire au prétoire ]
66-
Historail
Arrivée à
Pithiviers
des Juifs arrêtés
en mai 1941.
La plupart
prendront le
chemin inverse
en direction
de l’Allemagne.
Dossier
[ SNCFet déportations: de l’histoire au prétoire ]
soit mis à la disposition du Befehlsha-
32000 Juifs se décomposaient en
22000 et 10000 en provenance res-
libre. Modifiées ou non, ces prévi-
sions induisaient naturellement des
La SNCF «rouage»
Dans chaque pays, le relais est assuré
par le service des Affaires juives de la
Gestapo, que dirige en France Dan-
necker, puis, de juillet 1942 à août
1944, Röthke. En dessous d’eux, s’en-
grène la chaîne des acteurs français:
fonctionnaires des Affaires juives, des
préfectures régionales avec leur inten-
dant de police, des services préfecto-
servant de forces d’arrestation et de
sécurité pour mener les ultimes opéra-
tions, rafles, internements et transferts.
suite aux rafles et aux transfèrements,
ont impliqué d’autres acteurs opéra-
tionnels: non seulement la SNCF et
transports de rabattement, les opéra-
teurs locaux de transports: sociétés
d’autobus urbains, compagnies d’au-
tocars ruraux, voire taxis, ont ainsi par-
ticipé aux transports «terminaux»
entre les prisons et camps et les ga-
res d’embarquement, la Société des
parisienne (STCRP) jouant un rôle es-
sentiel dans les navettes entre les ga-
res d’arrivée parisiennes (Paris-Auster-
litz, Paris-Lyon), le camp de Drancy et
les gares de départ vers l’Est, Le Bour-
get-Drancy puis Bobigny.
Reste à savoir quelle est sa part d’au-
tonomie, voire d’initiative, dans cette
associée aux réunions de programma-
tion organisées à Paris par le Com-
missariat général aux Affaires juives,
le ministère de l’Intérieur et les services
allemands. Le 7 juillet, ces derniers ar-
l’évacua-
» de 22000 Juifsde-
puis les quatre gares de Drancy
(6000), Compiègne (6000), Pithiviers
(5000) et Beaune (5000), la surveil-
8hommes de la Feldgendarmerie
Le 10 juillet, dans le bureau du com-
missaire général aux Affaires juives
Darquier de Pellepoix, une réunion
le 16 juillet. Outre Darquier et son bras
droit Galien, sont présents: les Alle-
Heinrichson et Röthke; Leguay et
d’autres fonctionnaires de la police en
» des opéra-
tions; enfin, trois représentants de
l’Assistance publique et un cadre de la
SNCF, sans doute un fonctionnaire su-
périeur du Service central du Mouve-
de vider régulièrement Drancy comme
instruction: «
Le pre-
IV-J que le convoi est prêt à partir.
à 2 jours d’intervalle, ce qui fera un
fait, du 22 juillet au 11 novembre,
trente convois totalisant 33994 Juifs
ainsi que quatre autres de Pithiviers
I
transfèrement depuis la
zone libre de l’été 1942
la zone libre, la procédure est diffé-
rente: les Autorités allemandes n’y
ont aucun pouvoir policier ou ferro-
viaire! C’est donc grâce à la pression
exercée sur le secrétaire général de la
qu’un autre type de scénario est
à Vichy les 15 et 27 juillet, puis les 4,
technique à Vichy (logée à l’Hôtel Mé-
tropole). Son responsable a rendu
compte rétrospectivement de ces en-
tretiens dans une
Historique de la Dé-
Tenue au ministère de l’Intérieur (Hô-
tel des Célestins), la première réunion
rapatriement en Alle-
Chalon-sur-Saône et Bel-
certaines ca-
polonais, tchécoslovaques et luxem-
» résidant en zone libre.
pour des rai-
70-
Historail
Theodor
Dannecker
(1913-1945),
responsable
à Paris de la
section IV Jde la
Gestapo chargée
de la question
juive. C’est sous
ses ordres que
fut planifiée
en 1942 la
déportation de
milliers de juifs,
avant son rappel
à Berlin en août.
chepieds et leur éclairage intérieur,
la souffrance physique de la montée
créer un climat intérieur propice au
entre compagnons de route.
d’inscription tenant compte de la ca-
supérieur à 20tonnes – et de leurs
caractéristiques techniques: f pour le
frein à vis avec guérite, ff pour le frein
frein à air comprimé; u pour un écar-
tement de plus de 3,750 m entre es-
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
74-
Historail
Deux exemples
de wagons
«Hommes 40,
Chevaux
en long 8».
En haut, wagon
de 20 t de la
Compagnie des
chemins de fer
du Nord
construit à la fin
des années 1890.
Ci-contre,
wagon de 20 t
avec guérite de
la Compagnie
des chemins de
fer de l’Est des
années 1910.
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
conduisirent parfois à des
dérogations. Datées du
25 août 1942, les instruc-
tions que Bousquet, se-
crétaire général de la po-
régional de Nice à propos
31août au départ de
Nice-Saint-Roch relèvent
3 voitu-
res de voyageurs pour femmes, en-
fants, malades; 1 voiture de voya-
geurs pour l’escorte; 27 wagons à
bestiaux aménagés; 4 fourgons à ba-
gages. Composition de l’escorte:
1commandant de groupe, 4 officiers
de paix, 4 brigadiers-chefs, 11 briga-
jour, le préfet régional de Nice re-
la SNCF de mettre à disposi-
» pour le trans-
Bourget-Drancy, de 713 personnes
(274 hommes, 281 femmes, 5 en-
fants de moins de dix ans, 153 hom-
Un règlement transgressé
eu recours à des wagons couverts qui
interpelle le plus. Il était en effet admis
que l’on puisse, en période de guerre,
avoir recours à des wagons couverts
pour transporter indifféremment des
l’occasion, des prisonniers militaires
politiques ou juifs, furent soumis, les
conditions d’emploi des wagons (ca-
transgressées. Désigné avec 875 au-
tres hommes pour faire partie du
Léon Bronchart, en mécanicien poin-
tilleux habitué à se référer au bulletin
raisons de sécurité, ne peut s’empê-
cher de noter avant d’embarquer
convois, se sont ajoutés les impéra-
tifs de rendement de la chaîne des
déportations. Les ressources en ma-
de plus en plus chargés vers l’Allema-
gne. Le standard de convois de
1000juifs par train fut lui aussi vite
transgressé, comme cela a été établi,
d’Eichmann: des documents permet-
1000juifs par train en mars 1942 à
l’ordre du 20 février 1943 d’en trans-
porter au moins 1000 par train
Les ultimes rouages
opérationnels des trains:
cheminots ou policiers?
