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UGS : HR14 Catégories : ,

Description

Historail
Historail
Historail
(N° 14)
juillet
2010
9,90

trimestriel
3:HIKRTE=WU^^U]:?a@a@l@e@k;
M 07942
– 14 –
F:
9,90
– RD
1950-1970
les grands
départs
vacances
Les trains marchandises-voyageurs
partie)
Les transports parisiens en 39-45
trimestriel
n° 14
Juillet 2010
1950-1970
les grands
départs
vacances
Juillet 2010
Historail
P
our peu qu’on l’examine avec attention, le passé récent, celui d’il y a seulement
quelques décennies, peut se révéler parfois étonnamment «exotique» à nos yeux.
Qui n’a pas fait cette expérience, par exemple, en revoyant un film de la grande
époque – celle des Marcel Carné, Claude Autant-Lara, Julien Duvivier, Henri-Georges Clouzot,
les tenants de la «qualité française», comme diront d’autres plus tard, non sans une certaine
condescendance –, de se sentir, soudain, transplanté dans un autre monde, une autre planète,
que l’on croyait pourtant familière et qui apparaît alors dans toute son étrangeté?
Cette impression de dépaysement radical, comment ne pas l’éprouver à la lecture
de la première partie de l’étude que nous consacrons, dans ce numéro d’
Historail,
aux trains
marchandises-voyageurs, les fameux trains «MV», ou à leur variante, les trains dits
«mixtes»? Des trains qui, comme leur nom l’indique, combinaient wagons de fret et une ou,
plus rarement, plusieurs voitures de voyageurs, de 3
puis de 2
classe. Omnibus, comme
il se doit, soumis aux contraintes de la desserte fret, intégrant dans leur composition
du matériel voyageurs généralement obsolète, ces trains aux horaires, on l’imagine, des plus
détendus ont fait partie intégrante du paysage ferroviaire français jusque dans les années 60
avant de décliner pour disparaître définitivement dans les années 80, à l’heure où le TGV
commençait à s’imposer sur les liaisons de longue distance.
Comment ne pas être frappé également, aujourd’hui, par l’insolite du cérémonial
et du folklore qui accompagnaient les départs en vacances d’été dans les décennies
d’après guerre, sujet de notre grand dossier illustré de ce numéro? Incroyables cohues dans
les gares parisiennes, abondances des bagages, porteurs surchargés, valises hissées
par les fenêtres, convivialité dans les compartiments, stewards en blanc dans les couloirs
pour annoncer les débuts de services de vrais repas, dans de vrais wagons-restaurants…
là encore, le dépaysement est garanti. À l’heure de l’étalement des congés
et de la banalisation des déplacements, il nous a paru pertinent de souligner
ce contraste.
Olivier BERTRAND
I
Époques révolues
I
À la toute fin
de ce type de train,
un MV Thouars –
Bressuire, tracté
par la BB 63767,
avec une voiture
voyageurs BD,
un wagon couvert
et un wagon-citerne,
à Noirterre
(août 1985).
J.L. Poggi
4-
Historail
Juillet 2010
1. Paris-Austerlitz, la cour de départ
dans les années 1950.
2. Pointe estivale à Narbonne, en juillet 1957.
3. Scène de grands départs, Paris-Lyon,
été 1954.
4. Attente de la mise à quai d’un train de nuit,
le soir du 30 juillet 1976.
Photos Photorail
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Vincent Lalu
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
François Cormier
DIRECTRICE ADMINISTRATIVE
ET FINANCIÈRE
Michèle Marcaillou
RÉDACTEUR EN CHEF
Olivier Bertrand
CONSEIL ÉDITORIAL
Bernard Collardey,
Dominique Paris, Georges Ribeill
DIRECTION ARTISTIQUE
ET MISE EN PAGES
Amarena
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
Jean-Pascal Hanss
et Marie-Laure Le Fessant
ONT COLLABORÉ
Philippe-Enrico Attal,
Sylvain Lucas,
Joseph-Jean
Paques, Julian Pepisnter,
PUBLICITÉ
Kiraouane Belhadri
VENTE AU NUMÉRO
Françoise Bézannier
DIRECTRICE DE LA DIFFUSION
Victoria Irizar
ATTACHÉE DE PRESSE
Nathalie Leclerc (Cassiopée)
INFORMATIQUE & PRODUCTION
Robin Loison
Informatique: Ali Dahmani
Prépresse: Kouadio Kouassi,
Simon Raby.
IMPRESSION
Imprimerie SIEP (77)
Imprimerie RAS (95)
Historail
est une publication
des Éditions La Vie du Rail,
Société anonyme au capital
de 2 043 200 euros.
PRÉSIDENT DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION
Vincent Lalu
PRÉSIDENT D’HONNEUR
Pierre Lubek
PRINCIPAUX ACTIONNAIRES
SNCF,
Le Monde, Ouest-France
France Rail, VLA.
Durée de la société: 99 ans
RCS Paris B334 130 127
Numéro de commission paritaire:
Siège: 11, rue de Milan
75440 Paris Cedex 09
Tél.: 01 49 70 12 00
Fax: 01 48 74 37 98
Le titre
Historail
a été retenu
avec l’autorisation du musée
du chemin de fer HistoRail
de Saint-Léonard-de-Noblat.
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
(N° 14)
juillet
2010
9,90

trimestriel
1950-1970
les grands
départs
vacances
Les trains marchandises-voyageurs
re
partie)
Les transports parisiens en 39-45
1950-1970
les grands
départs
en
vacances
Sommaire
Juillet 2010
Historail
Guerre
– Les transports parisiens durant la Seconde Guerre mondialep.6
Une machine, une histoire
– La 2CC2 3402, une rescapée de la Maurienne
p.18
Utopie
– Louis-Léger Vauthier: dès 1872, un projet
p.22
de métropolitain pour Paris
Curiosité
– Visseaux: une publicité paradoxale
p.27
– Quand les assiettes de Gien célébraient le chemin de ferp.28
Dossier
Les trains marchandises-voyageurs:
p.38
la France à petite vitesse (1
partie)
Dossier photos
La belle aventure des grands départsp.58
Bonnes feuilles
– Jean Bazot: Les Années vapeur
p.104
Musée
– HistoRail
: bilan et projets
p.110
Courrier
p.111
Guerre
– SNCF et déportation: un passé ferroviaire
p.112
qui ne passe toujours pas…
Livres
p.114
Photo de couverture:
une scène typique des grands départs en vacances dans les années 1950-1960, la famille réunie à la fenêtre
du compartiment, que l’on pouvait encore baisser, fait ses derniers adieux à ceux qui restent, avant que
le convoi ne démarre (Photorail).
La vie courante
reprend ses droits
sous l’Occupation;
les populations
se croisent et
s’ignorent à
Rond-Point-des-
Champs-Elysées
(future Franklin-D.-
Roosevelt), sur
cette vue de 1941
ou 1942. Le motif
«métro» est
couvert d’une tôle
abat-lueurs (comme
dans toutes
les stations) pour
éviter d’attirer
l’attention des
avions lors des
bombardements.
Les transports parisiens
durant la Seconde
Guerre mondiale
Il y a 70 ans, les Français se retrouvaient en guerre pour
la seconde fois en 25 ans. Dans la capitale, la question
des déplacements individuels va devenir critique. Les tramways
ont disparu en 1937. Quant au réseau d’autobus, il est fortement
touché par les restrictions, et la quasi-totalité des voitures
particulières ne peuvent plus circuler. Dès lors, les déplacements
de masse vont reposer de façon quasi exclusive sur le métro.
C’est pourtant durant cette période que les bases modernes
d’une organisation des transports parisiens vont être posées.
6-
Historail
Juillet 2010
Guerre de 1939-1945
Juillet 2010
Historail
L
’invasion de la Pologne le
septembre 1939 a conduit
la France et la Grande-Bretagne à
déclarer la guerre à l’Allemagne
de Hitler; c’est un conflit mené
sans enthousiasme, pour tenter de
mettre un terme à l’expansionnisme
allemand avant qu’il ne devienne
une menace pour les démocraties
occidentales. Les alliés étaient sortis
victorieux du premier conflit mon-
dial 21 ans plus tôt.
Après le départ des hommes pour le
front, les deux grandes entreprises
de transport de la capitale vont
devoir gérer leurs réseaux dans des
conditions extrêmement difficiles.
Chacune se trouve en situation de
monopole dans sa sphère de com-
pétence. Sous terre, la CMP (Com-
pagnie du chemin de fer métropoli-
tain de Paris) a en charge la totalité
du réseau ferré depuis la fusion avec
le Nord – Sud, sa compagnie rivale,
en 1930. Depuis 1938, elle a égale-
ment hérité de la ligne de Sceaux,
cédée par le PO puis par la SNCF, et
exploitée de Luxembourg à Massy-
Palaiseau et Robinson en automo-
trices électriques modernes. La partie
sud reste à la charge de la SNCF,
mais avec le même matériel, jusqu’à
Saint-Rémy-lès-Chevreuse, avec cor-
respondance par autorail pour la
direction de Limours. Cette dernière
section sera fermée quelques se-
maines avant le début des hostilités.
En surface, toutes les compagnies de
tramways ont été intégrées en 1921
sous le monopole de la STCRP (So-
ciété des transports en commun de
la région parisienne), organisée au-
tour de l’ancienne CGO (Compagnie
générale des omnibus), qui exploitait
les autobus et une part importante
des lignes de tramways. Seules
quelques compagnies de moindre
importance seront absorbées un peu
plus tard, comme le Chemin de fer
du bois de Boulogne (1922) ou en-
core l’Ouest parisien (1925). Depuis
1937 à Paris, 1938 en banlieue, les
tramways ont disparu.
À la déclaration de guerre, les deux
réseaux sont donc en situation de
concurrence. Il faut également citer
quelques lignes de chemins de fer
qui, pénétrant dans Paris, ont des ar-
rêts
intra-muros
. Ainsi la ligne de
Paris-Bastille à Verneuil-l’Étang a trois
gares parisiennes, Bastille, Reuilly
et Bel-Air. Même chose pour la ligne
d’Orsay vers la banlieue sud, qui dis-
pose de gares intermédiaires à
Saint-Michel, à Paris-Austerlitz et à
Orléans-Ceinture. La ligne des Inva-
lides elle aussi compte plusieurs arrêts
dans Paris. Sur les grands réseaux,
on trouve des haltes pour le Nord à
Pont-Marcadet ou pour Montpar-
nasse à Ouest-Ceinture. Cas particu-
lier, celui de la ligne d’Auteuil, ultime
partie exploitée de la Petite Ceinture,
dont le service a été interrompu en
1934, qui fonctionnait en intégralité
dans la capitale de Pont-Cardinet à
Auteuil-Boulogne avec une exploita-
tion proche de celle d’une ligne de
métro.
Le défaut essentiel de toutes ces
liaisons est d’être isolées des autres
modes de transport, d’abord physi-
quement en raison de l’absence de
correspondances directes, ensuite
parce que chacune a sa propre
tarification.
Cette situation de concurrence per-
manente avait conduit avant la
guerre à tenter de rationaliser un peu
l’organisation des transports, en
particulier à la STCRP. Le métro, qui
pénétrait en banlieue depuis 1934,
faisait baisser la fréquentation
des autobus sur les itinéraires où ils
circulaient en parallèle. Progressive-
ment, les lignes ont été rabattues
sur le métro, assurant ainsi une pre-
mière esquisse de complémentarité.
Par exemple, à l’occasion du pro-
longement de la ligne 1 en 1934,
plusieurs terminus seront reportés
de la porte de Vincennes au château
de Vincennes. Pour autant, de nom-
breuses lignes de banlieue circulaient
encore dans la capitale, héritage des
anciennes compagnies de tramways,
qui avaient souvent organisé leurs
lignes autour d’une grande place
parisienne. Ainsi la République, la
Madeleine ou le Châtelet étaient de
grands terminus de bus. Dans un
souci d’économie toutefois, la STCRP
avait supprimé en 1938 certaines
lignes à faible trafic, très déficitaires.
La mobilisation générale qui précède
l’entrée en guerre conduit à une cer-
taine réorganisation. De nombreux
autobus de la STCRP se trouvent
réquisitionnés pour acheminer
troupes et matériels. À la différence
du conflit précédent, les tramways,
qui assuraient alors de nombreux dé-
placements, ont disparu. Du jour au
lendemain, il ne subsiste dans Paris
Coll. RATP
Guerre de 1939-1945
[ les transports parisiens
que sept lignes de bus correspondant
à des axes chargés mal desservis par
le métro. Il s’agit essentiellement
d’anciens tramways comme le 5, le
91 ou le 92. Priorité est donc donnée
au réseau ferré, qui doit assurer l’es-
sentiel des déplacements particuliers
dans la capitale.
Côté banlieue, les lignes d’autobus
poursuivent leur réorganisation au-
tour des terminus de métro. Les prin-
cipales portes de la ville deviennent
alors de véritables gares routières.
Ainsi, les autobus qui partaient de la
Madeleine, comme le 39 ou le 40,
sont reportés à la porte de Clichy.
Ceux de la République qui filaient
vers le nord, comme le 50 ou le 52,
se retrouvent à la porte de la Villette.
D’autres, en l’absence de métro à la
périphérie, pénètrent en ville jusqu’à
la station la plus proche. Ainsi le 21
ou le 51 partent-ils du rond-point de
la Villette, actuelle station Stalingrad.
Le métro, bien que servant d’arma-
ture au réseau de transport, aura
aussi un service réduit (ses horaires
étant conservés, parfois prolongés
voire maintenus toute la nuit lors des
grandes périodes de mobilisation).
De nombreuses stations sont fermées
à cette occasion, certaines ne devant
plus jamais rouvrir (
voir encadré page
). Bien que l’essentiel de l’armée
allemande se trouve à l’époque en
Pologne, la crainte des bombarde-
ments a conduit à cesser toute cir-
culation sur les sections aériennes du
métro et à désigner certaines stations
en abris antiaériens. Ainsi, les lignes
2 et 6 sont totalement fermées,
les lignes 5, 11 et 14, notamment,
ne conservent que de courtes
navettes dont la longueur fluctue au
fil des mois, tandis que la ligne 12
est fermée au nord de Trinité. La
ligne 8 est, quant à elle, exploitée en
deux parties: Balard – Richelieu-
Drouot et République – Porte-de-
Charenton, la ligne 9 prenant à sa
charge le trafic des grands boule-
vards. De nombreuses stations sont
fermées à l’exploitation (à l’excep-
tion de quelques stations simples
desservant des zones de peuplement
important, seules subsistent les
correspondances et les terminus) sur
les lignes restées ouvertes, et la
courte navette entre Porte-des-Lilas
et Pré-Saint-Gervais est supprimée.
Tandis que la guerre d’invasion
redoutée se transforme en « drôle
de guerre » où nos armées attendent
l’ennemi derrière la ligne Maginot,
la circulation des bus reprend peu à
peu dans Paris et sa banlieue, dans
la limite des véhicules rendus à l’ex-
ploitant. Côté métro, les restrictions
(liées à l’absence du personnel et à
la nécessité d’économiser les res-
sources énergétiques) restent de mise
en cette fin d’année 1939, même si
on peut constater une petite aug-
mentation des sections ouvertes.
Pour autant, le service reste réduit,
notamment du fait de la présence
d’une part importante des hommes
sur le front. La situation va peu à peu
se rétablir, tant sous terre qu’en sur-
face, jusqu’à l’invasion du territoire,
qui débute en mai 1940. À l’entrée
des troupes allemandes dans Paris,
le service du métro se poursuit dans
une ville déserte, sans interruption.
À partir de l’été 1940, un nouveau
service réduit est mis en place, tant
pour le métro qu’en surface. Le prin-
cipe de lignes d’autobus partant des
terminus de métro est confirmé et
assuré avec le matériel disponible.
Rapidement va se poser la question
des pneumatiques et du carburant.
Concernant le métro, l’exploitation
électrique permet une reprise du ser-
vice, dans la limite du contingente-
ment électrique autorisé. On limitera
8-
Historail
Juillet 2010
Coll. S. Laferrière
La zone
des fortifications
reste bien visible
sur cette photo
de la station
Pré-Saint-Gervais,
dont la profondeur
autorise largement
qu’elle soit utilisée
comme refuge.
Le plan du secteur
remplace
la publicité sur
le porte-plan et
indique les stations
maintenues
ouvertes ainsi
que les stations
accessibles
en refuge.
Juillet 2010
Historail
durant la Seconde Guerre mondiale ]
Coll. Ph.-E. Attal
Coll. Ph.-E. Attal
Ce plan officiel de 1940
illustre l’exploitation
réduite à son minimum
en temps de conflit,
avant l’armistice.
Les lignes aériennes
(2, 6, et une partie
de la 5) sont fermées en
raison du risque aérien.
Les lignes doublant
certains tracés sont
fermées également:
la ligne 8 le long
des Grands Boulevards,
le sud de la ligne 11,
dont la partie nord est
réservée comme abri
antiaérien. L’économie
de guerre prévaut dans
l’impression du plan,
dont les couleurs
ont disparu!
Ce plan publicitaire
de la BNCI (Banque
nationale pour
le commerce et
l’industrie, future
composante
de la BNP), remonte
aux années
d’Occupation (1941
ou 1942). Le service
a repris sur l’ensemble
du réseau, mais
certaines stations
restent fermées
(indiquées par
un tiret).
ainsi l’amplitude et la densité du
service, et les stations de moindre
importance seront maintenues fer-
mées; les sections de lignes inter-
rompues pendant la période 1939-
1940 sont toutefois rouvertes à
l’exploitation (avec cependant une
grande partie des stations intermé-
diaires fermées selon le principe évo-
qué plus haut). Le couvre-feu interdit
de toute façon les circulations tar-
dives; les alertes suspendent parfois
l’exploitation plus tôt encore.
Pour les bus, on cherche des solutions
de remplacement. Le gazogène à
base de charbon de bois est utilisé,
de même que l’alcool. La STCRP re-
prend également des études menées
dans le passé pour utiliser comme car-
burant le gaz de ville non comprimé.
Des ballons de caoutchouc, abrités
sous un impressionnant carrossage
en tôle légère, sont construits en toi-
ture, tandis que des postes d’appro-
visionnement sont installés aux ter-
minus (ces voitures conserveront leur
« grosse tête » jusqu’à leur réforme,
bien que fonctionnant de nouveau à
l’essence). Les lignes 39 ou 121 par
exemple sont équipées de cette fa-
çon. Sur la ligne 63, on reconstruit à
partir de 1943 une ligne aérienne
électrique pour faire circuler un trol-
leybus de type Vétra CS, là où
jusqu’en 1936 évoluait un tramway.
En 1944, c’est au tour de la ligne 64
d’être convertie en trolleybus.
Cette période de restrictions et
d’économies va rendre indispensa-
ble la réorganisation complète des
transports parisiens. L’instauration du
régime de Vichy, dont le fonctionne-
ment institutionnel est puisé dans
l’arsenal autoritaire des nouveaux
maîtres de l’Europe, rend possible ces
évolutions, utiles aux Parisiens, mais
qui mettent fin à l’indépendance des
compagnies et aux prérogatives de
leurs dirigeants. En novembre 1938
est créé un Comité des transports
parisiens, première étape vers une
reprise en main par l’État des trans-
ports urbains. Mais cet organisme ne
pourra imposer la remise en cause
des conventions et la fusion totale
des réseaux.
En 1941, la situation a naturellement
évolué, et c’est sous l’impulsion des
autorités de Vichy que l’absorption
de la STCRP par la CMP est décidée à
compter de janvier 1942 (les billets
du réseau bus indiquent désormais:
« Chemin de fer métropolitain de
Paris – réseau routier »). Le contexte
politique très particulier de l’époque
permet de se passer de l’accord du
Parlement, faisant ainsi disparaître
les obstacles qui avaient jusqu’alors
empêché cette réorganisation. Il n’y
aura pratiquement pas de débat,
alors que de nombreuses oppositions
s’exprimaient avant la guerre sur
la question. La loi du 26 juin 1941
met un terme à la convention d’af-
fermage de la STCRP, et la Compa-
gnie du chemin de fer métropolitain
de Paris est réorganisée sous le prin-
cipe de la complémentarité des
réseaux. La CMP, avec son réseau
métro assurant l’essentiel du trafic
(et ayant la bonne santé financière
Guerre de 1939-1945
[ les transports parisiens
10-
Historail
Juillet 2010
La station Opéra
transformée
en refuge.
En incrustation :
billet de
correspondance de
1942 de la station
Rue-d’Aubervilliers-
Boulevard-de-
la Villette (future
Stalingrad). Lors de
l’ouverture au public
du prolongement
de la ligne 5 entre
Gare-du-Nord
et Pantin, on décide
de fusionner
les stations Rue-
d’Aubervilliers
(ligne 2) et
Boulevard-de-la
Villette (ligne 7) par
le long couloir de
correspondance
que l’on connaît
aujourd’hui.
Toutefois, le couloir
n’est pas terminé
à la date prévue,
la correspondance
s’effectue par la rue
pendant quelque
temps et des «billets
de correspondance»
sont émis de façon
à ne pas
devoir payer
un nouveau billet.
Coll. RATP
Coll. J. Pepinster
Juillet 2010
Historail
durant la Seconde Guerre mondiale ]
Issu de
l’hebdomadaire
«Wohin in Paris?»
du 16 au 31juillet
1941, sorte
d’«Officiel des
spectacles» pour
militaires allemands
profitant de
leur temps libre,
ce plan de métro
a fait l’objet d’une
adaptation minimale
dans leur langue.
La défense passive
La « défense passive » est prévue par le gouvernement à
partir du milieu des années 30, afin de se protéger des
bombardements en cas de conflit, et de proposer une or-
ganisation qui avait manqué pendant la Première Guerre
mondiale (au cours de laquelle des stations profondes
avaient servi d’abris antiaériens).
Les abris ainsi constitués avaient des vocations gouverne-
mentales autant que civiles; la disposition la plus simple
concerne les caves d’immeubles jugées suffisamment pro-
fondes ou solides, des abris neufs construits sous des édi-
fices gouvernementaux, des sections des anciennes car-
rières plus ou moins aménagées contre les gaz de combat,
et tout logiquement le métro, afin d’héberger la foule.
Trois sites y sont installés avec des dispositifs assez évolués
de filtrage de l’air provenant de la surface, afin d’isoler
les produits toxiques, et des portes étanches dans les accès
et sur les voies pour clore l’espace défini. L’un d’entre eux
est réservé pour la direction du métro en temps de crise,
deux autres sites (Maison-Blanche et Place-des-Fêtes
[ligne 11]) étant aménagés pour le public, avec une capa-
cité d’environ 2000 personnes par site (on dort dans les
escaliers, sur les bancs, sur les quais et sur la voie, autant en
station qu’en tunnel…). Toutes les autres stations classées
en abri sont à une profondeur suffisante pour que la voûte
résiste aux bombes (lorsque la voie est à 15 m de la chaus-
sée, ou plus), mais elles ne sont pas dotées de dispositifs de
protection contre les gaz (qui ne seront pas employés, du
reste). Lors d’une alerte, les trains sont écartés des zones
correspondantes, et le courant est coupé; le site est dirigé
par un chef d’abri qui dispose de personnel pour enca-
drer le public et prévenir les incidents (incivilités, vols, pa-
nique). Des estacades stockées en station permettent de
descendre sur la voie sans risque de chute; un espace est
généralement réservé pour l’infirmerie et les blessés.
Aucun sanitaire n’étant prévu, il faut prendre certaines
précautions avant de s’installer, lorsque les alertes se
répètent plusieurs nuits d’affilée!
La période de conflit a fait avancer de façon rapide les
connaissances techniques en matière de protection contre
les effets des bombardements; on constata ainsi qu’une
station d’une profondeur insuffisante pouvait être trans-
formée en abri pourvu que l’on place une dalle en béton
armé d’épaisseur suffisante entre la chaussée et la voûte.
La station Hoche a été construite sur ce principe, et l’in-
frastructure a été réalisée en vue d’une protection contre
les gaz (espace ménagé pour les portes étanches et sas
d’accès dans les interstations encadrantes). Mais les équi-
pements ne furent jamais installés; il en fut de même à
Croix-de-Chavaux.
J.P.
Coll. J. Pepinster
Guerre de 1939-1945
[ les transports parisiens
12-
Historail
Juillet 2010
Les fermetures de la guerre
La période de la guerre a conduit à des fermetures qui,
pour certaines, se sont révélées définitives. Le métro, par
économie de personnel et d’énergie, a été contraint de
fermer un nombre important de stations, limitant l’ex-
ploitation aux points les plus importants de la capitale.
Dès l’entrée en guerre, la CMP a fermé la courte ligne de
navette entre Pré-Saint-Gervais et Porte-des-Lilas. La
construction de la ligne 11 en 1935 avait rendu cette liai-
son inutile. La ligne sera rouverte provisoirement et de
façon sporadique en 1952 pour tester avec des voyageurs
la motrice MP 51 sur pneus avec conduite automatique.
Elle fermera définitivement en 1956.
On évoque ici ou là, notamment dans certains projets de
la Ville ou de la Région, une remise en service pour relier
les lignes 3 bis et 7 bis au sein d’une nouvelle radiale au
nord-est de Paris. Les deux stations ne sont pas restées
pour autant inutilisées. À Porte-des-Lilas, les quais sont
loués par la RATP pour les tournages ou utilisés pour des
essais. À l’autre extrémité, à Pré-Saint-Gervais, a été
construit (dans les années 1990) un petit atelier d’entretien
pour le matériel MF 88 de la ligne 7 bis, aux caractéris-
tiques uniques (dispositif à essieux guidés).
Pour ce qui concerne les stations, la plupart n’ont connu
qu’une fermeture provisoire. À la déclaration de guerre,
seules 85 d’entre elles étaient ouvertes au public. Elles
vont rouvrir pour certaines pendant l’occupation, puis
progressivement à la Libération afin de revenir à un service
quasi normal. Néanmoins, les restrictions vont nécessiter le
maintien d’un nombre important de fermetures. La fin
des hostilités ne signifiera pas forcément une remise en
service: en 1945, 72 stations étaient encore fermées, 43
rouvriront en 1946, 13 en 1947.
En 1949 sont fermées sur les lignes:

