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UGS : HR29 Catégories : , Étiquettes : ,

Description

Historail
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
suisses: une naissance
en images (2)
• Le repos dominical
• 1903: 84 morts dans
le métro parisien
1879: comment les WC
vont arrivés dans les voitures
de circulation
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Social
– Les facilités de circulation des cheminots:
des faveurs octroyées, négociées puis contestées
p.6
– La question du travail dominical dans les chemins de fer:
de longs mais vains débats au
XIX
siècle
p.14
Confort
– Des water-closets dans les voitures: des besoins
pas si pressants que ça…
p.23
Voie
– Aiguilles, éclisses et boulons: quelques règles de pose
et surveillance, il y a 150 ans…
p.26
Sécurité
-1872-1914: naissance et diffusion du crocodile au Nord p.30
-Une invention bien oubliée de l’entre-deux-guerres,
l’appareil Rodolausse
p.48
-L’implantation du KVB à la SNCF (1990-2006)
p.62
Urbain
– 1903: 84 morts dans le métro parisien
p.66
Réseau
– 1847, Chemin de fer suisses. Une naissance
en images (2
partie)
p.72
-Deux lignes inachevées en Île-de-France
p.82
Livres
-Les Omnibus en couleurs – 1950-1990
p.90
– Notes de lecture
p.94
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Vincent Lalu
DIRECTRICE ADMINISTRATIVE
ET FINANCIÈRE
Michèle Marcaillou
CONSEIL ÉDITORIAL
Georges Ribeill
ribeillgeorges@orange.fr
DIRECTION ARTISTIQUE
ET MISE EN PAGES
Kathy Labbé/Amarena
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
Marie-Laure Le Fessant
ICONOGRAPHIE
Sylviane Frot
ONT COLLABORÉ
Philippe-Enrico Attal,
André Blanc, Alain Gernigon,
Jean-Michel Pichot,
Christian Rodolausse
PUBLICITÉ
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Patrick Muzolf (01 53 80 74 05)
patrickmuzolf@laviedurail.com
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tél. : 0149701220
du lundi au jeudi
de 9h à 12h et de 14h à 17h
DIRECTRICE DE LA DIFFUSION
Valérie Bardon
INFORMATIQUE & PRODUCTION
Robin Loison
Informatique: Ali Dahmani
Prépresse: Simon Raby.
IMPRESSION
Loire Offset 42 Saint-Étienne
Imprimé en France.
Historail
est une publication
des Éditions La Vie du Rail,
Société anonyme au capital
de 2043200euros.
PRÉSIDENT DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION
Vincent Lalu
PRÉSIDENT D’HONNEUR
Pierre Lubek
PRINCIPAUX ACTIONNAIRES
SNCF,
Le Monde, Ouest-France
France Rail, VLA.
Durée de la société: 99 ans
RCS Paris B334 130 127
Numéro de commission paritaire:
Siège: 11, rue de Milan
75440 Paris Cedex 09
Tél.: 0149701200
Fax: 0148743798
Le titre
Historail
a été retenu
avec l’autorisation du musée
du Chemin de fer HistoRail
de Saint-Léonard-de-Noblat
Sommaire
Avril 2014
Historail
Photo de couverture : octroyées dès 1880 par les compagnies de l’Est et du Nord à la femme de l’agent
marié et à la fille de l’agent veuf pour se rendre au marché, les facilités de circulation, maintes fois négociées
et remaniées, sont aujourd’hui encore remises en question. (© DR/Photorail)
8-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
varient selon les réseaux: demi-place
au PLM et à l’Est mais jusqu’au degré
de cousin exclu, gratuité pour les père
et mère au Nord; quart de place au
PO pour les père et mère, mais demi-
place s’ils voyagent avec l’agent; à
l’Ouest, aux père, mère, parâtre et
marâtre, et enfants d’eux, 90% de
réduction, aux autres parents jusqu’au
degré de cousin, 50%…
Quant aux
agents retraités et leurs
familles
voyageant sur leur propre
réseau, mêmes variations. Ainsi pour
l’agent, gratuité à l’État, PO, Est et
PLM, mais avantage dégressif à
l’Ouest (gratuité pendant trois ans,
au-delà, 1/8 du tarif) ou au Nord (gra-
tuité la première année, 1/4 de place
la seconde, 1/2 au-delà) ou avantage
réduit au Midi (quart de place avec
maximum peu élevé). Mêmes varia-
tions pour la femme du retraité, la
veuve pensionnée ou les enfants
vivants avec eux et à leur charge…
Mais outre ce
régime intérieur
des
facilités, les grands réseaux se sont
entendus sur un
régime d’échange
permettant aux agents de circuler hors
de leur réseau d’appartenance: en
1884, une convention consacre cette
entente, revue de manière libérale en
1892 puis en 1899. Marques de bien-
veillance destinées à une corporation
que le puissant Syndicat national affi-
lié en 1895 à la CGT naissante, tend à
unifier par-delà les appartenances à
des compagnies privées ou à un
réseau d’État.
En 1884, quart de place donc pour
l’agent; en 1892, un voyage gratuit
par an et une réduction de 75% pour
ses femme et enfants à sa charge; en
1899, suppression de l’obligation
d’emprunter au retour la ligne prise
à l’aller… Au Nord, suite à une circu-
laire du 27 mars 1901, à tout agent
attaché depuis trois années au moins
à une compagnie, il est accordé un
voyage gratuit ainsi qu’aux membres
de sa famille demeurant avec lui
d’une façon permanente et à sa
charge. Sur demande spéciale, les
retraités obtiennent demi-place pour
classe
Ingénieurs
Chefs de service
Inspecteurs principaux
Inspecteurs divisionnaires
Inspecteurs
Sous-inspecteurs
Attachés de l’exploitation
Chefs de gare de première classe
Chefs de gare de deuxième classe
Chefs de bureau
Sous-chefs de bureau
Chefs de section (de l’administration centrale)
Chefs de certaines gares GV ou PV
Garde magasin général des services
électriques
classe
Chefs de gare
Chefs de station et halte
Chefs et sous-chefs de bureau
Sous-chefs de gare
Caissiers
Receveurs
Employés principaux
Employés
Employés facteurs
Surveillants chefs de manœuvre
Surveillants chefs de la Manutention
Employés au mouvement
Surveillants des services électriques
Contrôleurs de l’éclairage
Chefs lampistes
Gardes magasins des services électriques
Mécaniciens des services électriques
Préposés des services électriques
Contrôleurs ambulants
Contrôleurs
Contrôleurs de gare
Commis d’ordre et de magasins
Garçons de bureau
classe
Sous-chefs de manœuvres
Sous-chefs de la manutention
Chefs d’équipe
Gardiens
Employés facteurs mixtes
Facteurs
Aiguilleurs
Signaleurs
Gardes-sémaphores
Gardes-freins
Lampistes
Hommes d’équipe
Tout le personnel ouvrier
Le grade de l’agent détermine la classe à laquelle il a droit: le cas du Nord
Source: Sénéchal, 1904, p.128.