Les «conditions inhumaines», dégra-
dantes, voire criminelles, dans lesquel-
les bon nombre de victimes ont sup-
«wagons à bestiaux» ont nourri plu-
sieurs accusations visant la SNCF. La
des procès intentés à la société natio-
nale, est venue de Raphaël Delpard
Abordant les conditions d’entasse-
ce dernier accuse sans ambages:
rouages chargés notamment de
volets d’aération, de vérifier les fer-
metures des wagons…
Or il s’avère que, pour les convois de
transfert entre camps français du
groupes mobiles de réserve
créés par Vichy en 1941. Un corps
rafles antijuives, quitte du coup à bri-
les années 80, les historiens de la po-
lice n’ont guère fait allusion à cet as-
sous Vichy. La mémoire collective l’a
de savoir quelle fut l’attitude des po-
documents relatifs à l’intervention
78-
Historail
Tome 2, p. 854.
Le procès de Jérusalem
p.252.
Une police de Vichy. Les
groupes mobiles de réserve (1941-1944)
L’Harmattan, 2004, p. 185.
Témoignage
écrit dès 1945
d’un déporté
évadé du «train
fantôme»
qui, parti
de Toulouse
le 3 juillet 1944,
atteint Dachau
le 28 août
au terme de
la plus longue et
terrible odyssée
qu’ait connu
un convoi de
la mort.
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
82-
Historail
oute prestation ferroviaire de la SNCF appelle évidem-
ment facturation de sa part ! Serge Klarsfeld, au collo-
que de l’an 2000, osa pourtant envisager le contraire:
». Ces propos amalgament les déporta-
ministère de l’Intérieur.
Le directeur juridique de la SNCF Franck Terrier a pu affir-
mer, à juste titre, qu’«
. Faut-il tou-
côté, à la Police de la sécurité du RHSA de l’autre, d’assu-
rer le règlement des convois ferroviaires?
Et, côté français, pour les trains de transfèrement, la SNCF,
lequel elle était requise en ne le facturant pas?
», s’inter-
la question peut don-
». Pour l’avocat de la famille Li-
entreprise réquisitionnée pour effectuer un travail particu-
de se faire payer. Au contraire, en réclamant un paiement
elle banalise le « travail » effectué, banalisation encore ac-
centuée par le fait qu’elle a continué à réclamer les paie-
ments après la Libération, ceux-ci étant parfois payés mal-
L’argument peut être facilement retourné : à l’évocation
transporter gratuitement, il est facile d’opposer que dépor-
mesure caritative jus-
unesubvention
La SNCF a-t-elle facturé ces trains spéciaux?
ETHIC/K.Schaechter
Cette facture
ne porte pas
à proprement
parler sur un
train de
transfèrement
de la zone sud
vers la zone
nord, mais sur
des mouvements
locaux.Les dates
témoignent de
la pérennité de
l’administration
quels que soient
les événements.
Historail
La distinction nécessaire entre trains
contrôle français en zone occupée sont soumis à une fac-
turation différenciée: les escortes françaises sont tou-
jours imputées à l’Intérieur. Ainsi, le 25 juillet 1942, le
Directeur de la Police générale écrit au Service commer-
cial de la SNCF pour lui réclamer l’établissement des fac-
tures des premiers convois effectués entre camps fran-
çais et à destination de l’Allemagne:

22juillet, au départ de Paris-Austerlitz à Pithiviers et un
à Beaune-la-Rolande;

Je vous serais obligé de bien vouloir facturer les diffé-
ministère de l’Intérieur.
difficile à expliquer sans risques de contresens, par contre
la tarification des escortes policières de chaque train dé-
pend de leur composition (un officier et tant de gendar-
wagon. S’il affirme ignorer le nombre exact de wagons
Mouvement de la SNCF qui a dû évidemment comman-
der ces trains spéciaux: «
Je pense que le service cen-
– explicite les modalités d’imputation établies par le Ser-
A la demande de vos services, les quatre trains spé-
le transfert d’Israélites en Allemagne:

le 31 juillet 1942 de Pithiviers à Arnaville-transit (No-


le 5 août 1942 de Beaune-la-Rolande à Arnaville-tran-

le 7 août 1942 de Beaune-la-Rolande à Arnaville-tran-
Ces trains ayant circulé pour le compte des autorités d’oc-
cupation, celles-ci en effectueront le règlement comme
de la gare du Bourget-Drancy. Toutefois, le transport de
aux voyages des escortes et, dans ce but, nous vous se-
ces dernières (nombre d’officiers et de gendarmes) et
le trajet effectué par chacune d’elles, tant pour rejoindre
Ce document
est révélateur
du vaste
contentieux
bureaucratique
d’après-guerre
sur le thème :
«Qui va solder
la facture
allemande».
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
en détails pratiques sur la sûreté des
convois, la discrétion des embarque-
consignés…, demeurent muettes ou
imprécises quant aux modes d’imputa-
tion des frais de transport ferroviaire.
d’archives
où il est fait mention ex-
de la SNCF. Elle concerne le huitième
convoi de zone libre justifié par la rafle
1942: parti de Nice-Saint-Roch le
31août à 5h45, le train est signalé à
Chalon-sur-Saône à 21h50 et arrive à
ré-
» n’est peut-être qu’une me-
sure de régularisation
Une troublante interroga-
policiers, que l’inspecteur principal Ca-
queray, chef adjoint du Service du
Contentieux de la SNCF, prend
l’ingénieur en chef de la Division cen-
trale du Mouvement-Voyageurs [Sau-
. Demande ainsi introduite: «
le ministère de l’Intérieur pour l’ache-
minement des personnels de ce dé-
de ceux de la Police nationale, de l’in-
exécutés par priorité sur tous les au-
ou à la mise en marche de trains spé-
», et résumée ultérieurement
en ces termes à des fins de classe-
ment: «
priorité pour le transport du person-
mobiles, etc.) avec, au besoin, évacua-
tion des voitures par les voyageurs?
Datée du 24août, la réponse est
claire: «
Sans doute, le droit de ré-
puisque aucun texte n’a décrété la dé-
qu’il n’a pas été publié de décret met-
que pour les ressources dont il est res-
ponsable (…). Or, les Chemins de fer
ne relèvent pas du ministère de l’Inté-
rieur. Dans ces conditions, j’estime
avec vous qu’il appartient aux intéres-
de cette possible «convention»
avec le ministère de l’Intérieur qui, en
cours d’élaboration, visait à livrer dans
trains réguliers entièrement libérés de
leurs voyageurs? Etablissait-elle un lien
avec les trains entiers de transfèrement
? Nos recherches ont été vaines jusqu’à
présent pour retrouver trace de cet hy-
n’est pas impossible si l’on se réfère
liaient la SNCF à certaines administra-
tions usagères du rail, telles que la
Poste. L’historien ne peut s’avancer plus
loin, en l’état de ses recherches, quitte
à constater combien le vide en la ma-
tière qui s’impose à lui est comblé, côté
plaignants et avocats, par des alléga-
tions catégoriques qui relèvent plutôt
du bluff et de l’intimidation!