5: Arsenal;

6: Bel-Air et Kléber;

8: Félix-Faure, Champ-de-Mars, Saint-Martin, Montgallet;

9: Saint-Martin;

10: Chardon-Lagache, Vaneau, Croix-Rouge, Mabillon,
Cluny;

12: Falguière, Rennes;

13: Liège;

14: Varenne.
Certaines de ces stations se trouvent très proches de leur
voisine, comme Croix-Rouge, à quelques encablures de
Sèvres-Babylone et de Saint-Sulpice, ou Saint-Martin, à
proximité de Strasbourg-Saint-Denis. Aussi les pouvoirs
publics prévoient-ils, dans la mesure où les transports pa-
risiens sont réorganisés sous une même autorité et que
le tracé des lignes de bus a été remodelé, de maintenir
définitivement fermées les stations en question, de façon
à augmenter la capacité de transport des lignes concer-
nées. Cette intention est sans doute louable pour l’intérêt
général… Mais les riverains concernés par ces fermetures
ne l’entendent pas ainsi! Courriers et pétitions se suivent
pour réclamer la reprise de l’exploitation.
Ces demandes sont traitées au cas par cas, et, en 1951,
sept stations rouvriront: Kléber, Félix-Faure, Montgallet,
Chardon-Lagache, Vaneau, Mabillon et Falguière.
En 1962, c’est au tour de Varenne sur la 14, et en 1963 de
Bel-Air, sur la 6, de retrouver des voyageurs.
Devant de nouvelles demandes, on décide en 1967:
de rouvrir dès 1968 Rennes et Liège, mais avec des ho-
raires restreints (fermeture après 20 heures du lundi au
samedi, fermeture totale les dimanches et jours fériés –
ces restrictions ont été levées par le STIF en 2004 pour
Rennes et en 2006 pour Liège); de déclarer comme fer-
mées définitivement les stations restantes: Arsenal,
Champ-de-Mars, Cluny, Croix-Rouge et Saint-Martin.
Ces cinq stations sont considérées comme ayant un trop
faible trafic potentiel pour une réouverture; aussi dispa-
raissent-elles des plans (de 1945 à 1968, toutes les stations
étaient indiquées sur les plans de ligne, une notice invitant
le voyageur à consulter en station l’affichette donnant la
liste des stations fermées). Toutefois, en 1988, à la faveur
de l’inauguration de la station Saint-Michel-Notre-Dame,
sur le RER B, Cluny est remise en service afin d’assurer une
correspondance métro-RER. Rebaptisée Cluny-La Sor-
bonne, la station possède la particularité d’être la seule sur
le réseau dotée d’une voie centrale dépourvue de quai, qui
est en fait la voie de raccordement menant à la ligne 4.
Juillet 2010
Historail
durant la Seconde Guerre mondiale ]
Il reste donc aujourd’hui quatre stations fantômes sur le
réseau, utilisées partiellement pour des services techniques
et logistiques. Certaines sont utilisées de façon inhabituelle.
Saint-Martin a servi, entre 1949 et 1951, de support à la
reconquête des marchés publicitaires par la Régie publici-
taire des transports parisiens (RPTP), plus connue sous le
nom de « Métrobus Publicité ». La station Arsenal (ainsi
que des quais fermés au sein des stations ouvertes Porte-
des-Lilas et Porte-Maillot) a servi à plusieurs reprises à par-
tir de 1958 et jusque dans les années 1960 pour tester des
aménagements de quais. Lorsqu’elle était encore fermée,
Rennes a accueilli des publicités pour Simca en 1962, avec
de véritables véhicules présentés; la « mode » de ce type
d’activité est revenue à Croix-Rouge, dans les années 70,
avec des publicités pour visiter Rome puis, en 1983, avec un
décor de plage (« Sous les pavés, la plage! »). Au début
des années 90, Saint-Martin a été réaménagée sommaire-
ment en accueil de nuit pour les sans-abri. Ce dispositif a
fonctionné quelques soirs d’hiver puis a été remplacé par
un service bien plus efficace fonctionnant au quotidien.
Depuis 2000, l’un de ses accès, rebaptisé symboliquement
« Station Solidaire », a été transformé en accueil de jour
pour nécessiteux et confié à l’Armée du salut. À Arsenal,
l’un des quais a servi quelques années à la formation aux
consignes et aux risques électriques pour le personnel et les
prestataires.
Le principe d’utiliser des quais de stations fermées pour
des opérations spectaculaires a repris en 2002 à Croix-
Rouge, avec l’exposition d’une automobile Trabant… à
deux têtes, puis à Noël 2007 pour une évocation de la cen-
sure à l’occasion de l’anniversaire de la Bibliothèque
nationale de France.
Des animations publicitaires ont pris le relais en 2009 et
2010, d’abord pour la marque Sonia Rykiel à Croix-Rouge
et à Saint-Martin (Noël 2009) puis, début 2010, pour une
campagne pour le Qashqai de Nissan, avec de véritables
automobiles exposées. Enfin, l’ancien terminus Porte-
Maillot, après avoir servi de salon de réception pendant
quelques années à partir de 1993, a repris du service pour
héberger un poste d’entretien du matériel roulant, dans le
cadre de l’automatisation intégrale de la ligne 1.
Sur la ligne 5, la courte antenne vers le terminus d’origine
de Gare-du-Nord, abandonnée en 1942 au profit du pro-
longement vers Pantin, sert à la formation du personnel, les
futurs conducteurs disposant d’environ 2 km de voies hors
exploitation.
Ph.-E. Attal. et J. Pepinster
L’accès côté
République
de la station
Saint-Martin est
désormais l’Espace
solidarité insertion,
géré par l’Armée
du salut.
L’ancien terminus
de la ligne 5
à Gare-du-Nord
est devenu
l’un des centres
de formation
des conducteurs.
Photos Ph.-E. Attal
correspondante), prend naturelle-
ment cette position dominante. Le
trafic explose, et ses services subsis-
tent (avec les restrictions déjà évo-
quées), favorisés par son exploitation
utilisant une énergie dite « natio-
nale », l’électricité. La STCRP, défici-
taire, peut difficilement faire face à
la prédominance du métro avec son
réseau réduit à une quarantaine de
lignes d’autobus et ses difficultés
d’approvisionnement en carburant
et en pneumatiques. Devant l’immi-
nence de son absorption, elle négo-
cie directement avec la CMP le trans-
fert de ses effectifs et de ses
responsables, plutôt que par l’inter-
médiaire des autorités.
Cette prépondérance du métro
n’avait pourtant pas été prévue par la
loi, qui entendait instituer une nou-
velle société exploitante où les an-
ciennes collectivités et compagnies
auraient été représentées propor-
tionnellement à leurs apports. Le
nouvel ensemble ainsi constitué ré-
pond néanmoins parfaitement au
besoin d’unification des transports,
écartant du même coup le recours à
la régie directe de l’État ou de la mu-
nicipalité. Pratiquement, la culture
d’entreprise persistera dans chacun
des réseaux, qui ne fusionneront réel-
lement qu’au fil des années, notam-
ment après la constitution de la RATP,
en 1949. Le siège de la CMP restera
quai de la Rapée tandis que le réseau
de surface sera exploité
par une direction depuis
l’ancien siège de la STCRP,
quai des Grands-Augustins
(dont le bâtiment sera re-
tenu, en 1949, pour le siège
de la RATP).
Des mesures visant à pour-
suivre la complémentarité des
transports sont mises en
place. La plus essentielle est
l’unification tarifaire, instaurée
dans la foulée de la fusion des
réseaux. Le 4 août 1941, le Co-
mité des transports parisiens ins-
taure le module « U », correspon-
dant à une section d’autobus sur la
base d’une distance de 1,230 km. Il
s’applique au métro et au réseau de
surface. Cette nouvelle tarification
permet un calcul par sectionnements
sur la base d’une unité de référence,
le «U», et sa multiplication selon la
distance. Le billet de métro corres-
pond à 2 «U» en 2
classe, à 3
«U» en 1
. La carte hebdomadaire
équivaut à 16 «U».Le prix de base
du module U est fixé à 0,65 franc,
maintenu à ce tarif durant toute la
guerre.
La volonté affichée des autorités de
favoriser le métro va se traduire par la
poursuite de son extension. La fré-
quentation record de ces années de
guerre, liée à la quasi-disparition des
circulations routières, plaide en faveur
de la poursuite des prolongements
en banlieue. À la veille du déclen-
chement des hostilités, quatre sec-
tions étaient en chantier, certaines
déjà bien avancées:

la 5 de Gare-du-Nord à Porte et
Église-de-Pantin;

la 7 de Porte-d’Ivry à Mairie-
d’Ivry;

la 8 de Porte-de-Charenton à
Charenton-Écoles;

la 13 de Porte-de-Saint-Ouen à
Saint-Denis-Carrefour-Pleyel.
Guerre de 1939-1945
[ les transports parisiens
14-
Historail
Juillet 2010
Coll. J.Pepinster
Le plan de l’abri
de la station Temple
sert au personnel
d’encadrement de
la Défense passive
(devenu après-
guerre la Sécurité
civile) pour gérer
les foules.
Coll. J. Pepinster
Un guide en
allemand pour
un nouveau genre
de touristes!
Et un guide en
anglais publié
à l’intention
des libérateurs.
Juillet 2010
Historail
Malgré les difficultés de l’époque et
le manque de matériaux, les chan-
tiers vont se poursuivre, et c’est en
1942 que sont ouvertes les nouvelles
sections des lignes 5 et 8. Sur la 5,
le prolongement entraîne l’abandon
d’un court tronçon terminal condui-
sant au terminus d’origine de Gare-
du-Nord, au profit d’un itinéraire à
l’est comprenant une nouvelle sta-
tion. L’allongement considérable de
la ligne vers Église-de-Pantin conduit
également à appliquer une réorga-
nisation (prévue à l’origine du réseau)
des lignes 5 et 6 à hauteur de Place-
d’Italie. La 5 abandonne au profit de
la 6 le parcours Étoile – Place-d’Italie,
créant ainsi une circulaire sud d’Étoile
à Nation à l’instar de la circulaire
nord Nation – Porte-Dauphine. Cette
exploitation avait d’ailleurs été déjà
mise en place en 1931 le temps de
l’Exposition coloniale, avec un retour
au système antérieur au terme de
cette manifestation. Le nouveau ser-
vice des lignes 5 et 6 entre en
vigueur le 6 octobre 1942.
La ligne 8 était déjà largement en
chantier au moment du déclenche-
ment des hostilités. L’essentiel de
l’infrastructure était achevé en 1940.
Situées sur la commune de Charen-
ton, les deux nouvelles stations
seront ouvertes le 5 octobre 1942.
Paradoxe de ces années d’occupa-
tion, la station intermédiaire s’appelle
« Liberté »! Selon le principe de
la complémentarité désormais en
vigueur, les services de bus qui
partaient des anciens terminus
sont reportés à Porte-de-Pantin
et à Église-de-Pantin, ainsi qu’à
Charenton-Écoles.
Bien que quasiment terminés en
1939, les travaux de la ligne 7 ne per-
mettent pas une ouverture durant la
guerre. Les deux nouvelles stations,
Pierre-Curie et Mairie-d’Ivry, ne se-
ront mises en service qu’en 1946, le
chantier reprenant dès la Libération.
Pour la ligne 13, les travaux vers Car-
refour-Pleyel sont suspendus durant
les hostilités. Commencés en 1941,
ils vont progresser rapidement avant
d’être finalement interrompus en
1943. C’est finalement en 1948 que
sera achevée l’infrastructure et en
1952 que sera inauguré le prolon-
gement. Néanmoins, cette période
verra le début des études pour le ma-
tériel destiné à la future ligne 13 pro-
longée, aucun matériel roulant
n’ayant été construit depuis 1936.
Le principe de base de ce nouveau
matériel est de tenir compte au
mieux des conditions d’exploitation
et de s’adapter au trafic. Sa compo-
sition en un ou deux modules de
trois caisses articulées doit permet-
tre de rallonger les rames selon
les heures ou les sections de ligne
exploitées, pour celles qui sont do-
tées de fourches. Un attelage auto-
matique Scharfenberg, facilitant les
couplages et les découplages, assure
cette modularité. La commande
est passée en 1948, et la première
rame livrée en septembre1951.
Le matériel articulé entrera finale-
ment en service sur la ligne 13 en
février1952, peu avant le prolonge-
ment vers Pleyel.
Durant la période de 1942 à la Libé-
ration, le métro va faire face à des
fréquentations records, tandis que
les autobus, maintenus sur environ
40 lignes, assurent l’essentiel d’un
service de rabattement. Le nombre
de voyageurs transportés atteint
1 milliard en 1941. Cette progres-
sion va se poursuivre de façon régu-
lière jusqu’à la fin de la guerre, pour
atteindre plus d’un milliard et demi
en 1945 – les vitres cèdent parfois
sous la pression des voyageurs, on
les remplace par du contreplaqué…
Jusqu’alors, le record était de
929000 voyageurs pour l’année
1931, celle de l’Exposition coloniale.
Politiquement, la CMP est une insti-
tution privée en charge d’un service
public très encadré par l’État; elle est
durant la Seconde Guerre mondiale ]
Coll. RATP
Les bombardements
de Massy-Palaiseau
de juin 1944
ont touché, à deux
reprises à quelques
nuits d’intervalle, ces
deux automotrices Z
quasi-neuves qui
seront définitivement
radiées.
Guerre de 1939-1945
[ les transports parisiens
amenée à contribuer à l’effort de
guerre allemand. Des facilités sont
données à l’occupant, comme la pos-
sibilité pour les gradés allemands de
voyager en 1re classe de façon à
ne pas se mêler aux foules françaises
de 2de, et ce pour un tarif unique
de 2 francs, quelle que soit la classe
empruntée. Dans le cadre de l’appli-
cation des lois raciales, les juifs
doivent monter dans la dernière
voiture. Ce sont encore des autobus
réquisitionnés de la CMP, une
cinquantaine, qui serviront pour
la rafle du Vél’d’Hiv (juillet 1942).
Au sein même de l’entreprise, la
chasse aux communistes et aux
opposants est organisée. La délation
est encouragée, tandis qu’une milice
est mise en place pour traquer
les éléments opposés au régime.
Certaines installations vont directe-
ment être utilisées par l’occupant,
comme l’atelier central de Cham-
pionnet (autobus), modifié en usine
de matériel militaire, le personnel de
la CMP étant employé à cette pro-
duction. La ligne 11 du métro,
construite à plus grande profondeur
de Belleville aux Lilas, est fermée le
12 mai 1944 et transformée en usine
à l’abri des bombardements (ces ins-
tallations auront, du reste, à peine le
temps de fonctionner). En juin 1944,
ce sont encore des autobus de
la CMP qui partent pour le front
de Normandie au service de l’armée
allemande.
Mais la résistance parisienne est éga-
lement née dans le métro. C’est sur
le quai de la station Barbès-Roche-
chouart, sur la ligne 4 en direction
de Porte-d’Orléans, que le jeune
communiste de 21 ans Pierre
Georges, futur colonel Fabien, abat-
tra un assistant d’intendance de la
marine allemande, Alphonse Moser,
le 21 août 1941. Cet attentat va
marquer le début de la résistance
parisienne, et d’autres actions
(sabotages du matériel roulant le ren-
dant inapte au transport) suivront
jusqu’à la grève insurrectionnelle
d’août 1944, où le service du métro
est totalement interrompu. Ces
perturbations visent à entraver
le fonctionnement administratif de
l’occupant. Utilisés par la résistance,
les tunnels du réseau servent pour
se déplacer discrètement dans une
capitale sous surveillance. Et c’est en-
core par un accès direct oublié
par l’occupant que les forces insur-
rectionnelles retranchées dans la
préfecture de police évacueront le
bâtiment avant l’assaut de l’armée
allemande. Les actions de résistance
concerneront tous les niveaux de
l’entreprise, certains responsables
impliqués devant jouer un double jeu
particulièrement délicat.
Au-delà de ces actions, Paris va se
retrouver directement au cœur du
conflit mondial. Alors que les armées
alliées progressent sur le front euro-
péen dans la péninsule italienne,
la capitale va subir le feu des bom-
bardements. En avril 1943, les usines
Renault sont prises pour cible.
Des bombes vont tomber sur le mé-
tro à hauteur des stations Billancourt
et Pont-de-Sèvres. En septembre,
c’est la station Balard, l’atelier de
Vaugirard de la ligne 12 ou encore
la voie Murat (qui raccorde les lignes
9 et 10 du côté de la porte de Saint-
Cloud) qui sont endommagés.
Avec l’imminence du débarquement,
les bombardements vont s’intensifier
sur des objectifs allemands. L’un des
plus importants va se produire sur le
nord de la capitale les 20 et 21 avril
1944. Visant la gare de triage de La
Chapelle et l’atelier de Champion-
net de la CMP, les bombardements
vont sérieusement endommager
l’atelier de Saint-Ouen (raccordé à la
ligne 4), où plusieurs voitures sont
détruites. La voûte de la station
Simplon est également percée, et les
accès de Porte-de-la-Chapelle consi-
dérablement abîmés.
Sur la ligne de Sceaux, gérée par la
CMP, la guerre va avoir de graves
conséquences sur l’exploitation. Le
3 novembre 1941, par souci d’éco-
nomie d’énergie, la vitesse des trains
est ramenée de 80 à 60 km/h. Dans
le même temps, les chiffres de fré-
quentation explosent: 22 millions de
voyageurs en 1940, 44 millions en
1942, près de 47 millions en 1943.
Dès 1942, 15 nouvelles motrices de
type Z sont commandées. Dans ce
contexte de guerre, elles ne seront
livrées qu’en 1947. Entre le 2 et le
15 juin 1944, plusieurs bombarde-
ments contraignent à interrompre
16-
Historail
Juillet 2010
Les bombardements
de l’époque
n’étaient pas encore
des «frappes
chirurgicales»!
Visant les usines
Renault en
septembre1943,
ce bombardement
a donné lieu
a des dégâts
collatéraux éloignés:
ici la station Balard
détruite.
Coll. S. Laferrière
Juillet 2010
Historail
toute circulation dans le secteur de
Massy. Le 2 juin, les emprises de
la gare sont détruites, laissant seul
debout le bâtiment voyageurs; deux
automotrices Z sont fortement
endommagées (elles seront radiées).
Le 15 juin, les trains ne circulent plus
entre Antony et Saint-Rémy-lès-
Chevreuse. Le service ne sera rétabli
que début juillet entre Antony et
Massy-Verrières. Le 16 août, une
grève insurrectionnelle interrompt le
trafic alors que les Alliés se rappro-
chent de Paris. Il ne reprendra que
progressivement après la libération
de la ville, de Luxembourg à Antony
dans un premier temps (à compter
septembre). Le 4 octobre,
la ligne est rétablie jusqu’à Massy-
Verrières et seulement à voie unique
au-delà, jusqu’à Lozère. Il faudra
attendre le 30 octobre pour un
retour à la normale.
Le métro va lui aussi connaître des
moments difficiles dans les derniers
moments de la guerre. Le 4 juillet
1944, alors que les Alliés ont débar-
qué en Normandie depuis près d’un
mois, ce sont les lignes 10 et 14,
d’importance moindre, qui sont
totalement interrompues. Plus de
trains non plus sur la 6 entre Nation
et Italie et sur la 8 entre Opéra et
Reuilly-Diderot. Les restrictions vont
également conduire à une réduction
importante de l’amplitude du service.
Le 23 juillet, le métro cesse de
fonctionner le dimanche. À partir
du 7 août, il n’est exploité que de
6 heures à 11 heures, puis de
15 heures à 22 heures en semaine,
ainsi que le samedi matin. Cette
exploitation est provisoire puisqu’une
grève insurrectionnelle met fin à tout
trafic le 12 août. Le métro va ensuite
servir à la Résistance pour mettre en
place des liaisons dans Paris avec
les postes de commandement éta-
blis à la préfecture de police et
à Denfert-Rochereau.
Après la libération de Paris, la pénu-
rie de charbon nécessaire à la pro-
duction d’électricité ne permet pas
une reprise immédiate. Le 11 sep-
tembre, le service est rétabli avec les
mêmes restrictions qu’avant son in-
terruption. En octobre, l’exploitation
reprend progressivement sur l’en-
semble des lignes. Seule la 11 attend
jusqu’au 5 mars 1945 sa réouverture
après remise en état.
Cette période de difficile redémar-
rage va coïncider pour le métro avec
la poursuite des records de fréquen-
tation. Ce sont 1 milliard 508 mil-
lions de personnes qui sont trans-
portées en 1945, et près de 1 milliard
600 millions en 1946. Le métro, qui
a souffert de la guerre, doit assurer le
service avec des installations et du
matériel fortement éprouvés. Les
priorités d’investissement sont réser-
vées à la reconstruction. Le métro at-
tendra. Durant ces années difficiles, il
doit assurer seul son financement
alors que les réévaluations des tarifs
restent plafonnées. Le déficit se
creuse tandis que les besoins de mo-
dernisation sont énormes. Le module
«U» passe néanmoins à 1 franc en
1945, à 5 francs en 1948.
Mais la préoccupation des pouvoirs
publics est ailleurs. Le métro doit
avant tout rendre des comptes, son
administration ayant été trop com-
plaisante vis-à-vis de l’ennemi. À la
différence d’autres entreprises ré-
quisitionnées, il lui est reproché
d’avoir volontairement collaboré.
C’est dans ces conditions que, à
compter du 1er janvier 1945, la CMP
perd sa concession sur les transports
parisiens, désormais confiés à une
administration provisoire; les anciens
dirigeants sont démis.
Commence alors une période d’in-
certitude et de sous-investissements
jusqu’à ce que l’État, selon les
options économiques retenues à
l’époque, reprenne la main à la fin
des années 1940. C’est par la loi du
21 mars 1948 qu’est créée une nou-
velle entreprise en charge des trans-
ports, la RATP (Régie autonome des
transports parisiens).
Philippe-Enrico ATTAL
(Avec la contribution
de Julian PEPINSTER)
durant la Seconde Guerre mondiale ]
Bibliographie
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volontaire
. Comité régie
d’entreprise de la RATP, 2005.
• Alain Clavel,
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RATP, 2006.
• Dominique Larroque, Michel
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XIX
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Paris,
Éditions Recherches, 2002.
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1906-2006.Un siècle au service
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Une histoire, un avenir.
Paris, Éditions LBM, 2007.
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Comité régie
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Un siècle
de métro en 14 lignes.
De Bienvenüe à Météor
. Paris,
La Vie du Rail
Métro-Cité. Le Chemin de fer
métropolitain à la conquête
de Paris,1871-1945
(catalogue d’exposition). Paris,
Paris-Musées, 1997.
Une série modeste
mais prometteuse
Pour les besoins de sa ligne de
Maurienne, qui vient d’être électri-
fiée entre 1925 et 1929 par troi-
sième rail conducteur alimenté en
1,5 kV continu, avec caténaire dans
les gares extrêmes, intermédiaires et
de bifurcation, la Compagnie du
PLM souhaite se doter de locomo-
tives équipées à la fois de frotteurs et
de pantographes.
Pour le parc de vitesse, elle acquiert
d’abord quatre machines prototypes,
trois du type 242 et une 161. Tous ces
engins sont différents en ce qui
concerne l’équipement électrique, la
mécanique, les dimensions et la puis-
sance. Si la 242 CE 1 est rapidement
éliminée, les trois autres – 242 AE 1,
BE 1 (bridées à 110 km/h) et 161 AE 1
(bridée à 100 km/h) –, en dépit de leurs
gros péchés de jeunesse, vont entamer
une longue et difficile carrière sur cette
ligne de 100 km qui comporte des
rampes de 30 ‰ pour atteindre la gare
frontière franco-italienne de Modane.
Pour assurer l’ensemble du trafic local
et international, le PLM passe une
commande de 30 machines limitées
à 80 km/h selon le modèle 161, à
vocation marchandises, et de quatre
machines du type 262 pour le trafic
18-
Historail
Juillet 2010
La 2CC2 3402,
une rescapée de la Maurienne
Dans le cadre d’une petite série destinée au trafic rapides et express
sur la ligne de Maurienne à la fin des années 20, la 262 AE 2, future
2CC2 3402,sera affectée au dépôt de Chambéry. Elle et ses consœurs
assureront de nombreux rapides et express sur l’axe Chambéry – Modane,
avant de voir leur zone d’action élargie. Son activité commerciale cessera
en 1974. Et après 35 ans d’oubli, la 2CC2 3402, remise en état grâce
à l’APMFS, va retrouver la rotonde de Chambéry.
Une machine,une histoire
Une visite inédite…
La 2CC2 3402
restaurée est
exposée à
Saint-Gervais-
Le Fayet
(15août 2008).
Elle avait été rayée
des effectifs le
6décembre 1974.
Dessin S. Lucas
R. Viellard
Juillet 2010
Historail
La 3401
à Saint-Michel-
de-Maurienne
(19juin 1967).
Les qualités
techniques
du quatuor de 2CC2
ne cesseront
d’étonner plusieurs
années après
sa mise en service.
rapides et express. Ces dernières,
véritables monstres de 23,80 m, d’une
masse totale de 159 t, d’une masse
adhérente de 107 t, sont construites
par les sociétés Oerlikon et Batignolles.
Dérivées du prototype 242 BE 1 (celui-
ci a donné les meilleurs résultats), mais
ne développant que 2 530 ch, elles
présentent une caisse unique, sorte
de boîte à l’américaine constituée par
une poutre caissonnée très résistante,
reposant au moyen de deux pivots
sphériques convexes sur deux trucks;
chacun des trucks comporte trois
essieux moteurs encadrés par deux
bogies d’extrémité. Les six moteurs
doubles, donc 12 induits, développant
ensemble 5 340 ch, ne fonctionnent
toutefois pas en récupération. Reste
que c’est l’une des plus puissantes
locomotives d’Europe pour l’époque.
Les quatre machines sont désignées
d’origine 262 AE 1-4. La 262 AE 2,
autorisée à 130 km/h, est mise en
service le 16 juillet 1929 au dépôt de
Chambéry, comme ses trois sœurs et
les autres machines Maurienne. Lors
d’essais intensifs, elle a montré sa
supériorité par rapport aux prototypes.
Sur la partie facile jusqu’à Saint-Jean-
de-Maurienne, où les rampes n’excè-
dent pas 15 ‰, elle était à même de
remorquer 800 t à 90 de moyenne.
Au-delà, la charge était ramenée à
350 t dans les rampes de 30 ‰, mais
la charge passait à 600 t à la descente.
La partie en altitude de l’axe Cham-
béry – Modane connaissant un fort
enneigement hivernal, sa ronde a
débuté véritablement en 1930, avec
la traction des rapides et express
Paris et Lyon – Italie, dont le prestigieux
Rome-Express,
et des omnibus Cham-
béry – Modane. Un renfort en tête
était bien entendu nécessaire de Saint-
Jean à Modane, avec une des machines
des catégories 161 AE, BE, CE et DE.
À compter de février 1936, le PLM
prolonge la traction électrique sur le
parcours amont de 36 km séparant
Culoz de Chambéry. Du coup, les
grosses 262 AE prennent le relais de
la vapeur à Culoz et circulent en
bordure du lac du Bourget.
Durant le conflit de 1939-1945, qui
voit le trafic voyageurs international
avec l’Italie momentanément suspendu
puis réduit, la 262 AE 1 et ses trois
sœurs assurent par la force des choses
des trains militaires pour l’occupant et
des convois de marchandises.
Un service intense
sur une zone limitée
La reprise du trafic n’intervient que le
14 septembre 1945 sur l’ensemble du
trajet Chambéry – Modane. La 262
AE 2 et ses consœurs reprennent
ainsi, depuis Culoz, la traction des
grands trains internationaux, notam-
ment les rapides nocturnes 7/8 Paris –
Rome, 607/608 et ceux de jour
609/610 et 639/640. Elles emmènent
également des trains de messageries
et des voyageurs omnibus locaux.
En 1950, selon un plan de renumé-
rotation général des locomotives
électriques, la SNCF rebaptise en
2CC2 3401-3404 les quatre 262 AE.
La réalisation de l’électrification de
l’étoile d’Ambérieu s’inscrit comme la
suite logique du grand projet Paris –
Lyon, avec pour première étape la
mise sous tension de Lyon – Culoz
le 22 septembre 1953. Cela va
conduire à élargir la zone d’action des
machines Maurienne, jusque-là confi-
nées au seul parcours savoyard de
Culoz à Modane. Dès lors, la 3402,
comme les trois autres, pousse
jusqu’au raccordement d’Ambérieu
avec les rapides 609/610, ainsi qu’à
Lyon-Guillotière et Chasse-sur-Rhône
avec des convois du régime accéléré.
Mais cette extension du domaine élec-
trifié sous 1,5 kV a un effet pervers,
car maintenant les modernes
CC 7100, 2D2 9100 et BB 8100
poussent leurs pions à Chambéry.
Le 14 mai 1954, afin d’expérimenter
le comportement de la transmission
Alsthom montée à la place de la
transmission Oerlikon d’origine, la
3401 sort résolument de son domaine
alpin pour assurer un messageries de
Lyon à Juvisy. Le lendemain, elle est
mise en tête du rapide 609, chargée à
803 t et tracée à 130, avec marche
7100, qu’elle enlève brillamment de
Paris et Dijon, se payant le luxe, après
un arrêt pour problème de frein à la
sortie du tunnel de Pacy, de passer
Nuits-sous-Ravières à 130 et le seuil
de Blaisy à 105. Elle continue son
escapade au crochet de l’express YD
à arrêts fréquents de Dijon à Lyon-
Perrache. Les qualités du quatuor de
2CC2 ne manquent pas d’étonner
30ans après sa sortie d’usine!
Les échanges franco-italiens par le
point frontière de Modane progres-
sent fortement après le traité de
Rome, d’où le renforcement du parc
de traction à troisième rail. La
CC 7138, de 5 030 ch, est équipée en
conséquence de frotteurs et sera la
première intruse à prendre racine à
Chambéry et à s’infiltrer sur l’artère de
Maurienne. Elle est engagée dans le
roulement voyageurs/messageries des
2 CC2. Avec elles, elle monte certains
jours à Modane en double traction
depuis Saint-Jean. Elle sera suivie par
les 7135 en 1963, 7124 en 1964,
7128, 7133, 7140 en 1969, d’où une
baisse de l’activité pour les quatre
262 AE.
En 1972, l’augmentation du lot des
CC 7100 à frotteurs, associée à la
livraison des CC 6500 vertes, signe le
glas pour la cavalerie très spéciale des
M. Lavertu
La 2CC2 3402
restaurée
stationne dans
la rotonde
de Chambéry,
classée monument
historique
(12 mai 2007).
engins Maurienne, qui ne tournent
plus à l’ouest de Chambéry. La 3401
est la première à tomber en répara-
tion différée en début d’année;
diverses pièces sont prélevées pour
maintenir à flot les 3402-3404. Cette
dernière est arrêtée début 1973, alors
que la 3403 est garée; quant à la
3402, elle est utilisée sporadiquement
dans l’année. Après 44 ans de bons
et loyaux services, les 3401, 3403,
3404 disparaissent des inventaires le
20 novembre, avec chacune quelque
3 800 000 km au compteur, suivies
de la 3402, qui a bénéficié, elle, d’un
petit sursis. Mais elle sera rayée des
effectifs le 6 décembre 1974.
Son parcours total depuis construc-
tion s’élevait alors à 4 134 537 km,
chiffre plus qu’honorable quand on
considère le domaine d’activité long-
temps resté très restreint, avec seule-
ment 136 km de Culoz à Modane!
Un retour en beauté
Plus de trois décennies ont passé. Nous
sommes en 2009. Les Journées du
patrimoine battent leur plein. En cet
après-midi du 19 septembre, c’est
l’apothéose pour tous les membres de
l’Association pour la préservation du
matériel ferroviaire savoyard (APMFS).
La 2CC2 3402 est entrée en gare de
Chambéry par ses propres moyens.
35 ans que cette machine n’était pas
ainsi revenue dans la gare savoyarde!
C’est la récompense de plusieurs
années d’un travail acharné mené par
une poignée de passionnés.
L’histoire de cette locomotive, on l’a
vu, a été particulière. Elle devait figu-
rer au musée du Chemin de fer à
Mulhouse. Mais, entre-temps, elle va
sombrer dans l’oubli tandis qu’elle sta-
tionne dans plusieurs lieux éloignés
de ses terres alpines. D’abord au dépôt
de Clermont-Ferrand sous l’une des
deux rotondes, durant une petite
dizaine d’années. Avec l’une de ses
consœurs savoyardes, la CC 20001,
elle est transférée au dépôt de Mont-
luçon, quand leurs abris initiaux sont
détruits. La 20001 quitte les lieux en
1999 pour rejoindre Sotteville. 18 an-
nées s’écoulent pour la 2CC2. Un
contrat est alors passé avec la SNCF.
Celui-ci stipule qu’une association
devra être créée pour la remettre en
état. C’est ainsi que naît l’APMFS.
Dans cette perspective, elle quitte
définitivement la gare de Montluçon
très tôt dans la matinée du 20 janvier