DR/Coll. G. Ribeill
Extraite du
Livret
PLM,
carte
d’approvisionnement
hebdomadaire.
Avril 2014
Historail
eux et leurs familles sur les autres
réseaux. Sénéchal résume donc ainsi
en 1904:
« Aujourd’hui, tout agent
de chemins de fer comptant 36 mois
de service peut, avec les siens, faire
son tour de France sans bourse délier
à aucune des administrations de che-
mins de fer. »
Si, pour Sénéchal,
« on ne peut pas
songer à faire figurer une estimation
des sacrifices qu’entraînent pour les
compagnies ces avantages
moins les compagnies de chemins de
fer étaient payées en retour par
« l’at-
tachement, si difficile, d’un personnel
aussi nombreux »
, et ainsi,
« plus heu-
reuses que certaines sociétés minières,
ayant vu par deux fois une tentative
de grève échouer piteusement
Les années 1920: clivages
et discriminations
Dans le sillage du régime des retraites
de 1911 et en marge du statut com-
mun des agents des grands réseaux
octroyé en 1920, l’heure est à l’uni-
fication des avantages accessoires
extra-statutaires, alors que les
réseaux de plus en plus déficitaires
courent après les économies. Un
nouveau régime des chemins de fer
est institué par la loi du 29 octobre
1921, dont l’article 11 vise à cir-
conscrire
« les catégories de person-
nel autres que le personnel attaché
aux réseaux et à leur contrôle qui,
seules, pourront bénéficier des faci-
lités de circulation en dehors des
tarifs régulièrement homologués »
Alors donc que la loi consacre ainsi
le principe des facilités accordées
aux agents
actifs
, le décret du
4 juin 1923 énumère ces autres caté-
gories dont font partie les agents
retraités
Inspirés par les compagnies, deux
régimes coexistent en fonction de la
date de recrutement, avant ou après
janvier 1924. Libre circulation
pour l’ancien agent et des facilités
pour sa famille: au PO, État et Midi,
les agents possèdent une
carte de
libre circulation
dont la Fédération
[ les facilités de circulation des cheminots]
Des facilités admises sur le principe
Dans son rapport introductif au décret du 4 juin 1923, le ministre des Travaux publics
Le Trocquer reconnaissait que, jusqu’à ce jour
« restées quelque peu en marge
du droit », « les facilités de circulation, si elles sont bien comprises, sont des mesures
d’opportunité et d’équité »
Quant à l’économiste libéral Colson, avocat officieux de la cause des compagnies
privées, dans la séance du Conseil supérieur des chemins de fer du 20 novembre 1922,
il jugeait que
« les facilités de circulation données aux familles du personnel des
chemins de fer constituent l’un des éléments de la rémunération. »
DR/Coll. G. Ribeill
Extraite du
Livret PLM
, carte de libre circulation en 1
classe.
CGT des cheminots réclame la géné-
ralisation. Mais régime plus restrictif
pour les agents recrutés depuis 1924:
plus de faveurs permanentes, 12 per-
mis accordés et autres facilités de cir-
culation réduites; le régime des classes
est modifié et l’accès à la seconde plus
limité; comble, au mari et à la famille
de la
femme-agent
, il n’est pas
accordé de facilités de circulation
S’agissant des retraités, en conformité
de l’article 4 du décret du 4 juin 1923,
un nouveau régime commun est éta-
bli à dater du 1
juillet 1924, moins
favorable que les régimes antérieurs.
Enfin, le régime des bons de trans-
port est complètement supprimé!
Dans ce contexte, la Fédération CGT
va entreprendre un long combat pour
revendiquer un régime unifié vers le
haut pour l’ensemble du personnel
actif et du personnel retraité, l’abro-
gation du décret de 1923, l’accès aux
trains rapides et express sans les res-
trictions imposées pendant l’été et
certaines fêtes. Ainsi s’exprime le
secrétaire Liaud au Congrès fédéral
de juin 1929:
« Les cheminots jeunes
et vieux doivent avoir les mêmes
droits, ayant les mêmes devoirs sur
les lieux de travail »
; quant aux retrai-
tés, les restrictions sont
« un manque
à la parole donnée. Alors qu’en
entrant dans les chemins de fer, ils
avaient l’espérance de pouvoir béné-
ficier alors qu’ils seraient en retraite,
d’un nombre de permis leur permet-
tant de se déplacer assez souvent, ils
sont maintenant soumis à des règle-
ments arbitraires. »
Les années 1930, de
l’austérité à la générosité
En 1930, l’inspecteur des finances
Pierre Fournier (futur président de la
SNCF de 1940 à 1946), chargé d’un
audit financier des grands réseaux,
dénonce à propos des recettes voya-
geurs le manque à gagner dû à la
délivrance de cartes et permis. En
1929 ont été délivrés 3757 cartes de
circulation et 134495 permis gratuits,
6536 bons de réduction à quart de
tarif et 725645 à demi-tarif: une
perte chiffrée à 52millions, soit
1,6% de l’ensemble.
« Une expé-
rience quotidienne, individuelle, suf-
fit à dénoncer les excès des faveurs
ainsi concédées »
, pointe Fournier qui
conclut qu’
« au moment où des sacri-
fices nouveaux vont être demandés
aux usagers pour parer au déficit de
l’exploitation des voies ferrées [une
hausse des tarifs], il paraît équitable
que la disparition ou la restriction des
privilèges abusivement consentis soit
d’abord poursuivie. »
Dans leur réponse à Fournier, les
réseaux soutiennent cette recomman-
dation,
« constamment pressés de
consentir des immunités de parcours à
des personnes chaque jour plus nom-
breuses »
. Mais de rappeler aussi le
nécessaire distinguo entre les bénéfi-
ciaires des divers tarifs réduits: les
mutilés de guerre, les familles des mili-
taires morts à la guerre, les familles
nombreuses profitent d’avantages
consentis en vertu de lois mais com-
pensés par l’État
; les facilités de cir-
culation délivrées aux agents – la
10-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
1923: même faculté d’accès aux places assises pour les agents
que pour les voyageurs payants
Suite à la réclamation d’un voyageur, le Comité de direction, porte-parole
des directions des grands réseaux, en l’occurrence par la voix du directeur général
du PLM Margot émettait cet avis dont ne pouvaient que se féliciter les agents.
Paris, le 17juillet 1923
Le président du Comité de direction à M. le directeur du Contrôle de l’Exploitation
technique
Par bordereau du 11juillet 1923, vous avez bien voulu me communiquer
une réclamation de M. Bagot, demeurant 5, rue Boullitte à Paris, qui proteste
contre l’occupation des places assises dans les trains de voyageurs porteurs de permis
alors qu’il ne reste plus de place disponible pour les voyageurs munis de billets.
J’ai l’honneur de vous faire remarquer que les voyageurs qui sont porteurs de cartes
de circulation ou de permis se trouvent en situation aussi régulière que les voyageurs
pourvus de billets; le même titre dont ils sont munis leur donne les mêmes droits que
ceux qui sont attachés au billet des autres voyageurs. Les grands réseaux ne sauraient
donc, sauf le cas de circonstances spéciales, faire une discrimination entre
ces différentes catégories de voyageurs.