I
conventions tarifaires?
Tout comme la Poste pouvait disposer
de wagons (ou allèges) en propre, l’ad-
ministration de l’Intérieur et ses servi-
ces pouvaient disposer en propre de
wagons cellulaires. Il est fait explicite-
ment allusion à cette faculté dans l’ar-
SNCF fixé en 1938. Les autorités poli-
cières françaises ont-elles disposé de
tels wagons? La question reste ou-
verte. Il est par contre acquis qu’elles
ont eu recours pour le convoyage des
comme le leur autorisait l’article25
précité. Dans les deux cas de figure,
tarification codifiée. Toutefois, l’arti-
cle29 du même cahier des charges
arrange-
par rapport aux tarifs or-
dinaires, que des modifications justi-
fiées par (…) les accroissements de tra-
». Difficile ici, encore, de ne pas
s’interroger sur la portée de la conven-
86-
Historail
…, T. 2, p. 980.
(4) On a relevé l’ambiguïté de la formulation: «
Je requiers
»? Selon le Petit Robert, oui…
Et dans la tête du préfet de Nice?
(5) Service représenté dans les réunions logistiques
préparatoires à Paris et à Vichy de l’été 1942.
Les «mauvais procès»
à propos de ses archives
archives… S’il est vrai qu’au début des
années 1990 les carences et réticences
mais aussi d’ouverture. Suite aux ins-
tructions des présidents Fournier et
Gallois, le service des archives de la
et, devant l’immense retard à rattra-
per, le classement des fonds couvrant
la période 1938-1948, première dé-
cennie d’existence de la SNCF, a été
retenu comme prioritaire
Il n’empêche qu’ont perduré des atta-
de ces archives, d’aucuns parlant de
réticences camouflées derrière des ar-
guments techniques, voire même de
«wagons plombés»
bourrés d’archi-
ves sensibles! Les propos polémiques
«Les archives des Chemins de fer
l’on disait détruites, se trouvent tou-
jours dans les locaux de la SNCF, rue
La Vie
plombé?»
reprises telles quelles en 2006 par
pour marteler l’équation simple:
«ar-
chives cachées =preuves à cacher»
l’historien Jean-Marc Dreyfus
à son histoire. Les historiens qui sou-
de la compagnie nationale dans la dé-
portation des Juifs, le pillage des ap-
les archives sont ouvertes aux cher-
cheurs mais qu’elles ne sont pas clas-
les chercheurs ne verront rien.»
mise au point du responsable des ar-
chives de la SNCF, Henri Zuber, a-t-
Historail
d’interminables procès,
une histoire inachevée…
La SNCF est donc bien entrée dans l’ère du soupçon,
à la Résistance et à une entreprise qui, totalement engagée
dans la «bataille du rail», a payé un lourd tribut humain.
En fin de ce dossier, essayons de pointer quelques mises
au point pour éclairer le débat.
Les archives historiques de la SNCF
Les archives 1939-1945 de la SNCF
AHICF, Une entreprise publique pendant la guerre
p.19-22, p.23-26.
Archives interdites, les peurs françaises face à l’histoire
, Albin Michel, 2001, p.293.
La SNCF rate le train de l’histoire
8 septembre 2006. J.-M.Dreyfus est l’auteur de
Shoah: la SNCF ne cache rien
existantes»
, à leur versement au cen-
tre des archives du Mans et à la publi-
cation d’inventaires détaillés des
Ce travail peut être considéré au-
jourd’hui comme achevé, sauf trou-
vailles de fonds qui auraient jus-
recensement.
Loin des prétoires,
une histoire à poursuivre
Dans leurs allocutions d’ouverture au
colloque de 2000, le président Gal-
sa nature, étape première, impulsion
ou bilan clos et tranché de la recher-
che:
«Ce colloque n’est que la
première étape d’une démarche vo-
lontariste engagée par Jacques Four-
nier… Je souhaite vivement voir ap-
à en entreprendre de nouvelles»
(p.5); R.Rémond:
«Ce colloque
étape dont l’une des priorités est pré-
des travaux, d’intéresser les histo-
riens»
(p.15).
Cette volonté a été proclamée par la
suite par des dirigeants de la SNCF.
Tel son directeur juridique
guerre»
, ou son secrétaire général
devant les tribunaux. L’histoire s’écrit
par le travail des historiens. Nous en-
courageons ce travail…»
L’appel de la SNCF aux
«travaux d’his-
toriens»
sensible, l’invocation de ces recherches
nourrissent-ils sa défense dans les pré-
toires? C’est là un point déroutant
pour l’historien de voir au contraire ses
avocats produire des arguments juri-
historiques connues ou avec les nom-
breuses incertitudes qu’il semble dif-
ficile de lever dans l’état actuel des ar-
chives lacunaires conservées. Les
avocats ne sont pas tenus à recher-
cher ou à exhiber des vérités histori-
ques! Il leur revient de convaincre un
juge, de gagner un procès!
Puisqu’il manque beaucoup trop de
ferroviaire franco-allemande de trans-
ferts et déportations engrenés, il est
permis d’extrapoler, de généraliser, de
prendre l’unique réquisition présumée
et connue de l’été 42 pour preuve de
1940 à 1944, de confondre les fac-
tures françaises des trains de transfè-
rement encaissées par la SNCF avec
les factures des trains de déportation
réglées entre services allemands. Bref,
de jouer une partie de poker menteur,
qui relèvent plutôt de l’intimidation
de l’adversaire que de la carte atout
maître abattue sur la table… Ainsi, à
titre d’exemple, invoquer une SNCF
lois de guerre allemande,
«tout écart
allant jusqu’à la peine de mort»
affirmer qu’à partir de cette date
«l’entreprise SNCF n’existe plus»
c’est oublier que, jusqu’en novembre
1942, l’administration de Vichy tout
zone libre, si ce n’est d’une marge
zèle que le freinage dans l’accomplis-
Ainsi, et encore, évoquer de manière
tronquée les prescriptions d’exécution
«à la disposition
transports»,
reur historique, puisqu’en réalité seul
était concerné le territoire occupé.