2002. Elle est accompagnée des 67238
et 67364 et d’une B5D UIC. 402 kilo-
mètres plus loin et 24 heures plus tard,
la 2CC2 3402 arrive à Chambéry. Elle
y retrouve sa rotonde après une tren-
taine d’années d’absence…
Le 11 mai 2002, elle s’offre un pre-
mier bain de foule lors de sa pré-
sentation au public. Il s’ensuit une
longue période de restauration, qui
débute le 6 novembre 2004. La
machine rejoint les ateliers d’Oullins.
Au programme: grenaillage, pon-
çage, peinture antirouille, calfeu-
trage des fissures et peinture défini-
tive. Ces travaux d’envergure sont
effectués grâce au soutien financier
du conseil général de Savoie, de la
municipalité de Chambéry, de la
direction régionale des affaires cul-
turelles et de l’Union européenne
(Interreg). Elle est présentée en premier
lieu aux membres de l’association le
2 avril 2005, au dépôt SNCF de
Chambéry, lors de l’assemblée géné-
rale. Elle crée l’effervescence lors des
Journées du patrimoine au mois de
septembre suivant.
Reste alors une longue série de
contrôles et de nettoyages des appa-
reillages électriques, ce qui nécessite
de refaire certains éléments. À titre
d’essai, elle est remise sous tension le
18 novembre 2006. Le 19 septembre
2009, avec l’autorisation du service
communication de la région Rhône-
Alpes, elle est autorisée à évoluer
seule sur une voie de la gare de
Chambéry, avec à proximité, en cas
de problème, la BB 25236 (encore en
service à la SNCF, elle est destinée à
être préservée). La 2CC2 3402 fête à
ce moment ses 80 bougies. Et pour
cet anniversaire, elle a rejoint au dépôt
des engins prestigieux qui témoignent
de l’évolution du rail en Maurienne,
comme les CC 20001, CC 6549 (der-
nière acquisition de l’association).
Précisons que le matériel est entre-
tenu dans un dépôt SNCF dont
l’accès, par sécurité, reste interdit.
Néanmoins, les locomotives sont très
souvent présentées au public lors de
diverses manifestations. Depuis son
retour, la 2CC2 s’est rendue à Ambé-
rieu (2006), à Annecy et à Modane
(2007), à Saint-Gervais et à Belle-
garde (2008), à Saint-Michel-de-
Maurienne (2009). Sans compter
chaque année une démonstration en
septembre!
Bernard COLLARDEY
et Sylvain LUCAS
APMFS 136, rue Auguste-Renoir
73290 La Motte-Servolex
svp@apmfs.fr
Une machine,une histoire
[ la 2CC2 3402 ]
20-
Historail
Juillet 2010
P. Julien
Louis-Léger
Vauthier:
dès 1872, un projet
de métropolitain
pour Paris
Utopie
E
ntre1840 et1846, jeune poly-
technicien et ingénieur des
Ponts, Louis-Léger Vauthier (1815-
1901) fit un séjour au Brésil, chargé
officiellement à Recife de travaux
d’urbanisme: assainissement, amé-
nagement portuaire, bâtiments
publics. De son œuvre, Recife
conservera l’empreinte urbaine
indélébile et la reconnaissance intel-
lectuelle (1). De retour en France,
fouriériste, républicain engagé,
Vauthier sera élu dans le départe-
ment « rouge » du Cher en 1848;
compromis en juin1849, il est
emprisonné. Libéré en 1854, il va
occuper à l’étranger deux postes
successifs d’ingénieur à haute
responsabilité: ingénieur en chef de
la Société de canalisation de l’Èbre,
une affaire franco-espagnole fondée
par les frères Pereire en 1852;
en 1859, il est l’ingénieur en chef de
la Compagnie ferroviaire franco-
suisse de la ligne de la haute Italie
par le Simplon. Créée en 1853, cette
entreprise se propose d’établir une
voie ferrée qui, remontant la haute
vallée du Rhône depuis le lac Léman,
atteindrait le lac Majeur en Italie
le franchissement souterrain des
Alpes au niveau du Simplon.
Vauthier inaugure les deux premiers
tronçons occidentaux de la ligne, du
Bouveret (sur les rives du lac Léman)
à Martigny, en 1859, puis de
Martigny à Sion, en 1860, tout en
étudiant le meilleur tracé sous le
Simplon. En réduisant la distance
qui relie par rail Paris à Milan par le
tunnel franco-italien du Mont-Cenis,
entrepris en 1857 et ouvert en
1871, le tunnel du Simplon consti-
tuera à l’évidence un atout géostra-
tégique pour la France.
Mais suite à l’affairisme du prési-
dent français de la compagnie et de
Après la chute du Second Empire, cet ingénieur des Ponts
de sensibilité fouriériste a présenté en pionnier un projet
de métro visant à relier au centre les quartiers périphériques
populaires de la capitale. Une proposition pas si éloignée
de celle qui sera finalement retenue lors de la construction
du réseau métropolitain.
22-
Historail
Juillet 2010
Vauthier publiera en vain plusieurs plaidoyers en
faveur d’un long tunnel de base au Simplon. Hélas,
ce sera un tunnel de faîte qui sera entrepris.
Juillet 2010
Historail
sa prise de contrôle par une majorité
d’administrateurs suisses, Vauthier
doit abandonner son poste.
Conscient que l’entreprise du per-
cement du tunnel suisse du Saint-
Gothard, décidée en 1871, facilitera
les intérêts commerciaux allemands
au détriment des intérêts français,
Vauthier, en connaissance de cause,
à deux reprises en 1874 (2) puis
en 1881 (3), mais toujours en vain,
publie de vifs plaidoyers et argu-
mentaires techniques, commerciaux
et stratégiques, en faveur d’un long
tunnel de base. Hélas, ce sera un
tunnel de faîte qui sera bien entre-
pris, et très tardivement, après de
multiples péripéties: le tunnel du
Simplon ne sera ouvert qu’en 1906,
25 ans après le Saint-Gothard…
Après la chute de Napoléon III, Vau-
thier, élu de fraîche date conseiller
municipal du quartier de la Goutte-
d’Or, dans le XVIII
arrondissement,
va proposer en pionnier un chemin
de fer métropolitain pour relier les
arrondissements excentrés de la
capitale, où la politique haussman-
nienne a refoulé ses populations
industrieuses. Dans une brochure
parue en mars1872, il présente un
projet de chemin de fer métropoli-
tain (4), trouvant même sans doute
un auxiliaire, voire un prête-nom,
un certain Théodore Tubinni, pour
demander au préfet de la Seine la
concession de ce chemin de fer
d’intérêt local (5).
La vocation sociale de ce réseau est
bien affirmée, qui entend réparer en
somme le refoulement de la popu-
lation laborieuse sur ce chapelet de
communes entourant Paris et qui lui
seront annexées en 1860: « Depuis
vingt ans, les grands travaux de Paris
ont eu pour but de dégager le centre
et de refouler la population vers la
périphérie. Cette pensée était-elle
bonne ou mauvaise? Nous n’avons
pas à l’examiner ici. […] Dans la zone
excentrique, se sont créés sur
quelques points, développés sur
d’autres, des quartiers populeux et
industriels qui forment comme des
villes distinctes dans une même en-
ceinte. […] Il faut aider au déve-
loppement de la vie dans cette zone
intéressante, et pour cela mettre les
moyens de locomotion économique
et rapide à la portée de la popula-
tion industrieuse et active qu’on y a
refoulée. Ce sera là certainement l’un
des bienfaits principaux de notre
projet. » Il souligne combien l’empire a
négligé le recours au chemin de fer:
« Dans le colossal et ruineux rema-
niement de nos grandes voies pu-
bliques, l’empire a procédé comme
si la locomotion à vapeur n’était pas
inventée; et c’est aujourd’hui seule-
ment que, sous la pression de l’ini-
tiative privée et de l’opinion publique,
on cherche à réparer l’oubli volontaire
ou involontaire qui a été commis. »
D’où aussi le retard de Paris par rap-
port à Londres en matière de chemin
de fer métropolitain.
Vauthier trace donc son chemin de
fer dans « deux vallées facilement
praticables dans le dédale serré des
constructions »: d’une part, les quais
de la Seine, où « un railway peut,
avec toute facilité, développer ses
alignements et ses courbes »; de
l’autre, la « magnifique ceinture »
des anciens boulevards extérieurs (6),
« qui semblent créés tout exprès
pour marquer l’assiette d’une grande
voie ferrée enveloppant l’ancien
Paris ». Soit une ceinture et une ligne
diamétrale, reliées par deux stations
d’embranchement, Passy à l’ouest,
Bercy à l’est.
Ainsi 23 stations, dont huit en tran-
chée, une en tunnel et 14 en viaduc,
s’égrènent sur la ligne de ceinture de
22km. Neuf autres stations jalon-
nent sur 8km les quais de la Seine,
toutes en viaduc, avec un espace-
ment moyen de 1km. S’il manque
Mode de traction:
système atmosphérique
ou locomotive?
« Parmi les systèmes connus et pratiqués, deux seuls se présentent à
l’esprit: le système atmosphérique et la locomotive.
« Le premier serait ici dans ses conditions d’application les plus ration-
nelles. Les trains se succéderont nécessairement à de très courts inter-
valles. C’est une circonstance indispensable pour que les frais de ce mode
de traction ne dépassent pas beaucoup ceux que la locomotive occasionne.
Avec six machines fixes pour la ligne des boulevards, trois pour la ligne des
quais, le service serait assuré pour des trains se succédant à 10 minutes
d’intervalle. Avec ce système, il n’y a à craindre ni déraillement ni
rencontre de trains cheminant dans le même sens, et tous les inconvé-
nients naissant de la fumée des locomotives disparaissent complètement.
Il est donc possible que l’étude attentive de la question détermine le choix
en sa faveur. Nous n’y verrions pas d’autre objection sérieuse que celle
de la dépense, si la balance penchait contre lui.
« Toutefois ce n’est pas sur ce système que nous avons spéculé, et nous
avons pensé que, sur des voies publiques aussi largement ouvertes que
le sont les quais et les boulevards extérieurs, l’emploi de la locomotive,
surtout en l’alimentant avec du coke, ne peut soulever d’objections.
Nous nous sommes dit qu’à Londres, pour le Metropolitan Railway, dans
une circonstance où le système atmosphérique était encore bien plus
nettement indiqué que dans notre cas, le bon sens britannique n’y a pas
eu recours. Nous avons cru pouvoir suivre avec confiance cette trace. C’est
donc à la locomotive que nous avons confié la traction de nos trains. »
Utopie
[ Louis-Léger Vauthier: dès 1872,
24-
Historail
Juillet 2010
Juillet 2010
Historail
un projet de métropolitain pour Paris ]
Dans sa demande de concession, Théodore Tubinni rajouta
au réseau projeté par Vauthier quelques lignes supplémen-
taires
(voir carte ci-contre)
Paris, le 8 avril 1872
À Monsieur le Préfet de la Seine
Monsieur le Préfet,
Je viens vous demander, conformément à la loi du 12 juillet,
la concession des chemins de fer intérieurs projetés par
M. Vauthier, suivant les anciens boulevards extérieurs
et le quai rive droite de la Seine, lesdits chemins présentant
un développement approximatif de 30 kilomètres.
Je demande cette concession sans subvention ni garantie
d’intérêts, sous la condition de disposer gratuitement,
pour l’assiette de la ligne, de la place à occuper
sur les voies publiques suivies par le tracé, le tout
conformément au projet précité.
Prêt à justifier à l’Administration de mes moyens
d’exécution et à déposer le cautionnement qui sera exigé,
je me tiens, Monsieur le Préfet, à votre disposition pour
discuter le cahier des charges de la concession
et passer une convention provisoire.
J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien soumettre
ma demande au général de la Seine.
En dehors des lignes qui précèdent, et dont je demande
dès à présent la concession ferme, je demande à titre
éventuel, comme embranchements et prolongements
complétant, tel que je le conçois, le réseau des chemins
de fer métropolitains, les lignes suivantes, à savoir:
1°) Les prolongements de la ligne des quais à l’amont et
à l’aval jusqu’à la rencontre du chemin de fer de ceinture.
2°) Une ligne transversale de jonction du Nord au Sud,
entre le boulevard de la Chapelle et celui du Montparnasse,
ladite ligne, établie à ciel ouvert, suivant les boulevards
existants dont elle se détacherait pour franchir l’île
de la Cité dans la direction du pont Notre-Dame et
du Petit-Pont, avec prolongements facultatifs jusqu’au
chemin de fer de ceinture.
3°) Une ligne se détachant de la ligne des quais à la place
de la Concorde, suivant les grands boulevards jusqu’à
la place de la Bastille, et allant se raccorder par le boulevard
Saint-Germain, à la ligne transversale ci-dessus.
4°) Un embranchement allant de la station du quai
de Billy à un point à déterminer dans le bois de Boulogne.
Le tout conformément aux indications approximatives
figurées sur la carte ci-jointe [page24].
Veuillez, Monsieur le Préfet, soumettre au Conseil général
ces demandes complémentaires en même temps que
ma demande principale, et daignez agréer l’assurance
de ma haute et respectueuse considération.
Bibliothèque ENPC
à l’évidence une seconde ligne
radiale nord-sud, c’est en raison de
contraintes topographiques: les bou-
levards de Strasbourg, de Sébasto-
pol et de Saint-Michel ne sont pas
assez larges pour y installer un che-
min de fer en viaduc. Afin de ne pas
déparer la vue au ras du sol de nom-
breux monuments historiques,
Vauthier privilégie un chemin de fer
de type aérien, établi autant que
possible sur un viaduc métallique for-
tement évidé et soutenu par une
colonnade de fonte, plutôt que par
une construction en maçonnerie.
La traction par locomotives à vapeur
permet le parcours en une heure de
la ligne circulaire, et en 20min de la
diamétrale, les trains se succédant à
10min d’intervalle, l’exploitation
fonctionnant de 6h du matin à
minuit. Selon les calculs de Vauthier,
un capital de 84millions serait
assuré d’une rentabilité de 10%.
« Pendant vingt ans, l’Empire a tra-
vaillé à refouler les familles ouvrières
du centre vers la circonférence. »
Vauthier entend favoriser un nouvel
équilibre urbain pour contrebalancer
le tissu centralisé et hiérarchisé hé-
rité de l’empire: « La voie projetée,
en rapprochant en même temps du
centre et les uns des autres des quar-
tiers où l’industrie procure plus faci-
lement l’espace nécessaire à ses
installations, où se pressent les
ménages d’ouvriers, où les fortunes
modestes enfin trouvent à plus bas
prix des loyers, va donner à la ville
un cachet spécial et une physionomie
nouvelle. Ce ne sera plus la popula-
tion se distribuant sans ordre, et par
couches uniformes, sur de vastes
espaces, ou se concentrant autour
d’un point unique. Sur la ligne des
boulevards, – qu’on nous permette,
en faveur de sa justesse, cette image
un peu hasardée, – comme dans une
nébuleuse qui se condense, la puis-
sante attraction de la vapeur va for-
mer comme une zone de centres
secondaires, vivant d’une vie propre,
et groupés autour du foyer principal
qui n’en conservera pas moins sa
prédominance. »
À noter que le «métro» de Vauthier
ne favorisait nullement la desserte du
centre de la capitale depuis ses
grandes gares, ce qui sera le projet
résolu des toutes-puissantes compa-
gnies de chemin de fer, hostiles à un
métro qui, tel celui finalement entre-
pris en 1900, comme celui de Vau-
thier, répondait mieux aux intérêts des
habitants de Paris qu’à ceux des ban-
lieusards ou des voyageurs au long
cours transitant par ses gares (7).
Si son projet ne sera pas entendu,
Vauthier aura à nouveau l’occasion
de faire valoir ses idées très person-
nelles lorsque, pour mieux enraciner
la République progressiste, le ministre
républicain Freycinet lancera son
fameux plan du même nom. En
1878, il conteste dans une série de
brochures son orientation démago-
gique. Pour affranchir le réseau des
voies ferrées françaises des puis-
santes compagnies privées, il propose
une refonte totale de la gestion des
lignes: à l’État, la maîtrise d’un
réseau national exploité par diverses
compagnies fermières, et seulement
à des compagnies privées la conces-
sion des réseaux régionaux. À l’aile
extrême gauche du parti républicain,
Vauthier ne sera pas entendu, mais
on ne peut lui dénier l’originalité de
ses idées et ses vues à long terme
pertinentes: substitution de tunnels
de faîte alpins aux tunnels de base,
métro parisien, décentralisation
et privatisation des réseaux ferrés
régionaux…
Georges RIBEILL
26-
Historail
Juillet 2010
Utopie
[ un projet de métropolitain pour Paris ]
(1) En octobre 2009, à Recife, un colloque international a été consacré à ce technicien très connu, voire célébré, dans les milieux académiques
brésiliens. Le journal de son séjour à Recife vient d’être publié: Claudia Poncioni,
Ponts et Idées. Louis-Léger Vauthier: un ingénieur
fouriériste au Brésil,
Michel Houdiard éditeur, 2009, 491 p.; ce même éditeur publiera prochainement les actes du colloque de Recife,
où nous participions.
(2)
Le Percement du Simplon et l’intérêt commercial de la France. Détermination des données techniques du problème et limites de la zone
commerciale desservie dans le cas d’un tracé bas avec long tunnel,
P. Lechevalier, juin 1874, 88 pages, deux cartes.
(3)
Le Percement du Simplon devant les chambres et les intérêts de la France,
P., Chaix, juin 1881, 130 p., deux cartes, documents et notes
annexes.
(4)
31 mars 1872, Ville de Paris. Chemin de fer circulaire intérieur sur la ligne des anciens boulevards extérieurs et le quai de la rive droite
de la Seine. Mémoire à l’appui du projet,
Paris, imprimerie Blot, mars1872, 45 p.
(5) « 8 avril 1872. À Mr le Préfet de la Seine, demande de concession sans subvention ni garantie d’intérêt sous la condition de disposer
gratuitement des emprises», signée Théodore Tubinni, 4 p., jointe à la brochure ci-dessus.
(6) À titre suggestif, boulevard de la Chapelle au nord, de Belleville à l’est, de la Gare au sud-ouest, avenue de Suffren au sud-ouest,
avenue Kléber à l’ouest…
(7) Alain Cottereau a très bien étudié ces rudes « batailles du métro parisien », dont la conséquence sera un dénouement tardif, comparé
à l’avènement du métro londonien, en 1863. Voir A. Cottereau, « Les batailles pour la création du Métro: un choix de mode de vie,
un succès pour la démocratie locale »,
Revue d’histoire du
XIX
e
siècle,
n° 29, 2004, «Varia», p. 89-151.
Vauthier entend favoriser un nouvel équilibre
urbain pour contrebalancer le tissu centralisé
et hiérarchisé hérité de l’Empire.
Juillet 2010
Historail
Curiosité
M
erci aux célèbres
établissements lyonnais
Visseaux qui, dans
les années 1930, nous
proposent divers types
de lustres électriques,
« l’idéal de l’éclairage moderne »,
selon leurs dires… Ce sont
en effet alors les derniers beaux
jours de l’éclairage au gaz.
Mais pour nous convaincre
de ne pas rester « en marge
du progrès », cette publicité,
construite comme une image
métaphorique, nous montre
une diligence doublée,
dépassée par une locomotive,
certes à pleine vitesse…
mais à vapeur!
Une idée en somme
pas très lumineuse…
Coll. G. Ribeill
Visseaux :
une publicité
paradoxale
Curiosité
À
partir de 1825 environ et pen-
dant tout le
XIX
siècle, de
nombreuses faïenceries se sont
lancées en France dans la produc-
tion d’assiettes dites «parlantes»;
parmi ces assiettes se trouvent
quelques séries qui présentent une
référence directe aux chemins de
fer. À l’époque, en effet, les sujets
illustrés par ce type de production
faisaient souvent référence à l’ac-
tualité ou à l’histoire; une actualité
dont firent partie bien naturelle-
ment les premiers chemins de fer, à
une période de développement
industriel très important, mais bien
avant l’usage de la photographie.
Les assiettes dites «parlantes» ont
donc contribué au développement
de la culture bourgeoise, tout en
gardant une justification utilitaire
au quotidien.
C’est ainsi que la manufacture de
faïence Guyon de Boulen à Gien a
produit, entre1844 et1851, trois
séries d’assiettes relatives aux nou-
velles lignes de chemin de fer de
Paris à Rouen et de Paris à Orléans.
Gabrielle Cadier
a apporté des
réflexions fort intéressantes sur le
contexte de production de ces assiettes
au
XIX
siècle: «Ce type d’assiette n’a
connu qu’un temps assez bref. On
peut dater les exemples que l’on a
de la fin de la Monarchie de Juillet,
autour de 1845. Elles correspondent
à l’ouverture des lignes de Paris-
Orléans, le 2mai, et de Paris -Rouen,
le 3mai 1843. Elles répondent donc
à un effet de mode, une «railway-
mania» en quelque sorte… Une fois
l’engouement passé, le chemin de
28-
Historail
Juillet 2010
Les trois séries d’assiettes ferroviaires produites à Gien dans la première
moitié du
XIX
siècle témoignent d’une «railwaymania» qui a accompagné
l’apparition de ce nouveau mode de transport en France avant qu’il
ne se banalise. Loin d’être fantaisistes, elles prenaient appui le plus
souvent sur une documentation d’époque comme essaye de l’établir
cette minutieuse étude.
Quand les assiettes de Gien
célébraient le chemin de fer
1844 à 1849
1849 à 1851
J. Copeland
J.B.M.
Marques de fabrique et signatures
Toutes les assiettes identifiées dans la présente étude présentent à leur endos la marque de fabrique
de la manufacture de Gien; grâce à ces marques, la datation peut se faire de façon précise; de plus,
les dessins centraux de ces assiettes sont signés, ce qui est plutôt rare pour les productions
de cette époque.
Marques de fabrique
Signatures
Juillet 2010
Historail
fer ou les gares n’interviendront plus
dans le décor des assiettes que
comme des lieux où peuvent
se passer des scènes de genre
(cf. «train de plaisir»). Le train s’est
banalisé. On a connu récemment
le même effet de mode avec le pre-
mier TGV: cendriers, écharpes, tee-
shirts… aujourd’hui dépassés.»
Les auteurs curieux qui ont cherché
à obtenir des détails précis et
exhaustifs déplorent le peu de réfé-
rences, donc d’information, sur les
assiettes en faïence fine du
XIX
en général
, et sur celles qui sont à
motif ferroviaire en particulier.
Nous présentons dans cette étude
les premières assiettes à caractère
ferroviaire identifiées à ce jour, fa-
briquées entre1844 et1851 par la
manufacture de Gien, ainsi que les
gravures d’époque représentant les
sites reproduits sur les assiettes. Il
nous est apparu en effet intéressant,
à des fins de comparaison, de re-
chercher les images contemporaines
des assiettes et non des photogra-
phies nécessairement postérieures
à l’époque de la production de
celles-ci.
Notons que la manufacture de
Choisy a également illustré les nou-
velles lignes de chemin de fer de
Paris à Rouen et de Paris à Orléans
dans une série de 12 assiettes pro-
duites à la même époque; celles-ci
ont déjà fait l’objet d’une publica-
tion
. Signalons également que les
Éditions de
La Vie du Rail
ont fait pro-
duire à Gien, en 1982 et entre1984
et1989, sept copies d’une des séries
d’assiettes signées par JBM.
À la recherche d’assiettes
et de paysages
Sans entrer dans le détail de la mé-
thodologie de recherche, disons que
cette étude avait pour objectif d’éta-
blir la liste la plus exhaustive possible
de toutes les premières assiettes fer-
roviaires produites à Gien autour de
1845. Cette démarche incluait aussi
la recherche des images et des pay-
Inscription: «Station d’Etampes N 1»
Ligne de chemin de fer Paris – Orléans
Signée: J. Copeland
Source potentielle d’inspiration
Gravure sur bois, dessin par Champin.
Réf.: Jean-Jacques Champin, Paris – Orléans, ou
Parcours pittoresque
du chemin de fer de Paris à Orléans
, Paris, publié par Champin, 1845,
vignette à la fin du chapitreXI.
Titre de la gravure: «Remise polygonale et ateliers à Étampes».
Remarques