En conséquence, la réclamation de M. Bagot ne me semble pas susceptible d’aucune
suite.
Margot
DR/Coll. G. Ribeill
Brochure de la Fédération CGT: un copieux document,
suite à l’extension des catégories de nouveaux bénéficiaires.
Avril 2014
Historail
majeure partie – allègent quant à elles
les charges salariales:
« Comme il est
tenu compte de cet avantage dans la
rémunération allouée aux agents, on
ne saurait considérer ces facilités de
circulation comme une charge pour
les réseaux. »
Voilà de quoi rassurer la
corporation cheminote!
La crise économique appelle la
rigueur sociale, et aux agents entrés
en service après le 1
juin 1933 s’ap-
plique une réglementation des faci-
lités de circulation encore plus res-
trictive. Mais pour peu de temps.
Sous le Front populaire, un nouveau
régime très favorable est accordé.
Unifiant depuis 1935 ex-confédérés
(CGT) et ex-unitaires (CGTU), la
Fédération nationale des travailleurs
des chemins de fer obtiendra sans
coup férir que soient satisfaites des
revendications formulées depuis
l’après-guerre, l’unification mais
aussi l’extension des faveurs. Mis en
application au 1
janvier 1937, la
Fédération publie une brochure de
48 pages, sollicitant des agents l’ap-
probation de sa négociation et leur
appui futur pour
« consolider et élar-
gir les avantages acquis »
Que ce soit en régime intérieur ou en
régime d’échange, tous les régimes
des facilités de circulation sont amé-
liorés, touchant jusqu’aux familles des
retraités et aux agents révoqués à la
suite de la grève de 1920 ou pour
action revendicative, titulaires d’une
pension de retraite à jouissance diffé-
rée
. Ainsi les
agents majeurs-
hommes
auront une carte d’identité
donnant droit à la circulation gratuite
sur leur réseau et sept permis gratuits
sur un autre réseau, éventuellement
soudés lorsque le voyage emprunte
plusieurs réseaux. La
femme-agent
chef de famille,
célibataire, veuve,
séparée ou divorcée, est enfin assimi-
lée à l’agent-homme. En matière d’at-
tribution de
bons de transport pour
provisions de ménage,
il est mis fin
aux distinctions entre agents du cadre
permanent.
À l’évidence, les réseaux ont concédé
beaucoup sur ce front revendicatif, et
ce d’autant plus facilement que ces
concessions n’entraînaient de leur part
aucune dépense nouvelle,
tout en
ayant un très fort impact social. Autre-
ment dit, une concession «rentable».
À l’époque où est propagé par les
compagnies le thème de « la grande
famille cheminote » que cette facili-
tation des voyages
ne peut que conso-
lider au sein des
foyers des agents,
cet « acquis des
luttes » contribue
assurément à for-
ger l’unité et
l’identité chemi-
note. Deux ans plus
tard, en poussant à un
régime définitivement
unifié des facilités de circula-
tion, la création de la SNCF consti-
tuera une nouvelle étape dans le
même sens.
1952: une mémorable
passe d’armes
aux sommets
Marcel Pellenc(1897-1972), poly-
technicien, ingénieur diplômé de
Sup’Elec, licencié en droit, radical-
socialiste élu sénateur du Vaucluse en
1948, rapporteur général de com-
mission des finances, se fera une spé-
cialité de la critique des entreprises
nationalisées et des sociétés d’écono-
[ les facilités de circulation des cheminots]
À nos camarades cheminots,
Lorsque la Fédération nationale des cheminots a posé devant le Comité de direction les diverses
revendications qu’elle entendait faire aboutir (…), elle a insisté pour que fût tranchée rapidement
la question des facilités de circulation. Il lui apparaissait, en effet, que tout système, dans quelque
domaine que ce soit, qui avait pour résultat de créer la division parmi les cheminots par suite de leur
répartition en catégories plus ou moins infériorisées, devait disparaître. Toute son action a donc tendu
à supprimer les catégories des « anciens » et des « nouveaux », en un mot à instituer un régime unique
pour l’ensemble des cheminots.
Aussi la Fédération a-t-elle réclamé et obtenu en premier lieu que les agents de tous les réseaux
bénéficieraient de la
carte de libre circulation,
et que, d’autre part, les divers règlements seraient
fondus en un seul qui réglementerait dorénavant toutes les catégories. Ce résultat a été obtenu et tous
les cheminots doivent s’en féliciter. (…) Sur des réseaux, des avantages particuliers existaient qui
n’étaient pas appliqués sur d’autres. Nous avons pu obtenir que certains avantages soient maintenus
à titre personnel pour les agents qui en bénéficiaient avant l’application du nouveau règlement.
La Fédération, après avoir bataillé et enregistré de nouvelles améliorations au projet primitif, a cru
devoir donner son agrément au règlement qu’on trouvera ci-après, afin de ne pas en retarder
l’application après le 1
janvier 1937.
La Fédération des cheminots
(introduction à la brochure de 1937)
« On ne saurait considérer ces facilités de
circulation comme une charge pour les réseaux »
Le sénateur
Marcel Pellenc,
un «poids lourd»
de la contestation.
mie mixte, présidant la sous-commis-
sion de suivi de leur gestion. La SNCF
sera l’une de ses victimes favorites,
pourfendeur du statut et du régime
de retraites des cheminots, comme
de leurs
« effectifs pléthoriques »
Début 1952, il dépose une proposi-
tion de loi
« tendant à la réorgani-
sation des transports ferroviaires et
routiers et à l’assainissement financier
de la SNCF »
, où sont notamment
décortiqués dans un copieux rapport
tous ces
« avantages accessoires »
des
cheminots: primes, heures supplé-
mentaires, indemnités de logement,
soins médicaux, économats, facilités
de circulation, prêts et secours, bons
de marchandises à prix réduits, sub-
ventions aux associations sportives et
culturelles, régime d’apprentissage,
régime des retraites…
Il va ainsi tenter de chiffrer
« ce que
coûtent à la SNCF et par conséquent
à l’État, les facilités de transport accor-
dées aux agents, à leur famille et aux
retraités»
, un chiffrage établi à partir
de chiffres officiels
. Soit 443500
cartes gratuites pour les agents en
activité; 6,4millions de permis gra-
tuits et 740000 cartes à tarif réduit
de 90% pour les enfants, parents,
grands-parents et beaux-parents;
3,6millions de permis gratuits et
2,7millions de permis à 75% de
réduction pour les retraités de la SNCF
et leurs familles. Puis, admettant que
les porteurs de cartes de circulation
voyagent au moins deux fois par mois,
soit 24 fois par an,
« ce qui semble
même très modeste »
, il en arrive ainsi
à 38,641millions de voyages gratuits.