I
Tel le détective en quête d’indices ma-
tériels, nos recherches ont été vaines
jusqu’à présent pour retrouver trace
. Nulle trace des procès-ver-
baux des réunions auxquelles parti-
cipait à ce titre la SNCF. Nulle décou-
la SNCF aurait pu nouer avec l’Inté-
rieur pour les convois de trains spé-
Drancy. Une seule facture détaillée
pour 1944, retrouvée par K.Schaech-
ter, mais inappropriée! Une autre fac-
ture évoquée en 1945 dans les ser-
Mais pas d’écritures et bilans compta-
Dossier
[ SNCF et déportations: de l’histoire au prétoire ]
88-
Historail
«Seuls les historiens peuvent être juges
de la conduite de la SNCF au cours de la guerre»
bles relatifs à ces trains spéciaux,
les nomenclatures comptables des re-
Au fond, ce que l’on cherche der-
rière tout cela, en vain jusqu’à pré-
d’une once d’opposition, voire de
simple réprobation venue d’en haut,
qui transgressaient à l’évidence les
règlements d’une entreprise promou-
vant à tous ses niveaux hiérarchiques
leur respect! S’il a pu y avoir quel-
ques froncements de sourcils de diri-
geants de la SNCF devant les ordres
policiers reçus, ils n’ont pas laissé de
traces et n’exonéreraient pas la SNCF
de son implication!
Car, jugement éthique en suspens, il
reste bien à apprécier le degré de res-
les rouages de la machine à déporter.
A suivre Serge Klarsfeld, la SNCF est
bien partie prenante au
«circuit
continu de la responsabilité»
accusations d’Edgar Faure:
«Vichy a
concours de ses préfets, de son ad-
ministration, de sa police, de ses fi-
chiers, de sa SNCF. Dans ces condi-
les rouages et même si ceux-ci fonc-
tionnaient sans haine et souvent à re-
Dans un débat radiodiffusé, le secré-
taire général de la SNCF a invoqué pa-
«système assez
complexe de trains qui se succèdent»
de manière ininterrompue, qui donc,
en dépit des épreuves et du contexte,
«fonctionner d’une cer-
. Propos qui faisaient
écho à ceux de Kurt Schaechter, sou-
lignant que cette froide bureaucratie
intermédiaire au cœur de la machine
«sans haine»
«de
Où donc fixer le curseur pour absou-
dre certains des rouages de la ma-
chine, pour en incriminer d’autres?
Annette Wieworka situait le secrétaire
de préfecture Papon dans ce que
«zone grise»
«cette zone quasiment indéfinissable
qui tout à la fois lie et sépare les véri-
masse et les victimes. C’est probable-
verdict en demi-teinte du jury de Bor-
minuscules rouages ultimes au
contact le plus proche de transférés
«wagons à bes-
tiaux»
, profondément indignés, au
et un mécanicien de la SNCF mani-
festèrent jusqu’au bout de leurs
moyens, l’un sa réprobation, l’autre
droit de retrait
Historail
(5) Franck Terrier,
SNCF, J.Informe
, n°42, avril 2001.
La Vie du Rail
, 21 juin 2006, p.18.
(7) S.Klarsfeld, Une entreprise publique dans la guerre, op. cit.,
2001, p.150.
(8) S.Mingasson, France Culture, 21 septembre 2006.
Le génocide et la mémoire
…, op. cit., p.128.
Daté du
26 janvier 2005,
ce numéro
provoqua un
certain remous
au sein de
la SNCF, en
désaccord avec
la conclusion,
jugée
inopportune,
de l’auteur de
l’article…
Bonnes feuilles
[ Images de trains 1965-1970 ]
92-
Historail
LES FADES
Volvic,
de l’Ajecta.Au
de Vauciennes.
Historail
de Vierzon
Historail
1969, la FACS
Un Bordeaux – Clermont tracté par une 141 F,
Social
96-
Historail
1918
Le 28 mai 1918, le ministre des Tra-
une note confidentielle de source an-
glaise; en fait, la traduction d’un ar-
presse allemande. Cet article fait sa-
voir que, afin d’assurer un voyage
confortable aux estropiés de la
guerre, même dans les trains bondés,
les autorités ferroviaires du pays ré-
servent depuis peu trois comparti-
classe portant la men-
«Réservé aux estropiés de
guerre»
gare de Lehrter pour Spandau.
1919
Le 27 février 1919, Marcel Boulanger,
délégué de l’Union fraternelle des mu-
tilés, veuves et blessés de la guerre et,
à ce titre, fondateur de la section
rouennaise, porte à la connaissance
du ministre que, amputé du bras droit
pour blessure de guerre et atteint
d’hydarthrose du genou gauche, il
prend chaque jour le train à Houilles
pour suivre à Paris des cours de ré-
éducation; que, par suite, il lui est
place. Ce handicap l’a conduit à mon-
ter dans une voiture de 2
être contrôlé. Et de clore sa lettre:
«Je suis convaincu, Monsieur le Minis-
en réservant des compartiments pour
les mutilés dans chaque train?»
Le 13 mars, le ministre transmet la
lettre en question aux réseaux, leur
4mai 1918.
Le 3 avril, les réseaux informent le mi-
nistre qu’il est facile aux mutilés, grâce
aux tickets garde-place, de s’assurer
une place assise; la mesure préconi-
donc théoriquement d’effet que pour
route.
«Or,
échappera pas que dans les circons-
tances actuelles, avec le service res-
treint que les grands réseaux sont obli-
des voyageurs, il est pratiquement im-
possible de réserver dans un train un
Des compartiments ont été réservés
banlieue. Il n’a pas donné de bons ré-
sont réservés. Ces compartiments sont
l’obligeance des voyageurs qui, d’ail-
leurs, est constante vis-à-vis des mu-
nous aurions de satisfaire cette de-
pas susceptible d’être appliquée.»
Le 24 avril, M.Paul Pugliesi-Conti, dé-
«si des places ou compartiments
ne pourraient pas être réservés aux
Chemins de fer de l’État».
le ministre reprend à son compte les
député Durafour, qui demande au mi-
nistre
«de bien vouloir intervenir au-
des instructions précises afin d’assu-
rer dans les voitures des places conve-
rappeler, le cas échéant, aux voyageurs
les égards qu’ils doivent aux mutilés».
Le 2 juin, le ministre demande aux ré-
seaux d’examiner la possibilité de pren-
dre des mesures dans le sens indiqué
par M.Durafour. Et de poursuivre:
«J’ajoute qu’il y aurait sans doute in-
d’affiches invitant le public à se mon-
trer prévenant à l’égard des mutilés.»
ministre qu’ils ont donné des instruc-
tions afin de rappeler à l’ordre les
voyageurs peu déférents à l’égard des
mutilés. Par contre, ils pensent qu’il
faut éviter l’apposition d’affiches dans
Le 20 août, le ministre du Travail et
président de l’Office national des mu-
tilés et réformés de la guerre, fait sa-
voir à son confrère qu’il envisage la
création d’une carte d’invalidité à dé-
livrer à tous les réformés de la guerre,
d’obtenir, sans difficulté, les places as-
les voitures publiques de transport et,
en particulier, sur les chemins de fer. Il
lui rappelle que diverses mesures ont
déjà été prises. Et qu’une ordonnance
Si les mutilés de guerre
places réservées dans le métro,
parisiens, cette mesure n’est
qu’en 1923. Hors cette sphère,
«Réservées aux mutilés»
Historail
aux jambes dans les autobus, le métro
et les tramways parisiens et du dépar-
tement de la Seine, et que de pareilles
«Mais,
pour-
les intéressés.»