L’assiette et la gravure montrent le même endroit, mais la perspec-
tive de la rotonde et de la tour n’est pas la même.

Présence du train sur l’assiette et du personnage sur la gravure.
sages qui en ont été les inspirations,
ainsi que leurs auteurs.
Nos recherches se sont donc effec-
tuées dans deux directions: d’une
part l’identification d’assiettes à ca-
ractère ferroviaire produites par Gien
autour de 1844-1851, d’autre part
l’identification et la consultation de
tout document susceptible de mon-
trer un paysage ferroviaire pour la
même période; ce dernier aspect
s’est orienté tant vers des publica-
tions de livres ou de journaux que
vers des illustrations séparées,
comme des gravures ou des dessins
publiés séparément.
À cette fin, de nombreuses visites
dans des musées, tels le musée des
Arts et Métiers à Paris ou la Cité des
trains à Mulhouse, chez les anti-
quaires, ainsi qu’un suivi assez serré
des ventes aux enchères depuis cinq
ans ont permis d’établir une liste de
24 modèles différents d’assiettes
Curiosité
[ quand les assiettes de Gien célébraient
30-
Historail
Juillet 2010
Les variantes des assiettes signées J. Copeland
Les assiettes signées J. Copeland sont toutes identiques dans leur décoration générale et se
retrouvent en deux dimensions (diamètre: 19,9cm ou 21,5cm). La couleur des dessins
(bordure et motif central) rencontrée le plus souvent est monochrome gris-bleu foncé.
Le motif élaboré de la bordure est reproduit trois fois sur le tour et comporte trois vignettes
montrant un train de voyageurs à vapeur, circulant toujours de droite à gauche; la variation
tient du fait que ces trois vignettes ont été choisies parmi une possibilité de six vignettes dif-
férentes, quoique parfois très similaires (voir ci-dessous); à l’occasion, la même vignette de train
peut figurer deux fois sur la même assiette.
On pourra remarquer que certaines vignettes sont signées «JC», probablement pour
J. Copeland.
Remarques

Les deux vues montrent sans aucun doute le même escalier qui
donnait accès à la salle d’attente depuis le niveau inférieur de
l’embarcadère construit entre1842 et1845.

La position de l’observateur n’est pas tout à fait la même sur les
deux vues.

Les personnages représentés ne sont pas les mêmes.