En estimant l’aller et retour moyen à
2 x 75km, cela fait donc 5,8milliards
de kilomètres-voyageurs gratuits, et
rapporté au trafic total de la SNCF
(26milliards),
« nous voyons que les
facilités de circulation représentent
environ 20% du trafic total »
, soit, à
raison d’une moyenne de 1200 voya-
geurs par train,
« 80000 trains de
voyageurs complets »
! Et donc de
proposer
« la suppression progressive
12-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
S’agissant de la famille des agents majeurs-
hommes, les niveaux de parenté et des conditions
annexes définissent quatre catégories
hiérarchisées d’ayants droit, ainsi fixées
(sans détailler ici systématiquement toutes
les conditions requises et facilités accordées):
1) la femme de l’agent demeurant avec lui ou,
à défaut, la fille aînée majeure, célibataire, ou l’une
des autres filles majeures célibataires tenant
le ménage de son père veuf, divorcé ou séparé;
les enfants mineurs non mariés demeurant chez
l’agent ou placés hors de la résidence pour leur
instruction, leur éducation ou pour raison de santé
suivant certificat du service médical du réseau;
les enfants mineurs placés en apprentissage;
les filles majeures célibataires; les enfants majeurs
poursuivant leurs études; les enfants majeurs
malades ou infirmes; les beaux-fils et belles-filles;
les petits-enfants, pupilles et autres enfants élevés
par l’agent; les nourrices ou bonnes habitant chez
l’agent accompagnant les enfants âgés de moins
de trois ans: 20 permis gratuits; les fils ou beaux-fils
militaires: quatre permis.
2) les père et mère, beau-père et belle-mère,
grands-pères et grands-mères habitant chez
l’agent de manière permanente: 10 permis; les
filles majeures célibataires âgées de plus de 25 ans
habitant chez l’agent, les domestiques salariés
voyageant avec leurs maîtres: deux permis.
3) les père et mère, beau-père et belle-mère,
grands-pères et grands-mères, enfants et petits-
enfants, gendres et brus, beaux-fils et belles-filles
autres que ceux relevant des deux catégories
précédentes: deux permis.
4) les frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs,
neveux et nièces venant voir l’agent
à sa résidence: deux bons à 50%.
En matière d’approvisionnement, des cartes
gratuites sont délivrées aux familles d’agents
résidant dans des localités sans marché
hebdomadaire ou insuffisamment approvisionné
(valables 52 fois par an), aux enfants d’agents
se rendant à l’école, au collège ou au lycée,
aux enfants en apprentissage; les agents actifs
bénéficient du transport gratuit de leur mobilier
à l’occasion d’un changement de poste ou d’un
héritage, et les agents décédés en service, de
transports funéraires gratuits mais en omnibus!…
1937: quelques facilités acquises en régime intérieur, à titre suggestif
DR/Coll. G. Ribeill
Pierre Tissier,
président
de la SNCF, avocat
de la défense.
Avril 2014
Historail
et fortifient chez tous le sentiment de
la dignité personnelle, et la facilité
laissée à l’ouvrier d’exercer librement
les devoirs de la religion et de la
famille. Le repos du dimanche est
donc nécessaire à l’ouvrier; il faut
qu’il soit respecté au double point de
vue de la moralité et de l’hygiène.
L’exemple, à cet égard, doit être
donné par les administrations
publiques (…). J’ai décidé qu’à l’ave-
nir aucun travail n’aura lieu dans les
ateliers dépendant des travaux
publics, le dimanche et les jours fériés,
pour les ouvriers employés à la jour-
née au compte du gouvernement. »
Évidemment, cette mesure ne
concerne pas le personnel des com-
pagnies à qui un cahier des charges
prescrit
« d’exécuter constamment
avec soin, exactitude et célérité »
transport des personnes et des mar-
chandises: les trains roulent de jour
comme de nuit, par tous temps et
tous les jours de l’année! Bien
entendu, des horaires et roulements
planifiés règlent les postes des agents
actifs
– agents des trains et des gares,
équipes de conduite, gardes-voies et
aiguilleurs, etc. – permettant cette
continuité de l’exploitation, les grandes
gares de voyageurs étant ouvertes jour
et nuit pour accueillir les trains.
Au Paris-Orléans,
de pieuses initiatives
Il revint au jeune Augustin Cochin,
catholique libéral (1823-1872), entré
au conseil d’administration duPOle
27 mars 1852 pour succé-
der à son beau-père Denys
Benoist d’Azy décédé pré-
maturément, d’y prendre en
charge les « questions ouvrières »
Il crée diverses œuvres sociales
et en
1855 obtient que pour l’observation
du dimanche, deux heures de repos
soient accordées aux agents des
gares. Cochin a eu recours à une
« ruse pieuse » pour arracher cette
concession au conseil d’administra-
tion
. Ayant reçu plusieurs lettres
demandant le repos du dimanche
d’évêques et archevêques dont celui
d’Orléans, MgrDupanloup, le conseil
désigna une
« commission du
dimanche »
dont Cochin fut le rap-
porteur… Ainsi allait aboutir un règle-
ment
« conciliant les intérêts religieux
DR/Coll. G. R.
Augustin Cochin,
administrateur
du PO, militant
catholique du repos
dominical.
En haut:
les bassins de la
Joliette à Marseille
en 1908.
L’activité, intense,
et la continuité
de l’exploitation
dans les chemins
de fer contraignaient
les clients du fret
à travailler
les dimanches.
et moraux et le bien-être des agents…
avec les nécessités du service »
en réalité, Cochin avait soufflé les
termes aux prélats mobilisés!
Journal des chemins de fer
14février 1857, s’est fait l’écho de
cette décision:
«M.le ministre des
Travaux publics [Rouher] vient de
prendre la décision suivante, que le
chef de l’exploitation du Chemin
de fer d’Orléans, Solacroup, s’est
empressé de communiquer à tous les
chefs de gare et de station sur la
ligne:
“Les dimanches et jours fériés,
les gares de marchandises seront fer-
mées à midi et les livraisons à faire, à
partir de midi, seront remises à la pre-
mière moitié du jour suivant.”
Cette
décision a été accueillie avec une vive
satisfaction par les ouvriers des gares
des marchandises, qui auront ainsi un
jour de repos par semaine alors que
les règlements ne leur avaient laissé
jusqu’ici qu’un jour de chômage ou
de permission par mois. »
Il faut attendre un arrêté du ministre
Béhic, daté du 12 juin 1866, pour que
soit fixé le régime général d’ouverture
des gares GV et PV
(voir le tableau ci-
dessus)
, et donc, en marge, retenu
pour ces dernières, un régime domi-
nical particulier.
Des dirigeants protestants
des chemins de fer suisses
se mobilisent
C’est dans les milieux protestants
suisses que la question du repos domi-
nical est soulevée, animée à Lausanne
par la
Société suisse pour la sanctifi-
cation du dimanche.
L’acuité propre
aux compagnies ferroviaires justifie
que soit lancé un concours interna-
tional en mai 1872: un prix de 400fr.
récompensera le meilleur mémoire
argumentant cette cause
. Présidé par
William Fraisse, ancien directeur du
chemin de fer Ouest-Suisse, le jury dis-
tinguera parmi les 12 mémoires ano-
nymes reçus, le mémoire intitulé
repos est, comme le travail, une loi de
Dieu ».