cette lettre, les réseaux répondent le
6septembre 1919. Ils disent n’avoir
à formuler aucune objection à la créa-
«serait évi-
demment de nature, en cas d’encom-
assise de l’obligeance des autres voya-
geurs»
mesures envisagées par l’Office natio-
guerre. Une note interne en date du
25 septembre précise la teneur de ces
mesures qui consisteraient:

à réserver un compartiment aux mu-
tilés, principalement dans les quatre
grands parcours, les places de ces
de mutilés, être occupées par les voya-
geurs ordinaires;

pour qu’en cas de besoin ils intervien-
faciliter aux porteurs de cartes l’ob-
En somme, la reprise de l’ordonnance
Favorables à la seconde mesure, les
réseaux continuent de refuser l’idée
de réserver des compartiments «mu-
tilés», prétextant, ainsi qu’ils le font
savoir le 10 novembre au directeur du
et commerciale des chemins de fer,
«risquer de soulever
d’éviter»
. Et de rappeler l’inefficacité
«D’ail-
ajoute-t-il,
il y a lieu d’espérer que pour l’été pro-
chain notre service de voyageurs aura
pu être amélioré et que les cas de sur-
charge seront beaucoup plus rares.»
1920
Le 31 août 1920, le ministre transmet
1920 par la Fédération départemen-
tale des associations de mutilés, ré-
Grande Guerre, leurs veuves, orphe-
lins et ascendants de la Seine-Infé-
rieure, visant à ce
«qu’au moins une
place soit réservée par wagon dans
par suite de leurs infirmités»
Le 14 octobre, les réseaux, campant
leurs agents n’ont aucune difficulté,
aux mutilés. Ils pensent que cela suf-
fit pour assurer leur transport dans
«aussi satisfaisantes
que possible»
Ce même jour, ils font savoir au mi-
nistre qu’ils feront suite à la demande
de la dame Reveillard d’accorder aux
carte à double barre rouge –qui leur
accorde, ainsi qu’à la personne qui les
accompagne, le droit de voyager au
quart du tarif–, la possibilité d’obtenir
pour eux et pour cette personne la lo-
1921
Le 9 décembre 1921, plusieurs orga-
nes de presse, dont le J
ournal des mu-
, attirent l’at-
tention du ministre sur le problème
victimes de la guerre. Ils lui rappellent
que le 18 décembre 1920, lors de la
première discussion du nouveau ré-
gime des chemins de fer, il avait bien
voulu informer M.Abou, député, qu’il
On a relevé
parmi les blessés
de la Grande
Guerre plusieurs
milliers de
mutilés qui
n’ont pas
toujours trouvé
une écoute
à la hauteur de
leur sacrifice.
Coll. LVDR
Historail
ont une puissance suffisante pour
pouvoir, sur toutes les sections du par-
cours, fournir en charge complète une
vitesse supérieure de 15% à la vitesse
imposée par l’horaire. Les carrosseries
sont peintes aux couleurs des voitures
flancs des caisses, figure l’inscription:
«LONDRES – PARIS – CÔTE D’AZUR»
Les voyageurs sont autorisés à conser-
ver avec eux des couvertures et autres
gêner les autres voyageurs. En outre,
de 70 x 40 x 20cm, transportés gra-
clos prévus dans la carrosserie. L’ac-
compagnateur (le «courrier») est
tenu de connaître parfaitement les cu-
riosités des régions traversées, d’éveil-
rendre le voyage aussi agréable que
trouver en avance sur l’horaire et, en
cas de retard, il ne doit pas chercher à
rattraper l’horaire au détriment du
confort ou de la sécurité des voya-
geurs. Outre le transport, le prix du
billet comprend toutes les dépenses
d’hôtel, de repas, de pourboire. Les
enfants paient place entière et ont
droit à une place distincte.
Financièrement, le Nord et le PLM se
matériel à hauteur de 25000francs,
ce qui est dérisoire rapporté aux
200000francs que coûte chaque au-
tocar. Par contre, ils s’engagent à ga-
rantir à la CIWL une recette de
5francs par kilomètre-voiture. Au-
delà, les excédents de recettes sont
partagés comme suit: 20% aux en-
trepreneurs de traction, 8% au Nord,
32% au PLM, 40% à la CIWL. D’au-
tre part, pour tenir compte de la perte
entraînera pour les réseaux du Nord et
du PLM, il est stipulé que la CIWL al-
louera pour chaque voyageur trans-
porté 80francs au PLM et 20francs
au Nord. Ces différences de traite-
ment entre le Nord et le PLM s’expli-
quent par la moindre participation aux
dépenses d’investissement et de ga-
rantie du premier (20% contre 80%
Dernier point, l’établissement de
billets mixtes encourage les voya-
geurs à emprunter le rail soit à l’aller,
soit au retour.
Malheureusement, le 20 novembre
1929, le ministre des Travaux publics,
averti seulement de l’entreprise le
14août, soit cinq mois après le dé-
but effectif du service, refuse de don-
ner son approbation au traité, esti-
«les résultats financiers à
service n’est justifié ni par les nécessi-
propre du chemin de fer»
. Le ministre
est particulièrement irrité du fait qu’in-
terrogé deux mois plus tôt par le séna-
par les réseaux entre Boulogne et
Le 8 décembre, le Nord justifie l’affaire
auprès du ministre. Rappelant l’origine
Doc. LVDR
Dans le
prolongement
de ses voies,
le PLM
subventionnait
de nombreux
services
automobiles
à caractère
touristique.
Ici, un modèle
d’autocar de
1933 à toiture
décapotable !
Historail
tard au vœu du syndicat d’initiative
de Grenoble et du Dauphiné protes-
tant contre la suppression dudit ser-
«qui paraît corres-
supprimer l’intervention des grandes
l’organisation des transports touristi-
ques automobiles»,
que le ministre
été impossible de donner son appro-
but de subventionner ce service:
«Je
Vendredi
arr. 20h00
117Sens (déjeuner, visite)
Auxerre
Avallon
arr. 18h45
Chalon-sur-Saône
135Bourg-en-Bresse (déjeuner)
Brou
Grenoble
arr. 17h30
Grenoble
Col de la Croix-Haute
Sisteron
arr. 18h30
arr. 19h45
arr. 20h00
Laroche
arr. 19h30
Chalon-sur-Saône
Lyon
arr. 19h00
Vendredi
Lyon
dép. 9h00
Vienne
Valence (déjeuner)
Avignon
arr. 19h15
dép. 8h30
Aix-en-Provence
194Saint-Raphaël (déjeuner)
arr. 18h15
fonds versés par les usagers du che-
qui doublent et concurrencent direc-
m’empresse d’ajouter qu’il n’est nul-
lement dans mes intentions de res-
syndicat d’initiative de Grenoble, l’in-
tervention des administrations de
services automobiles. Je reconnais,
rail et la route est devenue au-
des grands réseaux ont été consti-
services sur route –qui ont reçu l’ap-
probation ministérielle– ont déjà été
créés, après entente avec les ré-
soit par d’autres entreprises, avec al-
location, le cas échéant, de la sub-
assurer leur vitalité.»