La salle d’attente semble apparue pour la première fois dans l’édi-
tion de 1845 du guide de Bourdin; cela pourrait confirmer que
cette salle n’était pas construite en 1843 lors de l’inauguration et
de la première publication du guide de Bourdin.
Peut-on en conclure que certaines assiettes signées JBM sont
postérieures à 1845?
Source potentielle d’inspiration
Gravure sur bois, dessin par Daubigny, sculpté par Adèle Laisné.
Réf.:
Voyage de Paris à la mer. Description historique des villes,
bourgs et sites sur le parcours du chemin de fer et des bords
de la Seine
, Paris, E. Bourdin, 1845, p.9.
Titre de la gravure: «Salle d’attente de l’embarcadère de Paris».
Inscription: «3 Salle d’attente du chemin de fer de Rouen»
Ligne de chemin de fer Paris – Rouen. Signée: JBM
Juillet 2010
Historail
répondant aux critères choisis, et
pour lesquelles nous avons identifié
des preuves d’existence.
La collecte d’images potentiellement
sources d’inspiration de ces assiettes
s’est voulue la plus exhaustive pos-
sible; une recherche systématique
de toutes les publications françaises
de cette époque (1843 à 1850) sus-
ceptibles d’avoir pu inspirer les pay-
sages montrés sur les assiettes a
donc été entrepris; les références
de la Bibliothèque nationale et du
Cabinet des estampes ont été lar-
gement consultées.
La consultation de catalogues nu-
mérisés de bibliothèques en France
et au Canada a permis d’identifier
une partie des sources potentielles;
celle de bibliographies de l’époque
concernée a permis de compléter et
de confirmer l’exhaustivité des
sources utilisées.
C’est l’étude de guides touristiques
et de revues d’époque qui a princi-
palement permis de situer la majo-
rité des paysages représentés sur les
assiettes et d’identifier certains auteurs
ou graveurs.
Ces recherches n’ont permis d’iden-
tifier aucun document iconogra-
phique comme source exacte des
images représentées sur les assiettes.
Mais dans presque tous les cas, les
paysages montrés sur les assiettes
de Gien ont été représentés dans
des illustrations d’époque, et la plu-
part des lieux décrits sont facilement
reconnaissables. Toutefois, les diffé-
rences sont suffisamment nom-
breuses pour qu’il ne soit pas possible
d’associer, de façon certaine, une
assiette de Gien à une image publiée
à la même époque; ces différences
se présentent sous divers aspects,
soit de façon générale (position de
l’observateur, perspective, angle, ob-
jets principaux, etc.), soit au niveau
du détail (dessin d’un bâtiment, ma-
tériel ferroviaire, personnages…).
Notons que certains lieux montrés
sur les assiettes produites à Gien ont
fait aussi l’objet d’une représentation
sur les assiettes de Choisy décrites
le chemin de fer ]
Inscription: «Poissy 6»
Ligne de chemin de fer Paris – Rouen.
Signée: J. Copeland
Source potentielle d’inspiration
Gravure sur bois, dessin par Morel Fatio, sculpté par Quartley.
Réf.:
Itinéraire du chemin de fer de Paris à Rouen. Description historique
et pittoresque de toutes les villes, bourgs, villages et hameaux sur le par-
cours de cette ligne
, Paris, E. Bourdin, 1843, p.16.
Titre: «Poissy».
Remarques

Si on peut reconnaître facilement l’église et les bâtiments à proximité des
voies, il est aussi facile de noter les différences de perspective et de
détails entre l’assiette et la gravure.

Une guérite de garde a été rajoutée sur la vue de l’assiette.

On pourra observer que la même voie semble utilisée dans les deux
sens (!); peut-on en déduire qu’un des observateurs s’est trompé?
Curiosité
[ quand les assiettes de Gien célébraient
dans la publication citée en note 3;
pour les assiettes produites à Choisy,
il avait été possible d’identifier avec
certitude les gravures ou lithogra-
phies qui avaient été directement
copiées sur les 12 assiettes de la série
produite en 1844.
Les séries d’assiettes
Trois séries d’assiettes produites à
Gien entre1844 et1851 ont été
clairement identifiées:

une première série d’assiettes
signées «J. Copeland»;

une deuxième série d’assiettes
signées «JBM»;

une troisième série d’assiettes
signées «JBM».
La datation de ces séries d’assiettes
est facile: la marque de fabrique des
modèles signés par J. Copeland
(«Guyon de Boulen & C
») permet
d’affirmer qu’elles ont donc été pro-
duites entre1844 et1849. Celles
qui sont signées JBM comportent
soit la marque «Guyon de Boulen
», soit la marque «Geoffroy
de Boulen & C
»; la production glo-
bale de ces assiettes se situe donc
pendant la période 1844-1851.
Le premier artiste, qui a signé J. Co-
peland, est très probablement John
Copeland, que Jean-Claude Renard
a identifié comme graveur travail-
lant pour Gien dès avant 1849.
Le tableau1 (ci-contre) indique le titre
de toutes les assiettes signées par
J.Copeland ainsi que les gravures
représentant les mêmes lieux et l’ori-
gine de ces gravures.
Liste de la série d’assiettes
signées par J. Copeland
(tableau 1)
Ce tableau permet aussi de consta-
ter que les illustrations ont été choi-
sies parmi les paysages des lignes de
chemin de fer de Paris à Rouen (huit
assiettes) et de Paris à Orléans (trois
assiettes), à l’exception d’une as-
siette (n°12, dont le sujet appartient
à la ligne de Paris à Versailles-Rive-
32-
Historail
Juillet 2010
Inscription: «6 Entrée du chemin
de fer de Paris»
Ligne de chemin de fer Paris – Rouen. Signée: JBM
Source potentielle d’inspiration
Gravure sur bois, dessin par Daubigny, sculpté par Quartley.
Réf.:
Voyage de Paris à la mer. Description historique des villes, bourgs
et sites sur le parcours du chemin de fer et des bords de la Seine
, Paris,
E. Bourdin, 1845, p.2.
Titre: «Hôtel du chemin de fer à Paris».
Remarques

Sur l’image de l’assiette, deux omnibus ont été rajoutés par rapport à
la gravure; aucune grille ne ferme la cour d’accès à l’embarcadère; les
personnages ne sont pas les mêmes.

Dans la publication postérieure du guide Bourdin, en 1847, les grilles
n’apparaissent plus; peut-on en déduire que l’image de l’assiette a été
établie en 1847 ou après?

Cette vue a fait l’objet de nombreuses autres représentations à l’époque,
en particulier dans les journaux.
Juillet 2010
Historail
le chemin de fer ]
Titre des assiettes signées
Titre de la gravure
Origine de la gravure
par J. Copeland
Station d’Étampes N 1
«Remise polygonale
Gravure sur bois de Champin/? à la fin du chap.XII
(5)
et ateliers à Étampes»
Pont de Maison-Laffitte N 2
«Maisons-Lafitte»
Gravure sur bois par Champin/Adèle Laisné p.14
(6)
Jeufosse N 3
Aucune illustration d’époque
Le village de Jeufosse est situé entre Bonnières-sur-Seine
identifiée
et Port-Villez, sur la rive gauche de la Seine
Rolleboise N 4
(7)
« Rolleboise»
Gravure sur bois par Morel-Fatio/Harrison p.24
(8)
Grande rampe
«Vue générale de la grande
Dessiné et lithographié par Champin chap. XXXIII
(5)
près d’Étampes 5
rampe à la sortie d’Étampes»
Poissy 6
(9)
« Poissy»
Gravure sur bois par Morel Fatio/Quartley p.16
(8)
Ateliers 7
«Saint-Germain, Saint-Cloud,
Lithographié par Raimond & Pizzetta n°3, 2
livraison
(10)
Ateliers de construction»
Tunnel avec locomotive 8
(11)
Pas d’image disponible
Pas de gravure connue
Bonnières 9
«Station de Bonnières»
Lithographie publiée par Thierry (?), date inconnue,
montrée p.68
(12)
Viaduc près de la station
«Viaduc sur la rivière d’Ivette»
Dessiné et lithographié par Champin chap. X
(5)
d’Épinay 10
(13)
Tunnel du Roule 11
«Tunnel du Roule»
Gravure sur bois par Morel Fatio/Harrison p.37
(14)
Viaduc près de Suresnes 12
Aucune illustration d’époque
Il s’agit probablement du pont situé à la limite de
Suresnes et de Saint-Cloud construit au-dessus de la rue
du Val-d’Or, dont le plan est montré p.75
(15)
Remarques

L’assiette montre bien la même gare de Juvisy mais
sous une perspective différente de celle de la litho-
graphie de Champin.

On aperçoit le viaduc «Sous la route royale de Paris
à Fontainebleau près des Belles Fontaines».

L’image est celle de la version
La Vie du Rail
pro-
duite en 1984-989.

Il serait intéressant de comparer ces vues avec des
photos actuelles des mêmes lieux.
Source potentielle d’inspiration
Dessiné et lithographié par Champin.
Réf.: Jean-Jacques Champin,
Paris – Orléans, ou Par-
cours pittoresque du chemin de fer de Paris à Orléans
Paris, publié par Champin, 1845, lithographie du chap.
XXXVII.
Titre: «Fourche de Juvisy».
Inscription: «6 Station de Juvisy»
Ligne de chemin de fer Paris – Orléans. Signée: JBM
Tableau 1
Curiosité
[ quand les assiettes de Gien célébraient
34-
Historail
Juillet 2010
Titre des assiettes signées par JBM
Paris – Paris –
Titre de la gravure
Origine de la gravure
RouenOrléans
1 Oissel
(18)
«Oissel»
Gravure sur bois par Morel
Fatio/Harrison, p.42
(7)
2 Viaduc près de Villemoisson
(18)
«Viaduc en face de Villemoisson»Gravure sur bois par Champin/? fin
chap. VII
(5)
3 Salle d’attente du chemin de
«Salle d’attente de l’embarcadère Gravure sur bois par Daubigny/Adèle
fer de Rouen
de Paris»
Laisné p.9
(14)
3 Village de Chamarande
(18)
«Sortie du château de
Gravure sur bois par Champin/? fin
Chamarande»
chap. XIV
(5)
4 Étampes
(18) (19)
«Étampes, vue prise en arrivant
Dessiné et lithographié par Champin
de Paris»
chap. XII
(5)
5 Embarcadère de Saint-Germain
(18) (20)
«Débarcadère de Rouen,
Gravure sur bois par Daubigny/Harrison.
Versailles et Saint-Germain»
(7)
6 Entrée du chemin de fer de Paris
«Hôtel du chemin de fer à Paris»Gravure sur bois par Daubigny/Quartley
p.2
(7)
6 Station de Juvisy
(18)
«Fourche de Juvisy»
Dessiné et lithographié par Champin
chap. XXXVII
(5)
7 Titre inconnu?
8 Pompe près Paris
«La pompe et la remise
Gravure sur bois par Champin/? fin chap.
polygonale près Paris»
(5)
9 Gare d’Orléans
(21) (22)
«Gare d’Orléans»
Gravure sur bois par Blanchard et
Dauzats/? p.56
(23)
10 Vernon
(24)
«Vernon»
Gravure sur bois par Morel
Fatio/Quartley p.28
(7)
11 Station de Villeneuve-le-Roi
«Station de Villeneuve-le-Roi»
Gravure sur bois par Champin/?
fin chap. XXXIX
(5)
12 Titre inconnu?
Droite), mais sans regroupement par
ligne ni ordre cohérent quant à leur
succession géographique.
Le deuxième artiste qui a signé uni-
quement avec ses initiales (JBM) pour-
rait être Jean-Baptiste Mayer, men-
tionné par Christian Maire (
, p.17),
qui mentionne: «Jean-Baptiste
Mayer et Lemot gravent aussi pour
Longwy», et par Dominique Dreyfus
, p.17), qui précise: «J.B. Mayer
grave une expédition d’Orient pour
Longwy et une autre pour Gien.»
Notons au passage une autre
remarque de Christian Maire
, p.17): «Il est parfois difficile de
distinguer le créateur du dessin
de celui qui exécute la gravure.
D’autant plus qu’ils peuvent être
aussi une seule et même per-
sonne.».Cela pourrait constituer
un indice pour les illustrations des
assiettes de Gien: certains graveurs
pourraient être aussi les auteurs
originaux de certaines images
qu’ils ont donc signées.
Le tableau2 (ci-dessus) indique le ti-
tre de toutes les assiettes signées par
JBM, les lignes représentées (Paris –
Rouen ou Paris – Orléans) ainsi que
les gravures représentant les mêmes
lieux et l’origine de ces gravures.
Liste des assiettes signées
JBM indiquant les lignes
de chemin de fer
illustrées (tableau2)
Ce tableau permet aussi de consta-
ter que les illustrations ont été
choisies parmi les paysages des
lignes de chemin de fer de Paris
à Rouen (cinq assiettes) et de Paris à
Orléans (sept assiettes); toutefois,
à cause de la double numérotation
des assiettes n°3 et n°6, il est clair
que deux séries différentes de vues
ont été produites; cela est
confirmé par l’absence d’assiettes
pour deux numéros (n°7 et n°12).
On peut émettre l’hypothèse sui-
vante: JBM a signé deux séries de
12 assiettes, l’une sur le chemin de
fer de Paris à Rouen et une autre
sur le chemin de fer de Paris à
Orléans; en regroupant par ligne de
chemin de fer toutes les assiettes
identifiées au tableau2, on obtient
cinq assiettes identifiées pour la
ligne de Paris à Rouen (sept man-
quantes) et sept assiettes identifiées
pour la ligne de Paris à Orléans (cinq
manquantes). Il reste à valider cette
hypothèse en découvrant de nou-
velles assiettes signées JBM qui vien-
draient combler les manques de ces
deux séries de 12assiettes.
Il est intéressant de constater, en
conclusion, que les premières
grandes lignes de chemin de fer en
France au départ de Paris ont été
abondamment illustrées par trois
Tableau 2
Juillet 2010
Historail
le chemin de fer ]
séries de 12 assiettes produites à
Gien et une série de 12 assiettes
produite à Choisy. Les 12 assiettes
produites à Choisy sont très bien
connues et documentées, mais les
36 assiettes de Gien ne sont pas
encore, à ma connaissance, toutes
connues et documentées. Cer-
taines de ces séries sont très
incomplètes, il y a donc place pour
des découvertes par les amateurs
ou les curieux de nouvelles images
les concernant.
De plus, les premières assiettes fer-
roviaires produites à Gien ne mon-
trent pas clairement l’origine des
dessins qui les ont inspirées, bien
que les lieux décrits soient claire-
ment reconnaissables. En l’absence
de toute source iconographique
prouvée, on peut faire l’hypothèse
que les images de ces assiettes sont
originales et ont été produites par
les artistes qui ont signé les as-
Les variantes des assiettes signées JBM
Les assiettes signées JBM présentent au moins deux grands
types de bordure. Le premier type propose un motif élaboré
analogue répété trois fois et qui comporte aussi trois vignettes
montrant soit un train de voyageurs à vapeur, soit une sortie
de tunnel ferroviaire, soit un train de voyageurs à vapeur qui
sort d’un pont. La bordure et le motif central sont mono-
chromes gris-bleu; une version entièrement bleue en a été
produite. Le diamètre des assiettes de ce type est de 19,7cm.
Le second type d’assiettes signées JBM est assez différent du
premier, car il s’agit d’assiettes à bord festonné de diamètre
21,4cm, à la bordure de couleur rouge et rouille représen-
tant des bouquets de fleurs répétés quatre fois; le motif central
est de couleur gris-noir.
Une variante de ce type comporte également un bord fes-
tonné dont le diamètre est de 19,7cm; sa bordure est de la
même couleur que le motif central (bleu-gris foncé), et elle
est constituée d’un dessin de fleurs, de ramures et de grappes
de raisin, répété quatre fois également.
Enfin, une autre variante comporte un motif avec fleurs et
volutes, répété deux fois.
Inscription: «Ateliers 7»
Lignes de chemin de fer Paris – Saint-Germain, Paris – Versailles. Signée: J. Copeland
Remarques

Il s’agit probablement des ateliers des Batignolles (dirigés
de1839 à1845 par Ernest Gouin).

Le pont est probablement celui de l’actuelle rue Cardinet.

La vue a été prise en regardant vers Paris, de l’autre côté
des voies que les ateliers des Batignolles, avant que la
gare des Batignolles soit établie.

La courbe de la voie a peut-être été exagérée.