Remarqué pour
« sa clarté, sa
connaissance réelle du service et la
justesse de ses vues »,
il défend une
bonne cause: en France, où le légis-
lateur a prescrit en 1866 la suspen-
sion de service de la petite vitesse
le dimanche depuis midi, l’auteur
propose son extension à la journée
entière
. Mais au prix d’une
embauche d’agents…
Certes, c’est
« une longue durée de
présence obligée et absolue plutôt
qu’un excès de travail excessif »
caractérise le travail dans les chemins
de fer, mais aussi les fréquents coups
de collier
« qui surchargent le
personnel ».
Alléger le travail du
dimanche en le reportant sur la
semaine aurait ainsi
« de sérieux
inconvénients pour les services des
conducteurs de trains, des mécani-
ciens et des équipes, notamment. »
« Augmenter de quelques heures le
travail en semaine des ouvriers en
même temps qu’on augmenterait
leur salaire pour compenser celui du
dimanche »
paraît pourtant la solu-
tion la plus simple et la plus pratique:
même gain et même nombre
d’heures de travail pour les ouvriers,
pas de nouvelles dépenses et mêmes
profits pour les compagnies. Mais l’au-
teur objecte qu’une journée allongée
« d’une ou deux heures plus fati-
gantes encore »
contribuerait à
« aggraver les chances d’accidents et
d’erreurs »
, d’où de fréquents procès
et indemnités élevées à la charge des
compagnies… Rien n’étant modifié
aux horaires et traitements des agents,
le travail reporté sera donc confié à
du personnel recruté en proportion,
qui constituera une
« précieuse
réserve d’agents exercés »
en évitant
le recours
« à des aides ou à des auxi-
liaires souvent inexpérimentés »!
L’auteur, à qui 250fr seront attribués,
se révèle être un Français, le conduc-
teur principal des ponts et chaussées
Germain Palaa, alors attaché à Pau au
service des Chemins de fer du Midi.
Il est très probable qu’il était lui-même
protestant, faisant le 30 mai 1876 une
conférence à la Société protestante
des jeunes gens de Pau
, que publie le
petit éditeur parisien J. Bonhoure
1874: une offensive
générale
Les 6 et 7 juin 1874, devant l’As-
semblée nationale, le ministre des
Travaux publics Eugène Caillaux
prend l’engagement d’étudier de
nouvelles mesures à prendre
« pour
que les ouvriers et employés de che-
mins de fer ne soient pas exclus par
les nécessités du service, de toute
participation aux offices de leur
culte. »
Dès lors, un collectif se mobi-
lise, publie en juillet une brochure
anonyme sortie de l’imprimerie
Chaix,
Le Repos du dimanche et les
compagnies de chemins de fer. Fer-
meture des gares aux marchandises
de petite vitesse
. On y fait l’éloge
« repos du septième jour »,
cette
« loi universelle »
qui touche
« à la souveraineté de Dieu, à la
dignité morale de l’homme, à la sta-
bilité et au bonheur des familles ».
Et de rappeler que la Révolution fran-
çaise lui a rendu hommage par la loi
16-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
Heures
avril au 30 septembre
octobre au 31 mars
dimanches et jours fériés
d’ouverture
gares GV
de 6 h du matin au plus tard
de 7 h du matin au plus tard
à 8 h du soir au plus tôt
à 8 h du soir au plus tôt
de 6 h du matin au plus tard
de 7 h du matin au plus tard
fermeture à midi; les livraisons restant
gares PV
à 6 h du soir au plus tôt
à 5 h du soir au plus tôt
à faire sont reportées à la première
moitié du jour suivant
Le régime d’ouverture des gares fixé en 1866
Avril 2014
Historail
du 17 thermidor anVI qui institue le
décadi
, tout comme l’anarchiste
Proudhon (1809-1865) consacrant
un livre à démontrer cette
« loi
divine »
, aujourd’hui méprisée
« des mauvais ouvriers des ateliers,
par le chômage du lundi. »
C’est la forte croissance du personnel
des compagnies, détourné de ses
devoirs religieux, qui appelle la
prompte intervention de l’État. L’ef-
fectif recensé au 1
janvier 1866, soit
111460 agents à raison de huit par
km de ligne, doit donc se chiffrer
aujourd’hui à 150000 employés; si
bien qu’
« en tenant compte de la
famille, on peut dire que la main des
compagnies s’étend sur 300000à
400000personnes, soit un centième
environ de la population française.
C’est là une grande armée, qui, par
la continuité du service, se trouve
vouée à l’oubli de ses devoirs religieux,
à une sorte de paganisme officiel,
aussi contraire à la santé du corps
qu’à celle de l’âme. »
Plus raisonnablement, étaient surtout
concernés les services du Mouvement
des trains de marchandises et des
manœuvres dans les gares de triage
« la question du classement des
wagons par destination est une des
plus grosses difficultés de l’exploita-
tion actuelle des chemins de fer »,
les trains roulent jour et nuit sur les
grandes lignes. Le moment n’est pas
venu de demander qu’on cessât d’y
travailler le dimanche, il faudrait plutôt
accroître d’un septième le parc et le
matériel…
Mais l’inquiétant
paganisme officiel
dénoncé atteint aussi le commerce et
l’industrie, les destinataires des mar-
chandises
« obligés, à moins d’un sup-
plément de frais, de tenir leur maison
ouverte pour recevoir les marchandises
camionnées par la compagnie, ou
pour les envoyer prendre à la gare par
leurs propres voituriers. »
Dans une
des grandes gares du PLM, 367
employés aux écritures sont obligés
d’être tous présents le dimanche matin
et en France ainsi 30000 personnes
« qu’un simple arrêté ministériel arra-
cherait à une situation qu’on a com-
parée à un véritable esclavage. »
Faut-il craindre pour la compétition
commerciale? Non pas, puisqu’en
Angleterre comme aux États-Unis, le
repos dominical est absolu, et qu’en
en Allemagne et en Suisse où le ser-
vice de la petite vitesse est suspendu,
« la prospérité commerciale et indus-
trielle n’en a souffert de rien. »
La réforme aura bien au contraire des
effets moraux très positifs. D’une part,
«le service sera meilleur »
; les
« hommes honnêtes et intelligents »,
actuellement rebutés par un service
pénible et contraire à leurs devoirs
familiaux et principes religieux,
« accepteront alors les fonctions
d’employés dans les chemins de fer »,
ils élèveront le niveau moral de cette
importante population; d’autre part,
la réforme assurera
« un repos bien
nécessaire »
aux facteurs et voituriers
attachés aux entreprises de camion-
nage ou au service des usines; les
compagnies gagneront en employés
« plus satisfaits de leur sort, plus atta-
chés à leur service professionnel, plus
dispos au travail »
; enfin
«le gouver-
nement aura sans bruit (…) contribué
à restaurer le respect de Dieu, sans
lequel il est chimérique d’espérer la
paix sociale et la stabilité politique »!