Reste que le Nord et le PLM élimi-
reconstitué, ce que voyant, la CIWL a
refondé seule un service analogue…
Bruno CARRIÈRE
L
première fois le 12 octobre 1937.
Son président, Pierre Guinand, son
des quatre membres du collège des
Jean Jarrigion, prennent successive-
ment la parole.
« M.le Président ouvre la séance en
aux divers membres du conseil d’ad-
ministration. Il rappelle que le but es-
sentiel poursuivi par les pouvoirs pu-
est la suppression du déficit des che-
d’administration aura à travailler, en
vue d’assurer le grand service public
« M.Marlio, vice-président, remercie
M.le Président au nom du conseil. Il
rappelle que les compagnies ont, pen-
et M.Marlio déclare que leurs repré-
sentants n’auront qu’un seul but: col-
« M.Jarrigion déclare que, contraire-
presse, les représentants du person-
nel à la SNCF ne sont pas les repré-
d’une organisation syndicale. Il as-
et de tout leur dévouement. Ils tra-
Clin d’œil
104-
Historail
SNCF, an I.
La prise de possession
Doc. LVDR
La «prise
de possession»
des anciens
réseaux par
la SNCF ne s’est
pas faite
en un jour.
Pour preuve,
cette affiche du
Nord à la gloire
de ses trains
automoteurs
rapides (TAR)
rapidement
estampillée
du logo SNCF.
Recherches
Historail
Historail:
Migennes. Tout n’avait pas
encore été dit ou écrit?
Georges Ribeill:
(1999), j’ai retracé les grandes étapes
de l’histoire de ce site, depuis le choix
du hameau de Laroche comme em-
bouchure du canal de Bourgogne,
dans l’Yonne, à la fin du XVIII
jusqu’à l’arrivée en 1996 du «TGV
Yonne», ce TGV quotidien toujours
(2004), j’ai retracé
cet été 44 qui vit les bombardiers alliés
venir s’acharner sur le dépôt SNCF et
voies qui enjambe l’Yonne, côté Paris.
demeuré toujours franchissable, expli-
que les bombardements répétés sur
le site ferroviaire, avec leurs importants
premières
(2005) avait été le port de Laroche,
jonction entre une Yonne à faible dé-
bit et encombrée de trains de bois ve-
nus du Morvan, prioritaires, et le ca-
nal, sorte d’autoroute à forte capacité
et à gros débit: d’où le stationnement
prolongé à Laroche de nombreux ba-
teaux durant leurs transbordements,
qui feront le bonheur des ouvriers du
Cela permet de comprendre pourquoi
le PLM choisira ce site pour y implan-
Chroniques mi-
l’installation du grand dépôt à Migen-
commune. En fait, cette arrivée se si-
tue dans un contexte politique qui op-
pose depuis plusieurs années les culti-
du port, qui revendiquent une nou-
velle école à proximité de leur quar-
tier. J’ai découvert que l’arrivée du dé-
pôt et de sa «cité ouvrière», comme
donne et les rapports de force au sein
H.:
Vous avez détaillé en effet
G.R.:
mairie et écoles seront établies en rase
de la nouvelle cité PLM! Occasion de
découvrir le rôle d’un maire au long
cours, un marinier qui, à coup de pas-
serelles, rues, avenues, équipements
et services publics divers, va «coudre-
tisser» la ville de Migennes en reliant
ses quartiers et hameaux: une «ville-
champignon» à la population qua-
druplée entre 1876 et 1911, passant
de 775 à 2936 habitants, une «ville
cheminote» aussi, puisqu’en 1911
cette communauté professionnelle!
H.: A l’occasion, vous expliquez
devra disposer de ses propres éco-
de Saint-Vincent-de-Paul.
G.R.:
En effet, pressé en 1880 de
pourra attendre le dénouement de
l’antagonisme municipal, en… 1883!
Alors que les élus et électeurs migen-
affirmé, la tonalité cléricale de la cité
Mais, au-delà de l’aspect monogra-
phique, ma recherche constitue aussi
H.:
En effet, outre l’énorme
par cette communauté chemi-
note, vous avez cherché à appré-
commune: associations,
proposez au lecteur, en seconde
et des enquêtes sur des événe-
G.R.:
J’ai retenu deux graves catas-
trophes ferroviaires évitées de justesse
en gare de Migennes au printemps
1936, puis deux témoignages: l’auto-
biographie d’Eugène Gervois, institu-
l’Union musicale PLM; les souvenirs
été migennois de 1944 sous les bom-
bardements à répétition. Pour termi-
ner, en contrepoint à l’arrivée du dé-
pôt en 1880, j’ai retenu l’impact local
Migennes, dont la population chemi-
note va fondre très vite, comme neige
au soleil. Bénéficiaire hier d’une «dé-
localisation» du dépôt de Tonnerre,
soixante-dix ans après, en 1950, Mi-
la SNCF, supprimés ou «déména-
gés».Ainsi tourne la roue de la
bonne fortune ferroviaire!
Propos recueillis par Br. CARRIÈRE
histoire (ferroviaire)
de Laroche-Migennes.
Chroniques
Chroniques
migennoises
(deuxième
série),
216 pages, dont
34 pages
d’illustrations,
photos et plans,
ouvrage auto-
édité, publié en
octobre 2007.
Cet ouvrage
est en vente
à la Boutique de
La Vie du Rail
(24 euros)
ou par
correspondance
(27,80 euros
franco de port)
chez l’auteur:
5, chemin
du Buisson-
Mignot,
Les Brûleries,
89500 Dixmont.
Historail
ont remis leur mémoire à l’AHICF à
des lecteurs qui sont heureux de l’aug-
Les lecteurs sont reçus sur rendez-vous
pour pouvoir être orientés tant dans le
fonds que vers d’autres ressources,
autres activités, l’AHICF travaille «en
réseau»: ici, avec le Centre de do-
Fonds cheminot du CCE SNCF. Les
trois bibliothèques se complètent en
effet; cela vaut bien entendu pour les
centres d’archives des entreprises fer-
roviaires, de l’État (Archives nationales,
archives des ministères) et des collec-
Les fonds reflètent aussi les intérêts et
les autres activités de l’AHICF: ouvra-
ges donnés par des auteurs, des asso-
ciations d’histoire, des associations fer-
roviaires, ou achetés pour approfondir
un sujet qui a fait l’objet de recher-
ches particulières. Enfin, l’AHICF n’est
pas habilitée à recevoir et à gérer des
archives –les archives ferroviaires sont
pour leur plus grande partie des archi-
ves publiques, qui ne relèvent pas de
l’action d’une association de droit
privé–, et les dossiers conservés par
des cheminots après la fin de leur ac-
tivité professionnelle qu’elle reçoit par-
fois sont versés aux archives de la
SNCF, accompagnés de leur inventaire
réalisé par des jeunes archivistes sta-
giaires. En revanche, la documenta-
tion imprimée, la littérature grise ou
les journaux d’entreprise existant par
les recherches propres de l’association,
en particulier son programme de col-
lecte d’archives orales.