La datation exacte de 1839 de la gravure source a été
déduite par recoupement d’événements relatifs au
chemin de fer et à l’imprimeur.
Source potentielle d’inspiration
Lithographié par Raimond & Pizzetta.
Réf.: lithographie n°3, 2
livraison, d’une série de 6 (?)
gravures intitulées «Chemins de fer pittoresques»,
dessinée et lithographiée par Raimond et Pizzetta et C
Paris, 1839.
Titre: «Saint-Germain, Saint-Cloud, Ateliers de
construction».
Curiosité
[ quand les assiettes de Gien célébraient
36-
Historail
Juillet 2010
siettes, soit John Copeland et très
probablement Jean-Baptiste Mayer.
Toutefois, il n’a pas été possible
d’établir si ces artistes ont effectué
eux-mêmes des croquis ou des des-
sins des paysages représentés ou s’ils
se sont inspirés d’images existantes,
identifiées par cette recherche.
Enfin, il faut aussi rendre un certain
hommage au talent de ces illustra-
teurs, aussi bien des assiettes que
des gravures pour au moins deux
raisons. D’abord, les mêmes lieux
décrits par différents artistes sont
reconnaissables, malgré la simplicité
des techniques (petite gravure sur
cuivre, vignettes gravées sur bois
debout, lithographie) et les
contraintes de publication (petite
taille, vitesse d’exécution, etc.).
Ensuite, la tendance artistique de
l’époque à rendre les paysages plus
romantiques (en accentuant les
reliefs ou les perspectives) n’a pas
été un obstacle à la reconnaissance
des lieux décrits.
En fait, lorsque les lieux décrits exis-
tent encore, un observateur mo-
derne peut y retourner et identifier
les repères (principalement architec-
turaux ou topographiques) s’ils n’ont
pas disparu avec le temps. Il y aurait
là un exercice fort intéressant, qui a
déjà été fait maintes fois en compa-
rant des photos anciennes et des
paysages actuels, mais probable-
ment pas en comparant des déco-
rations d’assiettes et des paysages
actuels. Les photographies ou les
cartes postales souvent utilisées pour
faire ces comparaisons n’ont en
général pas plus d’un siècle d’exis-
tence, alors que les gravures ou les
assiettes d’époque peuvent attein-
dre facilement 160 ans d’âge. Et
quand on connaît l’évolution extrê-
mement rapide du développement
industriel en France au second Em-
pire, il est facile de concevoir que les
paysages ont énormément changé
entre1843 et1870, ce que les pho-
tographies anciennes nous montrent
assez peu.
Joseph-Jean PAQUES
Inscription: «8 Pompe près Paris»
Ligne de chemin de fer Paris – Orléans. Signée: JBM
Source potentielle d’inspiration
Gravure sur bois, dessin par Champin.
Réf.: Jean-Jacques Champin,
Paris-Orléans, ou Parcours pittoresque du
chemin de fer de Paris à Orléans
, Paris, publié par Champin, 1845,
vignette à la fin du chap. XVI.
Titre: «La pompe et la remise polygonale près Paris».
Remarques

On reconnaît facilement le même lieu (bâtiment, pompe, grue
hydraulique, etc.), mais la perspective et la position de la locomotive ne
sont pas les mêmes sur l’assiette et la gravure.

Il existe d’autres représentations de la pompe montrant également la
perspective des ateliers d’Ivry au premier plan:
• «Ateliers et remise d’Ivry», dessiné par Blanchard et Dauzats,
L’Illustration
, 28mars 1846, p.52;
• «Arrivée d’un convoi de marchandises (Gare des marchandises
et ateliers)», dans Jean-Jacques Champin,
Paris-Orléans, ou
Parcours pittoresque du chemin de fer de Paris à Orléans
, Paris,
publié par Champin, 1845, lithographie du chap. XIV.
Juillet 2010
Historail
le chemin de fer ]
Inscription: «Viaduc près de Surennes 12»
Ligne de chemin de fer Paris – Versailles. Signée: J.Copeland
Notes
(1) Gabrielle Cadier,
Le chemin de fer,
thème de décoration.
Les assiettes à décor
ferroviaire de Gien,
Creil-Montereau et
Choisy-le-Roi
, Revue
générale des chemins
de fer,
Arts et chemin
de fer
, 1994, n°11-12,
p.69-73.
(2) Jacques Bontillot,
Les faïences de Creil
& Montereau
, Fiche
documentaire n°109,
série
Les voyages
en chemin de fer
,
Chéroy, 2002.
(3) Joseph-Jean Paques,
Iconographie et
datation des premières
assiettes ferroviaires
produites à Choisy,
Passion faïence
,
mai2007, n°33,
p. 12-23.
(4) Jean-Claude Renard,
Faïences de Gien.
Une technique, un art
de vivre, une légende
,
Saint-Cyr-sur-Loire,
Éditions Alan Sutton,
2001, 96p.
(5) Jean-Jacques Champin,
Paris-Orléans.
Parcours pittoresque
du chemin de fer de
Paris à Orléans
, Paris,
publié par Champin,
1845.
(6)
L’Illustration
, Paris,
vol.X, n°1, 6mai 1843.
(7) Cette vue a été
également représentée
dans la série de
12 assiettes produites
à Choisy à la même
époque (n°4).
(8)
Itinéraire du chemin
de fer de Paris
à Rouen. Description
historique et
pittoresque de toutes
les villes, bourgs,
villages et hameaux
sur le parcours
de cette ligne
, Paris,
E. Bourdin, 1843.
(9) Cette vue a été
également représentée
dans la série de
12 assiettes produites
à Choisy à la même
époque (n°2).
(10) Série de 6 (?)
gravures intitulées
«Chemins de fer
pittoresques»,
dessin & lithographie
Raimond et Pizzetta,
Paris, Litho Roger et
C
ie
, 39,9 x 25,2cm,
1839.
(11) Titre hypothétique
déduit du document
Locomotion
transportation by air,
rail & road
,
catalogue n°22 de la
librairie Gumuchian,
Paris, 1937, 54p.
(12) Hélène Bocard, Jean-
François Belhoste,
Claire Étienne et
alii
,
Direction régionale
des affaires
culturelles d’Île-de-
France, Service
régional de
l’Inventaire général
du patrimoine
culturel région
Haute-Normandie,
De Paris à la mer.
La ligne de chemin
de fer Paris – Rouen –
LeHavre
, Paris,
APPIF, 2005.
(13) Cette vue a été
également
représentée dans
la série de 12 assiettes
produites à Choisy
à la même époque
(n°11).
(14) Jules Janin,
Voyage
de Paris à la mer.
Description historique
des villes, bourgs
et sites sur
le parcours du chemin
de fer et des bords
de la Seine
, Paris,
E. Bourdin, 1845.
(15) Pierre Bouchez,
De Paris St-Lazare
à Versailles et Saint-
Nom-la-Bretèche,
1839-2007
, Éditions
La Vie du Rail
, 2007,
168 p.
(16) Christian Maire,
L’impression sur
faïence fine.
Histoire-Technique-
Iconographie
,
Les
Dossiers de la
faïence fine
,
juin2001, n°11.
(17) Dominique Dreyfus,
Longwy. La belle
histoire des assiettes
à histoires
, Metz,
Éditions Serpenoise,
1987.
(18) Repris pour
La Vie du Rail
autour de 1984-1989.
(19) Cette vue a été
également
représentée dans
la série de 12 assiettes
produites à Choisy
à la même époque
(n°10).
(20) Cette vue a été
également
représentée dans
la série de 12
assiettes produites
à Choisy à la même
époque (n°1).
(21) Repris par
La Vie
du Rail
en 1982.
(22) Cette vue a été
également
représentée dans
la série de 12
assiettes produites
à Choisy à la même
époque (n°12).
23.
L’Illustration
, vol. VII,
n°161, 28 mars 1846.
24. Cette vue a été
également représentée
dans la série de
12 assiettes produites
à Choisy à la même
époque (n°3).
Remarques

Il s’agit de la seule image des séries d’assiettes n’appar-
tenant pas aux lignes de Paris – Rouen ou de Paris –
Orléans.

On notera la présence d’échafaudages après la dernière
travée en pierres.

Le viaduc représenté est probablement celui qui est situé
à la limite de Suresnes et de Saint-Cloud, construit au-
dessus de la rue du Val-d’Or.

Le village de Suresnes est situé sur la ligne de Paris vers
Saint-Cloud et Versailles.

La ligne Paris – Saint-Cloud a été ouverte au trafic le
13septembre 1839.
Source potentielle d’inspiration
Aucune source potentielle d’inspiration directe n’a été
identifiée.
Seul le plan suivant a été identifié:
plan montré p.75 dans Pierre Bouchez,
De Paris Saint-Lazare
à Versailles et Saint-Nom-la-Bretèche, 1839-2007
, Éditions
La Vie du Rail
Exploitation
Nés d’un souci de réduction des dépenses, et donc du nombre
de trains quotidiens, les trains marchandises-voyageurs,
dits «MV», et leur variante, les trains mixtes, ont fait leur
apparition en France dès la fin du
XIX
siècle. Combinant,
comme leur nom l’indique, des wagons de fret et une ou,
plus rarement, plusieurs voitures de voyageurs, essentiellement
omnibus, avec des horaires très détendus, ils sont représentatifs
avant tout d’une France rurale peu soucieusede vélocité, qui
les utilisait principalement pour des parcours limités. Bien adapté
à un régime de pénurie, ce système a culminé,tout naturellement,
au cours du second conflit mondial et de ses périodes immédiates,
pour décliner à partir des années 1960.
Les trains
marchandises-voyageurs:
la France à petite vitesse
(1
re
partie)
38-
Historail
Juillet 2010
38-
Historail I
Coll. D. Leroy
R
eprésentant le standard le plus bas
des trains omnibus, en termes
tant de performance que de confort,
la catégorie des trains mixtes mar-
chandises-voyageurs, après des débuts
mitigés sous le règne des anciennes
Compagnies, a connu un énorme
développement avant, pendant et
après la dernière guerre. À partir des
années 1960, leur nombre n’a cessé
de décroître sous l’effet conjugué de
la généralisation des autorails sur les
services omnibus, de l’évolution des
exigences de la clientèle en matière
de temps de trajet, de l’équipement
croissant en automobiles, mais aussi
du fait des vagues successives de
fermetures de lignes régionales au tra-
fic voyageurs. Les ultimes convois de
ce type, devenus de véritables curio-
sités, ont disparu en 1985, dans les
Pyrénées, sur la région de Toulouse,
puis, en 1986, dans les Deux-Sèvres,
sur la région de Nantes, tournant ainsi
une page de l’histoire du rail. En effet,
les MV auront été le symbole d’une
France rurale où le temps ne comp-
tait encore que peu et où la mobilité
restait très faible.
Les MV s’inscrivaient dans le contexte
d’une recherche poussée de réduc-
tion des dépenses: en cumulant les
deux fonctions, voyageurs et fret,
on économisait tout simplement un
train quotidien. Le service des voya-
geurs était la plupart du temps assuré
par une seule voiture de 3
(de 2
classe à compter de 1956), plus
rarement de deux ou trois, souvent
(mais pas toujours) attelées derrière
l’engin de traction. Il était fait usage,
la plupart du temps, du matériel le
plus obsolète du parc.
La fonction marchandises pouvait, cas
le plus fréquent, concerner la desserte
« wagons isolés » d’une ligne dont le
volume de trafic n’était pas, du moins
en principe, trop important, faute de
quoi les manœuvres de mise en place
sur les débords ou les voies de halle,
voire aux têtes des embranchements
particuliers, pouvaient conduire à des
temps de parcours totalement aber-
rants pour le service voyageurs. C’est
pourquoi, du reste, la formule s’est
plutôt développée sur les réseaux à
dominante rurale de la moitié ouest
de la France, les régions industrialisées
accueillant un trafic fret beaucoup trop
volumineux pour pouvoir être associé
à celui des voyageurs.
À côté des trains réguliers de desserte,
une seconde catégorie existait: celle
des circulations autorails transformées
en MV au pied levé pour acheminer
des wagons de denrées périssables
relevant du régime accéléré: wagons
« de marée » (transport de poisson
frais) ou de fruits et légumes (surtout
les primeurs), le plus souvent en
wagons frigorifiques. Là, les équipes
vapeur devaient « tirer au maximum
sur le manche » pour essayer de ne
pas trop s’éloigner de la marche des
autorails; heureusement, il s’agissait
de rames courtes. De même, pour
acheminer un wagon relevant du
régime accéléré « hors délai », c’est-
à-dire après le départ du train régulier
de desserte, on pouvait l’atteler en
queue d’un omnibus voyageurs, voire
d’un autorail, surtout dans le cas de
denrées périssables qui n’auraient pas
supporté d’attendre le lendemain. Mais
il existait aussi des trains « messageries-
voyageurs » tracés de façon régulière,
comme nous le verrons plus loin.
Logiquement, les MV ignoraient
presque toujours les week-ends en
raison de l’absence de desserte fret.
Les horaires de ces trains étaient, on
s’en doute, très détendus: il fallait,
pour les convois assurant la desserte
wagons isolés, concevoir la marche
du train en se fiant à la moyenne du
trafic assuré par les différentes gares
Le fameux MV
Thouars – Bressuire,
vu en gare de
Bressuire, à deux
époques différentes.
Page de gauche:
dans les années
1960, il arrive
de Thouars, avec
la 141 C 158 et
une voiture
à essieux
métallisée Ouest.
Ci-dessus:
lors de son dernier
jour de circulation,
le 29mai1986,
au départ pour
Thouars, avec
la BB63980
et une voiture mixte
Ocem à rivets
apparents.
Il s’agissait
du dernier MV
de France.
Une page fut donc
définitivement
tournée ce jour-là…
Juillet 2010
Historail
J.-L. Poggi
et embranchements de la ligne. Mais,
en cas de manœuvres inhabituelles,
les horaires pouvaient être dépassés
complètement, et des retards attei-
gnant facilement une bonne heure
pouvaient alors se produire.
Les parcours des MV, qui ne concer-
naient, dans certains cas, qu’un sens
de circulation sans équilibre, étaient
des plus variables, en moyenne une
cinquantaine de kilomètres, ce qui
correspondait à la longueur moyenne
d’une ligne secondaire. Mais certains
ont pu, avant et après le conflit de
1939-1945, assurer des parcours de
plusieurs centaines de kilomètres.
D’une manière générale, leur circula-
tion s’effectuait en période diurne,
mais il existait des exemples débor-
dant sur la nuit, ce qui les rendait
encore moins attractifs.
Durant la guerre, période de pénurie,
leur réintroduction sur de nombreuses
lignes qui venaient tout juste d’être
fermées en 1938-1939 a permis de
pallier l’arrêt des transports routiers
individuels ou collectifs en raison des
restrictions de carburant et de pneu-
matiques. Cette situation de fortune a
perduré pour certaines lignes quelques
années au-delà de la Libération, le
retour à la normale après la guerre
n’ayant pu naturellement se faire du
jour au lendemain.
La traction des MV, compte tenu de
la période et du type de ligne où ils
circulaient, était assurée majoritaire-
ment par des engins vapeur, dont les
plus caractéristiques allaient des
archaïques 030 C de l’Ouest aux
omniprésentes 140 C de l’Est et de
l’Ouest. Mais quantité d’autres séries
régionales ont participé au fil du
temps à ces trafics:

sur l’Est, les 231 B, 230 A, B, F,
140A, 130 B, 040 D, 232 TC;

sur le Nord, les 230A, C et D,
040D;

sur l’Ouest, les 231 B, C, D, H,
230 B, C, D, G, H, J, K, L, 141 C,
140 H, 131 TA;

sur le Sud-Ouest, les 231 A, D, 230 A,
B, C, F, G, 141 B, 140 A, B, C, H, 130 A,
240 TA, 141 TA et TB, 050 TA;

sur le Sud-Est, les 240 A, 231 D, G,
230 A, B, C, 141 B, C, D, E, F, R,
140 B, E, J, L, 242 TA, TC, TD.
Exploitation
[ les trains marchandises-voyageurs:
40-
Historail
Juillet 2010
Ci-dessus:
le messageries-
voyageurs 4213
avec voiture
métallisée Ouest et
wagons frigorifiques
démarre de Gretz
en direction
de Sézanne, derrière
la 140 C 263.
Ci-contre:
le MV 58441 Brive –
Montauban,
prolongé à Toulouse
les dimanches, avec
la BB8607 et une
voiture Romilly, en
gare de Chasteaux,
en août 1974;
il affiche 3 heures
pour 163km.
Fénino/Photorail
C. Hospital
Juillet 2010
Historail
En revanche, les MV ont fait assez peu
appel aux machines électriques, si ce
n’est aux engins ex-Midi, BB 4100,
4200, 4500, 4600, 4700, 2D2 5000,
fourgons automoteurs Z 4200, Z 4900,
ex-PO BB 1-80, 100, 300, 2D2 5100,
5500 ex-État, BB 900 ex-100 et 2D2
5400 ex-500, aux vétérans ex-PLM de
la ligne de Maurienne (2CC2 3400,
1ABBA1 3500, 3600, 3800, 1CC1
3700), aux engins SNCF CC 14100 du
Nord-Est, BB 8100, 8500, CC 7100.
Quant aux machines diesels, on peut
citer notamment les BB 63000, 63500,
66000, 66300, 66400, CC 65000.
Dans le domaine des voitures voya-
geurs, avant la nationalisation, toutes
étaient à caisse bois, soit à deux es-
sieux (Est, AL, Nord, État, PO, Midi,
PLM), soit à trois essieux (Armistice
prussienne et PLM). Après le conflit
de 1939-1945, des voitures à bogies
à caisse bois déclassées des grandes
lignes ont parfois été employées,
tandis qu’étaient progressivement
métallisées celles à essieux de
l’Ouest, du Sud-Ouest et du Sud-Est,
spécialisées dans les omnibus. Dans
les derniers temps des MV, les voitures
à essieux ayant disparu, on a égale-
ment fait appel à des voitures à bogies,
à des types DEV dites «d’embran-
chement», à des Bruhat et à des
« Romilly », à des ex-DR « Bastille »
ainsi qu’à des voitures régionales
mixtes fourgons Ocem à rivets et mé-
tallisés Sud-Est, notamment des B4D.
Sous le règne de la SNCF, ces trains,
désignés avec le sigle MV en tête de
colonne sur les indicateurs, pouvaient
être parfois numérotés dans la
tranche 4000 lorsqu’ils acheminaient,
sur des lignes principales essentielle-
ment, des wagons de messageries
du régime accéléré (denrées péris-
sables, animaux vivants, voitures
neuves) et donc bénéficiant de
marches « normales ».
Les MV, dont la caractéristique fon-
damentale était d’être tout omnibus,
ont donc essaimé dans toute la France
rurale. La banlieue parisienne a ignoré
ce type de train, la trame de desserte,
trop dense, et la nature du trafic fret
excluant ce genre de convoi. Seule
exception, juste après la dernière
guerre, quelques trains de l’espèce
ont quitté les gares parisiennes du
Nord, de Montparnasse, d’Austerlitz
et de Lyon vers la province. Par ail-
leurs, sur des antennes à très faible
trafic fret, les MV serviront quelquefois
à acheminer des voitures directes de
et vers Paris laissées dans les gares de
correspondance par des express.
la France à petite vitesse – 1
re
partie ]
Le MV 25601
Millau- Bédarieux,
près de Saint-
Georges-de-
Luzençon,
en septembre 1981;
tiré par deux
BB4100 ex-Midi,
il est composé
d’une voiture
d’embranchement
DEV 46 et d’une
voiture Bastille;
il couvre les 76km
du parcours
en 2 heures.
Un messageries-
voyageurs
en manœuvre
à Morlaix derrière
une 141 R, au début
des années 1960.
C. Hospital
Giot/Photorail
Les MV sous les anciennes
Compagnies
La formule très économique des trains
transportant à la fois des voyageurs
et des marchandises, apparue peu
après les débuts du chemin de fer,
s’est ensuite beaucoup développée
dès la fin du
XIX
siècle avec la consti-
tution du réseau «Freycinet», no-
tamment dans l’ouest du pays,
une zone à dominante rurale.
Plutôt que d’employer le vocable MV,
la Compagnie du Paris – Orléans a
opté pour l’appellation « train mixte».
Ce train s’y apparente, mais il com-
porte le plus souvent des voitures
voyageurs des trois classes, système
également employé après l’armistice
de 1918, de façon timide sur l’Est, de
manière plus large sur le Midi et le
Le volume des trains de l’espèce est
très variable, au fil du temps, d’une
compagnie à l’autre. Au total,
le décompte des parcours MV quoti-
diens s’établit à 10588 km de trajets
simples, celui des trains mixtes
à 755km.
Au service de l’hiver 1917
(voir
carte1, page46),
alors que les com-
bats perdurent dans l’est et le nord
de la France, occupés, la situation se
présente de la sorte.
Sur la Compagnie de l’Est, toutes les
lignes situées en Champagne-Ardenne
et dans le bassin lorrain sont privées de
trains de voyageurs. Elle affiche ailleurs
886km de MV, essentiellement sur des
lignes secondaires. La Compagnie du
Nord n’exerce aucune activité dans la
zone s’étendant entre la frontière belge
et une ligne imaginaire joignant Haze-
brouck à Arras, Péronne et Soissons,
aux mains des Allemands. Dans la par-
tie sud, le cumul des MV représente
457km, dont un parcours de 117km
d’Amiens à Rouen-Martainville.
L’État, desservant des zones à domi-
nante agricole, a fortement développé
le concept du MV, avec 5634 km et
quelques trajets supérieurs à 100km,
comme:

Thouars – Chartres (238km) en
10 heures;

Niort – Château-du-Loir (108km);

Saintes – Bordeaux-Saint-Jean
(126km);

Nantes – LaRochelle (180km).
Au PO, on compte seulement neuf par-
cours de trains mixtes (755km), limités
aux zones rurales à faible population,
notamment en Auvergne, Limousin,
Quercy.
La Compagnie du Midi fait circuler,
elle, 2146 km de MV avec quatre
parcours émergeant du lot:

Port-Sainte-Marie – Riscle (116km);

Castelnaudary – Carmaux (119km);

Bordeaux-Saint-Louis – Le Verdon
(100km);

Toulouse – Montréjeau (104km).
En dépit de ses grandes dimensions,
le PLM n’a eu jusqu’ici qu’un recours
limité à la formule MV, avec 1465 km
de parcours quotidiens, tous inférieurs
à 100km.
En 1919, suite à la modification de
frontière, le nouveau Réseau d’Alsace-
Lorraine remplace celui qui était
dénommé Elsass-Lothringen, en place
42-
Historail
Juillet 2010
Quelle clientèle pour les MV?
Le positionnement des MV, souvent en milieu de journée, voire très tôt le matin, et avec des marches
très lentes, exclut les trajets domicile – travail ou la clientèle pressée en correspondance « grandes
lignes » sur les sillons de déplacements professionnels de matinée ou de soirée. En revanche, on peut
trouver des MV en correspondance avec les relations grandes lignes de milieu de journée, le traditionnel
train lent et lourd desservant beaucoup d’arrêts intermédiaires, utilisé par une clientèle familiale.
Mais la clientèle type des MV, ce sont des voyageurs faisant plutôt des trajets courts pour effectuer
des courses ou des démarches dans une ville voisine, avec une dominante de mères de famille,
d’agriculteurs, de retraités. Sur les lignes longeant des cours d’eau, on peut même rencontrer des
pêcheurs se rendant dans leur coin favori. Cette clientèle est majoritairement composée d’habitués et
de connaisseurs qui savent que, dans telle ou telle gare, il y a des manœuvres interminables; elle en tient
donc compte pour ses trajets, évitant des parcours incluant des points de stationnement trop prolongés.
Nous avons le souvenir, dans les années 1960, d’un touriste débarqué d’un train de grandes lignes
qui s’était ainsi fait « piéger »: il voit tous les voyageurs quitter la voiture du MV dans une gare, puis
le convoi s’ébranler; mais, après une centaine de mètres, il y a refoulement pour garer la voiture sur
une voie de débord herbeuse, et la locomotive part manœuvrer sur les embranchements d’une zone
industrielle. Après être resté seul dans la voiture sans comprendre ce qui se passe, l’infortuné descend
avec sa valise et rejoint le bâtiment voyageurs, où on lui explique que la machine revient dans trois
quarts d’heure pour reprendre la suite du trajet. Il décide donc de terminer en auto-stop… Évidemment,
dès que le monde rural s’équipera de façon quasi généralisée en automobiles, au cours de la seconde
moitié des années 1960, cette offre omnibus très particulière va perdre toute crédibilité, et c’est
l’époque où ces types de trains vont commencer à disparaître en grand nombre.
D. Paris
Un pêcheur à bord du MV Bédarieux –
Millau en 1982.
La Compagnie du Nord, à l’instar du Réseau
d’Alsace-Lorraine,a dédaigné la formule du MV.
J.-P. Masse
Exploitation
[ les trains marchandises-voyageurs:
durant la période de rattachement de
l’Alsace-Moselle à l’Allemagne. Il
englobe les lignes des départements
de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-
Rhin. La carte 2
(page48)
figure les
parcours aux horaires de l’hiver 1922-
1923. Ils se sont donc multipliés,
avec, en tout, 5636 km de MV et
7266 km de trains mixtes.
L’Est n’affiche plus que trois MV, de
Saint-Dizier à Doulevant-le-Château
(40km), de Charmes à Rambervillers
(28km) et de Baccarat à Badonviller
(14km). Sur six antennes, notamment
des Vosges, il met en marche huit
trains mixtes, dont les parcours jour-
naliers mis bout à bout totalisent
170km de trajets simples.
Le Réseau d’Alsace-Lorraine nouvelle-
ment constitué a dédaigné la formule,
et il en est de même pour la Compa-
gnie du Nord, puisqu’on ne relève que
deux trajets épars dans des régions à
l’écart des bassins industriels: Desvres-
Samer, dans le Boulonnais (9km),
et Tergnier – Laon, en Picardie (29km).
Le Réseau de l’État, sillonné de lignes
secondaires rurales à faible potentiel,
a naturellement joué à fond la carte
des MV, qui cumulent déjà 2258km
de trajets simples. Tout son territoire
est irrigué de Dieppe à Bordeaux,
en passant par Brest et LaRochelle.
Certains mouvements sont tempo-
raires et ne fonctionnent que les jours
de marché et foire à Dreux, L’Aigle,
Flers, Vire, Domfront, La Guerche-de-
Bretagne, Angers, Jonzac.
Le Réseau breton, exploité par la
Société générale des chemins de fer
économiques pour le compte de
l’État, applique aussi la formule MV,
à raison d’un train sur chacune des
branches de l’étoile de Carhaix vers
Morlaix, Châteaulin et Loudéac.
Par exception, on relève à cette
époque quelques MV sur de grandes
lignes: un Serquigny – Caen (90km)
sur la radiale Paris – Cherbourg et un
Saintes – Bordeaux-Saint-Jean semi-
direct (126km) sur la transversale
Nantes – Bordeaux, de surcroît la nuit
et seulement dans le sens nord – sud.
Sur le réseau du Paris – Orléans, un
seul MV sur grande ligne, mais de
taille, fonctionne la nuit à travers la
Beauce et le val de Loire. Il s’agit du
9319 quittant Paris-Quai-d’Orsay à
22h45 pour arriver à Nantes-Orléans
à 9h04. Sur son parcours, de
428km, tracé
Dourdan, Châ-
teaudun, Vendôme, avec rebrousse-
ment à Tours, il est par endroits semi-
direct.
La formule du train mixte est abon-
damment utilisée par le PO dans
l’Orléanais, le sud du Finistère, le
Centre, le Poitou, le Limousin, le Péri-
gord, le Quercy, le Rouergue, avec un
total de 1499 trains-km.
Un seul est prévu sur la grande artère
Paris – Toulouse d’Issoudun à Châ-
teauroux, à la faveur des grandes
foires à Issoudun, et un en nocturne,
aller-retour, de Brive à Périgueux.
Au Midi, qui dessert des régions peu
peuplées des Landes au Languedoc
et aux Causses, le MV est très utilisé:
Juillet 2010
Historail
Fénino/Photorail
la France à petite vitesse – 1
re
partie ]
Un MV tiré par
la 30347 (future
série 130B), venant
probablement de
Nuits-sous-Ravières,
aborde la gare de
Chaumont, en 1937.
avec un cumul de 5770 km, il se situe
en tête des Compagnies. Pour les MV
proprement dits, qui représentent
1877 km, il faut souligner le train 45,
reliant Bordeaux à Irun (236km)
en 10heures, direct de Bordeaux à
Facture. Les mixtes, plus nombreux
encore, cumulent 3883km. Parmi
eux se distinguent quatre parcours
dépassant 100km, un Agen – Riscle
Port-Sainte-Marie, Condom, Eauze
(136km), un Toulouse – Ax- les-
Thermes (124km), un Castelnaudary-
Carmaux
Castres, Albi (119km),
et un Narbonne – Port Bou (107km).
Figurent en outre quatre trajets AR
sur la voie métrique de Cerdagne de
Villefranche-Vernet-les-Bains à Bourg-
Madame. On rencontre même, sur
certaines lignes, une formule asso-
ciant un MV et des trains « mixtes ».
Cela signifie qu’il existe un train
régulier assurant la desserte fret de
base, mais que tous les autres omni-
bus vapeur classés mixtes peuvent
acheminer, le cas échéant, des
wagons de marchandises en fonction
des besoins au cours de la journée.
Le grand réseau PLM a lui aussi intro-
duit abondamment la double notion
de trains MV (953km) et trains mixtes
(3213 km). Pour ces derniers, les plus
longs parcours sont effectués sur la
ligne alpine du Briançonnais avec deux
Livron – Veynes (117km) et un Veynes –
Briançon (108km).
Si on se projette au service de l’été
1932, 10 ans plus tard
(voir carte 3,
page50),
on constate que le réseau
ferroviaire hexagonal s’est enrichi
entre-temps de lignes nouvelles qui
ont complété le maillage régional,
mais aussi que les premières suppres-
sions sont intervenues dans le même
temps
(voir dossier sur les fermetures
de lignes,
Historail,
n°12)
en frappant
des lignes au trafic insignifiant. Le
recours aux trains MV et mixtes s’est
encore accru, leur addition sur les sept
grands réseaux donnant 9013km de
parcours MV et 4032 km de trains
mixtes. Une analyse de détail montre
que les grandes tendances antérieures
persistent: la Compagnie de l’Est reste
la moins portée sur la formule, avec
seulement deux parcours de MV:

Reims – Épernay (31km), sur un
train issu de Charleville;

Blainville – Nancy (23km), sur un
train issu d’Épinal.
Peu d’évolutions pour ce qui est des
trains mixtes, toujours en nombre très
réduit avec un cumul de 150km.
Sa jeune voisine d’Alsace-Lorraine,
jusqu’ici réfractaire, affiche un panel
de trains mixtes très modeste recou-
vrant 187km, dont deux parcours
concernant la voie métrique alsacienne
de Colmar à Marckolsheim (23km).
Le Nord, qui dessert un réseau maillé
avec des zones très peuplées et
industrialisées, n’est toujours pas un
terrain favorable aux MV; la formule
des trains légers y domine en attendant
l’introduction des autorails. Tout au plus,
trois parcours embryonnaires de MV
figurent à l’indicateur: Tergnier- Laon,
Lesquin – Saint-Amand-les-Eaux et
Montérolier-Buchy – Saint-Saens, pour
un total très modique de 67km.
Le Réseau de l’État, adepte par néces-
sité, utilise, lui aussi, la double formule:
MV purs et trains mixtes remplaçant
de simples omnibus, augmentant ainsi
notablement le volume des trains-km
quotidiens. Plusieurs particularités
caractérisent la première catégorie,
représentant un total de 4831 km.
Il s’agit de MV au long cours sur
diverses lignes principales radiales et
transversales. Les uns ont un régime
semi-direct, comme entre:

LeMans – Rouen-Rive-Gauche
(251km), circulant la nuit
Argentan, le raccordement de
Mézidon et Serquigny, avec voitures
des trois classes, seulement du Mans
à Alençon les fins de semaine;
Exploitation
[ les trains marchandises-voyageurs:
44-
Historail
Juillet 2010
Sur la ligne PO de
Sablé à La Flèche,
un MV tiré par
une 120, avec deux
voitures en queue,
franchit le viaduc
de la Sarthe.
Juillet 2010
Historail
la France à petite vitesse – 1
re
partie ]

Saintes-Bordeaux-Saint-Jean (121km),
la nuit, avec retour en soirée.
Dans ce registre, le clou est sans
conteste le MV 558, reliant Saint-
Brieuc à Paris-Montparnasse (475km)
en 8heures 06, genre d’express
déguisé circulant l’après-midi et en
soirée, prenant auMans une rame
directe Cholet – Angers – Paris. Il n’y a
pas de réciproque dans le sens Paris-
Bretagne.
Les autres sont tout omnibus, cas des
parcours:

LeMans – Rennes (163km);

Laval – Saint-Brieuc (175km);

Nantes-État – Saintes (253km),
la nuit en 9heures 35;

Bordeaux – Niort
Saintes (200km).
Sur le Réseau breton, un MV vient
s’ajouter sur le parcours La Brohi-
nière- Loudéac.
La seconde catégorie, visant les trains
mixtes, quelquefois en dualité avec
les MV, cumule 1191 trains-km.
Sur la Compagnie du Paris – Orléans,
les trains mixtes ont tous été trans-
formés en MV pour un total de
2317km, en augmentation de 55 %
par rapport à 1923. Le fameux Paris –
Tours – Nantes a disparu des man-
chettes horaires. Parmi les parcours les
plus importants, on peut signaler ceux:

d’Auray à Quimper (100km);

de Bourges à Étampes
Pithiviers,
Argent (189km);

de Quimper à Nantes en nocturne
(255km en 10heures 30), sans
équilibre en sens inverse.
Les autres concernent des trajets de
moins de 100km disséminés de la
Beauce à la Bretagne sud, aux Cha-
rentes et au Massif central.
La Compagnie du Midi, placée en
tête des statistiques, plafonne.
Son plus long parcours est celui d’un
MV Bordeaux – Dax, soit 145km.
Cette catégorie de trains cumule
1443km, alors que les trains mixtes
affichent un total de 1672 km, en
diminution notable, avec toujours
quatre trajets Villefranche – Latour-
de-Carol (63km) pour la voie
métrique de Cerdagne. Plusieurs
trains mixtes sont devenus de simples
trains légers.
Sur le PLM, les parcours des MV sont
en nette régression, comme ceux des
trains mixtes aussi, avec respective-
ment 301 et 832km.
A contrario,
la circulation des trains dits légers a
crû sensiblement un peu partout sur
les artères secondaires.
Au 1
janvier 1934, deux nouveautés
fondamentales vont intervenir dans
l’architecture du réseau français. C’est
d’abord la fusion des deux réseaux
voisins du Paris – Orléans et du Midi,
sous la nouvelle appellation PO-Midi.
En parallèle, la « percée » du réseau
d’Orléans en Bretagne est gommée
par le transfert à celui de l’État des
lignes suivantes (représentant un
ensemble de 479km):

rocade Savenay – Landerneau
Auray, Lorient, Quimper;

embranchements Questembert –
Ploërmel, Auray – Pontivy, Auray –
Quiberon, Rosporden – Concar-
neau, Quimper – Douarnenez et
Quimper- Pont-l’Abbé.
Cette opération a pour effet d’homo-
généiser la présence du réseau de
l’État à l’intérieur de la Bretagne.
Les années suivantes, où l’on
approche de la dissolution des
anciennes Compagnies, sont mar-
quées par la progression du pro-
On rencontre même sur certaines lignes du Midi
une formule associant un MV et des trains «mixtes».
Un MV du PO,
dans le secteur
de Bergerac,
sur la ligne
Bordeaux – Sarlat –
Souillac, au milieu
des années 1930.
DR/Coll. D. Leroy

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