De nouvelles relances
Ces arguments ont laissé globalement
de marbre les conseils d’administra-
tion des compagnies, et c’est en Suisse
que la croisade repart! Au premier
Congrès pour l’observation du
dimanche tenu à Genève le 30 sep-
tembre 1876, assistent le vicomte de la
Panouze, inspecteur général délégué
du PO, et Alfred André, administra-
teur du PLM. La Conférence interna-
tionale des transports par chemins de
fer tenue à Berne du 13 mai au 4juin
1878 consacre une séance à la ques-
tion: proposée par un participant, la
suspension de la marche des trains de
marchandises le dimanche est rejetée
au profit d’un délai de remise en gare
ou de livraison simplement retardé
[ la question du travail dominical dans les chemins de fer]
« C’est là une grande armée qui, par la continuité du service,
se trouve vouée à une sorte de paganisme officiel…»
Ci-dessus, une vue
générale de la gare
des marchandises à
Bécon-les-Bruyères.
DR/Photorail – SNCF ©
teurs et serre-freins sur des
lignes dont le trafic peu
considérable justifiait
que tous puissent ren-
trer chaque soir chez
eux, et observait des
« résultats excel-
lents »
« les femmes
sont contentes de
revoir leur mari. Elles
sont heureuses à la
pensée qu’ils ne vont pas
contracter dans chaque
ville où les hasards du roule-
ment les dirigent, soit de nou-
veaux attachements, soit des
dettes »
; mieux encore, du point de
la vue de la compagnie, on n’enre-
gistrait
« plus une seule démission
d’agent ni une seule opposition sur
leur traitement »
suite à une dette,
alors qu’en même temps le service
marchait mieux! De Bruyn, directeur
du chemin de fer belge de Termonde
à Saint-Nicolas, souligna que si l’in-
terruption des services de marchan-
dises ne soulevait pas de difficultés,
il n’était pas possible de priver les
populations de profiter du dimanche
pour faire des excursions ou se rendre
à la campagne chez des amis ou des
parents. Grierson, directeur général
Great Western Railway,
rappelait
que le petit nombre de trains de
voyageurs circulant le dimanche per-
mettait de limiter à 33% les agents
du Mouvement occupés et à 11%
ceux de la Traction, les agents de la
Voie étant tous au repos, à l’excep-
tion dans chaque section du piqueur
tenu à accomplir matin et soir un par-
cours à pied sur sa ligne. Thielen, au
nom des Chemins de fer de l’État
prussien, évoqua la difficulté à coor-
donner les jours de repos sur de petits
réseaux indépendants.
Ainsi plusieurs questions furent débat-
tues: ne fallait-il pas obtenir au préa-
lable l’entente des réseaux autour
d’un même jour de repos avant de
rechercher ensuite l’accord des États?
Et ce jour de congé hebdomadaire
devait-il être obligatoirement le
dimanche? Sa mise en œuvre ne
serait-elle pas d’un coût trop élevé?
Devait-on appliquer la mesure aux
seuls services de marchandises, ou
comprendre aussi le service des voya-
geurs?
Finalement, la commission proposa
en séance plénière la proposition sui-
vante, accueillie par des applaudis-
sements:
« Le Congrès exprime l’opi-
nion que, tant dans l’intérêt du
personnel actif des chemins de fer
que dans celui de la bonne marche
des services, il y a lieu d’étendre le sys-
tème du repos hebdomadaire, de
faire coïncider le repos, dans la
mesure du possible, avec le dimanche
ou les jours de fête, et de provoquer,
à cet effet, les ententes qui pourraient
être nécessaires entre les administra-
tions de chemins de fer»,
la formule
« jours de fête »
ne désignant
« ni le
calendrier grégorien ni tout autre
calendrier »
afin de satisfaire tous les
réseaux. Administrateur des chemins
de fer de l’État belge, Belpaire réagit à
une formulation qui n’imposait donc
pas le repos du dimanche,
« ce jour
où les parents et amis des agents
ne travaillent pas, où on leur rend
visite »
… Deux termes furent corri-
gés, assouplissant la formule: exten-
sion du système du repos
«pério-
dique»
plutôt qu’
«hebdomadaire»,
ciblée sur le dimanche et non pas
«des»
mais
«un jour»
de fête
Paris, 1889: un nouvel
état des lieux
À l’occasion de l’Exposition univer-
selle de Paris de 1889, de multiples
congrès internationaux furent orga-
nisés, que facilitait la venue de nom-
breux officiels étrangers. Tel fut le
20-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
DR/Coll. G. R.
Léon Say,
administrateur
de la Compagnie
du Nord : un libéral
en matière de
questions sociales.
Palaa, auteur aussi d’un
Dictionnaire
à grand succès
Germain Palaa sera fort bien connu et apprécié de son vivant pour l’œuvre pratique
qu’il publie: édité par Marchal et Billard, son
Dictionnaire législatif et réglementaire
des chemins de fer
connaîtra trois éditions, d’un poids croissant, entremêlées
de suppléments
Né à Orthez le 31 juillet 1821, il fit une carrière de conducteur des ponts et chaussées,
dans les bureaux des services de contrôle des compagnies: contrôle des chemins de fer
de Paris à Lyon et de Lyon à Genève, Est puis Midi, retraité en 1886, avec un modeste
traitement de 2200 fr. Il avait tenu à occuper ces postes d’observation privilégiés
malgré ses capacités reconnues par ses supérieurs qui le notent. Ainsi en 1863,
«je suis
toujours très satisfait des services de ce conducteur distingué, qui vient enfin de
terminer son recueil des documents intéressant l’exploitation des chemins de fer.
Ce recueil sera très utile aux fonctionnaires du contrôle, aux agents de compagnies
et même au public (…). Possédant des connaissances techniques suffisantes et une
instruction administrative étendue, doué d’ailleurs de forme très convenable et d’un
bon esprit, M. Palaa pourrait être appelé à remplir les fonctions d’ingénieur ordinaire.
Mais il préférerait le poste d’Inspecteur de l’Exploitation commerciale et j’espère
qu’il pourra l’obtenir un jour. »
« ce conducteur, intègre, tout dévoué à son
service, tient à rester fidèle à la bonne réputation que ses travaux lui ont faite dans
le contrôle des chemins de fer. »
« son service n’est pas en rapport avec
ses capacités »
Le 19 juillet 1880, la croix de chevalier de la Légion d’honneur réclamée pour Palaa depuis
1873, lui est attribuée. En 1885, avant de prendre sa retraite à Bordeaux, il sollicite
un sursis d’un an, manifestant le
« désir de terminer la 3
édition »
de son
Dictionnaire
« dont les tirages précédents sont épuisés jusqu’au dernier exemplaire »
! Sans doute
a-t-il gagné beaucoup d’argent avec cet ouvrage
« que l’administration délivre à tous
les fonctionnaires et agents du contrôle de l’Exploitation»
était-il noté en 1878.
(Source: ANF F14/2633, dossier de carrière)
éd., 1864, 1019 pp.; 2
édition, 1872, 1124 pp.; 3
édition, 1887, 2 tomes, 823 pp. et 884 pp.;
Ultime Supplément
1894, 312pp.