En effet, la collecte et la diffusion de
aux collections d’ouvrages et à la do-
cumentation. D’une part, le site Inter-
net de l’AHICF http://www.trains-
fr�.org/ahicf, qui publie les dernières
nouvelles de l’association, des nouvel-
les des colloques en préparation, le ca-
des anciens numéros, le règlement ré-
l’AHICF,etc., se développe désormais
pour devenir un centre de ressources
documentaires en ligne. D’autres pa-
ges Internet spécialisées s’y ajoutent
la Deuxième Guerre mondiale
http://www&#x.000;唀㈀&#xh.00;Ԁ匀&#x2t00;&#x.000;唀㈀&#xt.00;Ԁ匀&#x2p00;&#x.000;唀㈀&#x:.00;Ԁ匀&#x2/00;&#x.000;唀㈀&#x/.00;Ԁ匀&#x2w00;&#x
.00;Ԁ匀&#x2w00;&#x.000;唀㈀&#xw500;&#x4.00;椀㘀&#x2.00;&#xah00;&#xic00;&#xf.00;&#xco00;&#xm000;.ahicf.com, pages
consacrées à des programmes de re-
cherche, à des colloques). D’autre part,
l’AHICF est productrice de sources
pour l’histoire. Depuis 2002, elle pour-
suit une collecte d’archives orales: il
s’agit d’enregistrer des entretiens pré-
comme l’histoire des métiers des che-
minots depuis la Deuxième Guerre
mondiale et l’histoire des décisions
stratégiques à la SNCF. Plus de
500heures ont été collectées. Le trai-
tement technique et l’organisation do-
cumentaire de ce fonds nouveau
permettent la conservation des enre-
gistrements et leur ouverture à la re-
cherche. Un outil de recherche en li-
gne, développé avec deux autres
associations historiques, devrait être
connaître l’état des collections disponi-
bles, de lire l’analyse des entretiens,
mais surtout d’écouter ceux-ci. Plus ré-
cemment encore, l’AHICF a déve-
loppé, avec le Cercle généalogique des
cheminots et des chercheurs intéres-
sés à la mémoire collective, une base
de données en ligne des «lieux du
souvenir» et monuments commémo-
ratifs dans l’espace ferroviaire. A
terme, on y trouvera non seulement
l’inventaire de ces monuments, dont
beaucoup sont menacés par les re-
structurations industrielles et immobi-
lières, mais aussi le relevé de tous les
noms qui y figurent. Il sera possible à
toute personne qui le souhaite d’ajou-
des documents complémentaires. Cet
outil devrait lui aussi être en ligne dans
La collecte et surtout la restitution de
l’information deviennent ainsi un do-
l’AHICF, à côté de et en liaison avec
colloques et journées scientifiques, la
Revue d’histoire des chemins de fer,
qui comptera bientôt 40 numéros, les
bourses d’études accordées aux étu-
diants et la poursuite de programmes
de recherche. Elles appellent la collabo-
ration de tous les membres et corres-
pondants de l’association et lui ou-
vrent de nouvelles perspectives de
deux premières décennies.

SitesInternet www.trains-fr.org/ahicf&#xww00;&#xw700;&#x3.00;舀戀&#x5
00;&#x..00;Ȁ蜀&#x5t00;&#x.000;⠀甀&#xr.00;Ȁ蜀娀&#x.000;⠀甀&#xi.00;Ȁ蜀&#x5n00;&#x.000;⠀甀&#xs.00;Ȁ蜀&#x5-00;&#x.000;⠀甀&#xf
00;&#x.000;⠀甀&#xr900;&#x1.00;攀&#x.-00;&#x.000;Ȁ&#x5o00;&#x-.00;�─&#xr-00;&#x.000;Ȁ&#x5g00;&#x-.00;�─&#x/-00;&#x.000;Ȁ娀&#x-.00;�─&#xh-00;&#x.000;Ȁ&#x5
00;&#xi-00;&#x.000;Ȁ尀&#x-.00;�─&#xf-00;&#x.000;Ȁ倀
et www&#x.000;∀&#x5w00;&#x.000;∀&#x5w00;&#x.000;∀&#x5w00;猀&#x.800;⌀甀&#x.a00;&#xhi00;케&#x.c00;&#xom00;.ahicf.com
à 17heures, le lundi de 14 heures
à 17heures et le vendredi de 9 heures
L’AHICF, c’est
aussi une
collection
unique de
mémoires de
maîtrise, DEA
et thèses dont
la réunion fait
tout le prix.
L’AHICFédite
également
sa propre
revue, reflet
des colloques
et journées
scientifiques
qu’elle organise
et des travaux
qu’elle
encourage.
Courrier
112-
Historail
J
e voudrais vous dire que je maintiens l’appellation
«dynamique nouvelle»
de décembre 1999,
car je suis à l’origine de cette dynamique… Vous ne
la SNCF, à raison d’une mise à disposition chaque année
de l’Education nationale –où j’ai fait toute ma carrière
comme professeur d’ENNA (Ecole normale nationale
d’apprentissage de Paris) et, à ce titre, formateur de
professeurs d’enseignement technique et professionnel.
des instructeurs d’apprentissage du Centre de formation
des apprentis de la SNCF et de ses annexes. J’ai mis
de la SNCF et passé, avec mes stagiaires, beaucoup
le matériel moteur.
Certes, le nombre d’annexes a diminué, ainsi que
le nombre d’apprentis, puisque j’en ai connu 22 à mon
arrivée en 1976, et qu’il en restait 6 ou 7 en 2003.