Avril 2014
Historail
Congrès international du repos heb-
domadaire au point de vue hygié-
nique et social,
tenu du 24 au 27 sep-
tembre. Une séance fut consacrée à
l’inventaire des mesures adoptées
dans les chemins de fer, sous la pré-
sidence de l’éminent homme poli-
tique Léon Say, bras droit de Roth-
schild et administrateur de la
Compagnie du Nord, tenant d’une
doctrine libérale en matière de ques-
tions sociales.
Nordling, ancien directeur des Che-
mins de fer autrichiens, chargé de
dresser un état des lieux
, rappela
que l’entente des réseaux convenue
à Bruxelles en 1885 n’était pas réali-
sée, le fautif désigné étant un public
exigeant le dimanche des services
non pas allégés mais renforcés, si
bien qu’un employé de chemin de
fer a pu, avec justesse, s’écrier:
dimanche pour nous, c’est le pire des
jours! »
. Plutôt que le recours à une
réserve d’agents inefficace et coûteuse
« pour arriver à un dimanche libre
sur 3, soit 17 dimanches par an, il fau-
drait entretenir un agent de réserve
pour deux agents en service et accor-
der à chacun des trois 10 jours de
repos par mois »
– il préconisait une
interruption du service, même par-
tielle, plus ou moins réalisée ici ou là.
En France, en vertu d’une circulaire
du 2 juin 1886, les gares PV sont fer-
mées un seul et même jour de l’an-
née, le 14 juillet; en Allemagne, mal-
gré la mosaïque des exploitations, le
Règlement d’exploitation appliqué aux
70000km des réseaux du Verein, ins-
taure que «
les dimanches et fêtes,
les marchandises PV ne sont ni reçues
ni délivrées. Les marchandises GV sont
reçues et délivrées, le dimanche et
jours fériés, mais seulement aux
heures fixées à cet effet, heures affi-
chées et publiées dans un journal de
la localité. »
En Suisse, la loi fédérale
du 23 décembre 1872 octroie aux
fonctionnaires et employés des che-
mins de fer au moins un dimanche
sur trois. En Grande-Bretagne, contrai-
rement à la légende de trains figés
sur leur parcours du samedi à minuit
jusqu’au lundi matin, circule au moins
un train omnibus « parlementaire »
dans chaque sens, les trains interna-
tionaux ignorant le dimanche.
Nordling réfutait les objections clas-
siques: l’élasticité des moyens n’en-
traîne pas un surcroît de dépense de
1/7, tout comme on peut éviter l’en-
combrement des halles en relevant les
taxes de magasinage. Nordling rap-
pela que l’impulsion donnée au pre-
mier congrès international de 1885 à
Bruxelles avait été suivie de mesures
concrètes sur les chemins de fer
belges, alors que la question avait été
oubliée à Milan en 1887 lors du
second congrès baignant
« dans un
milieu essentiellement adonné à la
laïcisation »
, comme ici à Paris lors du
troisième congrès, l’été 1889,
« où je
crois que si l’on a évité la question,
c’est qu’on la considérait comme trop
brûlante. »
Mais de reconnaître
« un détail tech-
nique »
embarrassant:
« jusqu’à pré-
sent on a toujours considéré qu’on
ne pouvait pas séparer un mécanicien
de sa locomotive. De même qu’un
fantassin a son fusil à lui, de même
chaque mécanicien a sa locomotive. »
Si bien qu’on ne peut faire passer un
mécanicien du service des marchan-
dises à celui des voyageurs. Mais
« aujourd’hui, cet axiome est battu
en brèche »
, comme on le voit sur les
lignes du Jura, de Berne – Lucerne, du
Central Suisse, et surtout du Saint-
Gothard où l’on pratique une certaine
banalité:
« Un mécanicien qui a sa
locomotive à lui aujourd’hui, demain,
après-demain, finit par ne plus guère
l’examiner, tandis que quand il en
change, il y a un examen contradic-
toire qui se fait. »
Léon Say intervien-
dra sur le même registre, rappelant
qu’en France, on a trop exagéré
division du travail »
dans les
chemins de fer, citant en
contre-exemple le che-
min de fer de Chimay
où les équipes de la
voie réparent les mai-
sons des gardes, en
font la peinture et la
menuiserie, construi-
sent même parfois ces
maisons!
La France en
retard?
Dans le débat, la situation française
apparut bien en retrait, et c’est ce qui
décida le directeur du PLM Gustave
Noblemaire à s’expliquer. En dressant
un tableau satisfaisant des compa-
gnies françaises où
« il n’y a pas un
seul employé qui n’ait, aux frais de la
Compagnie, au moins 12 jours de
congé par an »
, mais s’affirmant hos-
tile à l’arrêt du service de trains de
marchandises le dimanche:
« Cette
réduction procurera aux mécaniciens,
chauffeurs et conducteurs l’avantage
de ne pas faire autant de kilomètres le
dimanche que les autres jours, mais
leur procurera-t-elle la possibilité de
passer le dimanche dans la famille?
Pas du tout. Ils s’arrêteront le samedi
soir là où ils se trouveront, mais ils ne
seront pas dans leur famille et il sera
impossible de les y ramener. »
situation est plus facile en Belgique,
« un petit pays dans lequel le méca-
nicien n’est jamais très loin de sa rési-
dence »
, comme dans la Ruhr où les
gros clients des chemins de fer,
sont les mines de houille du gouver-
nement prussien »
qui chôment le
dimanche, et donc
« rien de plus
naturel que la circulation des trains
chôme également. »
[ la question du travail dominical dans les chemins de fer]
Il fallut attendre la loi du 13 juillet 1906 pour fixer le principe
du repos hebdomadaire, appliqué aux chemins de fer
par l’arrêté ministériel du 17 avril 1908.
DR/Coll. G. R.
Gustave
Noblemaire,
directeur du PLM,
hostile à l’arrêt du
service des trains
de marchandises
le dimanche.
Noblemaire, à la tête du réseau euro-
péen le plus étendu, soulignait bien
la difficulté de coordination et d’en-
tente entre des réseaux de dimen-
sions très variées. Finalement, au
nom du PLM, il réclamait du ministre
des Travaux publics la modification
de l’arrêté de 1866: fermeture des
gares PV les dimanches et jours
fériés, toute la journée; ouverture
jusqu’à midi pour l’expédition des
volailles, poissons, viandes, fruits et
légumes frais, produits laitiers.
« Une
demande que je me permets de
craindre qu’elle ne soit pas favora-
blement accueillie »
, précisait toute-
fois Noblemaire.
Initiative généreuse appuyée donc
par les congressistes, réclamant aussi
des mesures équivalentes pour les
employés des autres entreprises
publiques de transport, bateaux à
vapeur, tramways, omnibus!
De ce congrès, résulta en France en
décembre 1889 la constitution d’une
Ligue populaire pour le repos du
dimanche en France,
chargée de
« démontrer la nécessité et les bien-
faits du dimanche »
spécialement
appliqué aux ouvriers et aux
employés. La présidence d’honneur
revenait au sénateur Jules Simon,
Léon Say étant président, Nordling,
vice-président, et Jules Michel, ingé-
nieur en chef au PLM, membre du
comité dirigeant.