Mais, et c’est l’essentiel de le savoir, la quantité
de main-d’œuvre de maintenance n’a cessé de diminuer
dans les ateliers, du fait des progrès immenses faits
dans la fiabilité du matériel roulant, sa simplification:
il n’y a aucun rapport entre un bogie de voiture Corail
et son faible nombre de pièces comparé à un bogie
ancien avec ses plaques de garde, ses nombreuses
articulations et pièces d’usure,etc. De même, il n’y a
aucune comparaison entre une BB 15000 ou une
locomotive aussi lourde et complexe que les anciennes
CC 7100 ou 6500… Il suffit d’aller dans les ateliers,
d’aller en cabine et de s’intéresser concrètement au
chemin de fer pour en faire le constat, ou d’en parler
avec les instructeurs du CFA de la SNCF actuelle. Le
matériel roulant d’aujourd’hui n’a plus besoin
de la maintenance lourde et complexe de celui de jadis,
et tout cheminot le sait bien. Peut-être les gens
dimension technique et «charnelle», très physique de
la réalité ferroviaire, aurait dû être développée dans
votre article pour expliquer cette diminution apparente
du nombre des annexes du CFA qui cache,
pour le profane, une fantastique montée dans le niveau
dans l’apprentissage et des femmes dans les ateliers
–chose que vous n’avez pas vue–, dans la mesure où
la maintenance a profondément évolué et est devenue
moins «physique», moins «virile».
en maintenance, mais aussi, d’autre part, l’élévation
à l’électronique,etc.), la SNCF des années 1980 voulait
purement et simplement fermer l’apprentissage et
recruter les techniciens BT et BTS dont elle avait besoin
sur le marché du travail. C’était l’obsession d’un certain
nombre de chefs d’établissement que de fermer
l’annexe du CFA implantée chez eux!
C’est avec François Lacôte, directeur du Matériel
à l’époque, et Jean-Michel Mailfer, son adjoint, que j’ai
pu sauver l’apprentissage, en lui faisant opérer cette
vers le BEP, puis le bac pro, puis le BTS, et en faisant
mettre au point, en introduisant un de mes collègues
professeur d’ENNA comme moi, Jean-Pierre Martin,
dont tous les formateurs du CFA se souviennent, cette
profonde révolution qui demanda dix années à passer
Pour la première fois dans l’histoire de la SNCF,
mettaient au point, avec la SNCF, le fameux bac pro
de maintenance des systèmes ferroviaires.
Nous avons eu l’appui des cadres supérieurs de la SNCF
car je découvris qu’un cadre supérieur sur trois était
un ancien apprenti… et ceci a beaucoup joué en faveur
de cette réforme. Aujourd’hui, l’apprentissage à
la direction du Matériel va bien et la SNCF lui demande
de rénover et de redémarrer l’apprentissage
dans les autres directions, ceci sur le même modèle.
J
’ai apprécié votre historique de l’apprentissage, ainsi
Cependant, le témoignage d’un ancien apprenti,
de l’apprentissage et s’exprimant avec amertume,
me déçoit quelque peu, comme il déçoit de nombreux
formation est bien différente, peut-être parce
qu’auparavant j’avais connu des années difficiles.
J’ai été admis au centre d’apprentissage du dépôt
de Limoges durant les sombres années de guerre, sous
l’occupation allemande. Les journées étaient
très longues (8 heures 45) et les semaines, de six jours.
A propos de l’apprentissage
Historail
Le rationnement était de rigueur et le vestimentaire très
contingenté. Les «J3», en pleine croissance, en étaient
recevions quelques mois après notre entrée un uniforme
très fiers. J’appréciais les cours théoriques:
histoire-géographie, dessin, bien que certains cours
Les cours se déroulaient dans une salle manquant un
peu de chaleur en hiver, dans laquelle trônait le portrait
du Maréchal, et comme le chant étant au programme,
nous entonnions en chœur:
excellente; apprenant à manier le marteau, le burin
Nous étions familiarisés avec les appareils de mesure
(pied à coulisse, palmer, comparateur) et étions
alors en mesure de confectionner une partie
de l’outillage destiné à la promotion suivante, car
il y avait aussi pénurie de matière première; nous-
mêmes ayant reçu de la promotion précédente pied
à coulisse, équerres et compas.
Les deuxième et troisième années étaient consacrées
beaucoup souffert d’un manque d’entretien et
été exagérément utilisées en raison du parc réduit.
Avec un camarade, nous nous étions inscrits, dès
dispensés en dehors des heures de service. C’est
peut-être grâce à eux que nous avons été admis dès
la troisième année aux CSA (ex-SD).
Je comprends difficilement qu’un ancien apprenti,
ces cours. Manque d’ambition? de courage?
Mineur, ouvrier, nous n’avions que peu de temps alloué
pour ces cours et il fallait veiller très tard; mais aussi,
quelle satisfaction d’obtenir un titre d’attaché ouvrant
la porte à de nombreux stages. Après le service militaire,
J’avais été dirigé vers le service de route, vapeur puis
électrique, et, au bout de trois années, muté au service
régional à la suite des remaniements importants
examens et concours, je rejoignais le service VB.
il me fallait tout apprendre de la technologie voie,
signalisation, caténaire… Je terminais ma carrière à
la direction V. Recyclage et formation continue,
connaissances et de gravir les échelons de la hiérarchie.
Je ne peux donc que dire merci à l’apprentissage et
de partir au niveau cadre.
sans doute, ont terminé cadre supérieur et admettent
volontiers les bienfaits de l’apprentissage.
Je conclurai donc en disant que l’apprentissage était
et est encore une excellente base de départ pour
les jeunes qui envisagent une carrière ferroviaire,
bien qu’ensuite l’évolution au sein de l’entreprise
nécessite un effort continu.
SNCF rassemble aujourd’hui près de 3000 adhérents.
Seckler/Coll.LVDR
Le centre
d’apprentissage
de Dijon en
octobre 1967.
COMMANDEZ PAR COURRIER
– Service commandes
11, rue de Milan – 75440 Paris Cedex 09
PAR TÉLÉPHONE
de 9h à 18h, du lundi au vendredi
PAR INTERNET
www.laviedurail.com
24 heures sur 24, 7 jours sur 7
L
a gare de l’Est, avec la banlieue qu’elle dessert, entre dans une nouvelle page
de son histoire, marquée par l’arrivée du TGV Est, le 10 juin 2007. Au départ
de Paris-Est, les lignes, gares et dépôts traités dans ce livre s’étendent
jusqu’à Château-Thierry, la Ferté-Million, Sézanne et Longueville. A travers de
nombreuses photographies inédites couvrant
dont beaucoup sont en couleurs, le lecteur va
pouvoir vivre ou revivre au rythme des gares
nées au temps de la Compagnie des chemins
de fer de l’Est. La traction à vapeur, pour
les trains de voyageurs comme pour ceux
de marchandises, tient une place de choix
dans cet ouvrage qui, par la volonté
de ses auteurs, fait la part belle
à l’aspect humain du chemin de fer.
Format: 320 x 240mm.
160 pages. Couleurs.
Paris-Est
(Didier Leroy et Paul-Henri Bellot)
Prix franco
48

Réf. : 110 196

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