1908: une réforme
bien tardive
Alors que la loi du 13 juillet 1906 éta-
blissant le
repos hebdomadaire
des
travailleurs ne s’appliquait pas aux
agents des chemins de fer affectés
au service public (articles 3 et 17)
mais aux employés des ateliers
dépendant des chemins de fer et des
entreprises accessoires, spontané-
ment, dans une lettre collective adres-
sée le 21 septembre 1906 au ministre
des Travaux publics, les grandes com-
pagnies allaient s’engager à accorder
à leur personnel un régime de repos
périodiques équivalent mais adapté
aux nécessités de l’exploitation.
42 ans après l’instauration du
régime de 1866 relatif à l’ouverture
des gares PV et GV, un arrêté minis-
tériel du 17avril 1908 le modifiait
enfin de manière significative s’agis-
sant des horaires des dimanches et
jours fériés: à dater du 15 mai 1908,
les gares GV fermeraient après 11h,
les gares PV étant fermées toute la
journée.
Georges Ribeill
22-
Historail
Avril 2014
SOCIAL
avril au 30 septembre
octobre au 31 mars
dimanches et jours fériés
gares GV
de 6 h du matin au plus tard
de 7 h du matin au plus tard
fermeture à partir de 11 h
à 8 h du soir au plus tôt
à 8 h du soir au plus tôt
du 16 mars au 15 octobre
du 16 octobre au 15 mars
dimanches et jours fériés
de 6 h du matin au plus tard
de 7 h du matin au plus tard
gares PV
à 6 h du soir au plus tôt
à 5 h du soir au plus tôt
fermeture toute la journée
Le régime d’ouverture des gares fixé par l’arrêté du 17 avril 1908
1. Le PO se distingue par l’influence cléricale que vont y exercer nombre
d’administrateurs catholiques conservateurs, aux côtés de protestants plus avancés
tel le président Bartholony d’origine suisse.
2. Magasin de denrées et de vêtements, réfectoire ouvert à Ivry en 1857, service
médical gratuit, commission de secours aux familles en difficulté, service de classes
et réunions dominicales pour les jeunes filles…
3. Jean-Baptiste Duroselle,
Les Débuts du catholicisme social en France (1822-1870),
PUF, 1951, p.651.
4.
La suspension du travail le dimanche sur les chemins de fer pour le service
des marchandises à petite vitesse. Concours,
Lausanne, 1873, 70pp.
5.
« Les gares de marchandises à petite vitesse seront fermées pendant les dimanches
et jours fériés, et le délai de livraison sera pour ce fait augmenté de 12heures,
s’il comprend le dimanche. »
6.
La question du travail du dimanche sur les chemins de fer. Conférence faite
le 30 mai 1876 à la Société protestante des jeunes gens de Pau,
Paris, J.Bonhoure,
27pp.
7. Cet éditeur (48, rue de Lille) publie de multiples brochures sur le sujet. Citons,
aux titres suggestifs: de A.Bost,
La perle des jours, ou les avantages du sabbat
pour les classes ouvrières;
de L.Noé Cosson,
Quelques entretiens sur la présence
des chrétiens dans les voitures publiques et les chemins de fer, le dimanche;
de T. Delhorbe,
Le Jour du Seigneur ou le jour du péché;
X.,
Saint-Lundi
.
8. 1
re
éd., 1874, Chaix, 31 pp.; 3
e
éd., octobre 1878.
9. Dans le calendrier républicain institué de 1791 à 1806, les mois étaient découpés
en trois décadis de 10 jours.
10.
De l’utilité de la célébration du dimanche, considérée sous les rapports
de l’hygiène publique, de la morale, des relations de famille et de cité,
1837.
11. Jacqmin,
Étude sur les conditions d’existence du personnel des chemins de fer,
1880, chapitreVIII,
Repos,
pp.629 et 645. (Documentation SNCF, 14 E 1)
12. « Le repos du dimanche dans les chemins de fer »,
La Réforme sociale,
1
er
mai 1881, pp. 301-302.
13. Ce terme désigne alors aussi bien les réseaux privés que d’État. De même, selon
la terminologie de l’époque, les
agents
des réseaux disposent d’un statut, inversement
à leurs
ouvriers
.
14.
Congrès international du repos hebdomadaire au point de vue hygiénique
et social,
Paris, Guillaumin; Genève, Fischbacher, 1890, pp. 199-209.
Avril 2014
Historail
Sur cet almanach
des Postes
et des Télégraphes
de 1914,
l’illustration
de la scène en gare
est fort à propos
légendée:
«Comment on
manque le train».
Des water-closets
dans les voitures:
des besoins pas si pressants que ça…
En sept circulaires ministérielles, durant la Belle Époque,
voici un résumé parlant de la délicate question de l’installation
de WC dans les trains de voyageurs, qui doit pallier
les insuffisances et inconvénients des WC des gares
DR/Coll. G. Ribeill
L
e 3 avril 1879, le ministre des
Travaux publics Charles de Frey-
cinet s’adresse aux administrateurs
des compagnies
: suite aux nom-
breuses réclamations de voya-
geurs, il est devenu opportun
d’adjoindre aux trains express un
wagon muni de WC. Certes cette
mesure ne relève ni des obligations
résultant du cahier des chargesni
de règlements, mais
recommande à la sollicitude des
compagnies, par l’intérêt qu’elle
représente au point de vue du bien-
être des voyageurs. »
Les trains ainsi
équipés et leurs compartiments amé-
nagés affectés à chaque sexe devront
être signalés de manière bien visible.
Le 2 mars 1881, le ministre Sadi-
Carnot s’adresse aux inspecteurs
généraux du contrôle. Le conseil
général de l’Hérault a formulé un vœu
tendant à obtenir que
« tous les trains
de voyageurs soient munis de cabi-
nets et qu’un signe apparent les
désigne au public, afin que les voya-
geurs puissent en faire usage entre
deux stations. »
Suite à délibération
du Comité de l’exploitation technique
consulté à cet effet
, il n’y a pas lieu
d’insister auprès des compagnies pour
l’extension aux trains omnibus de ce
qui est déjà acquis pour les trains
express:
« l’adjonction de WC aurait,
entre autres, comme inconvénient,
celui de réduire d’une manière assez
sensible les emplacements dont les
compagnies disposent dans les trains
de cette nature. »
En revanche, dans
certaines gares, les compagnies doi-
vent rendre plus apparente l’entrée
des WC.
Le 29 novembre 1887, le ministre
Heredia s’adresse aux administrateurs:
suite à de nouvelles réclamations et
aux renseignements qu’on lui a four-
nis, des écriteaux en gros caractères
signalent l’entrée des cabinets, et
des trains express et directs sont
bien pourvus de compartiments ou
de fourgons aménagés. Mais ces
mesures doivent être encore complé-
tées, s’agissant notamment des
trains effectuant de longs par-
cours sans arrêts d’une certaine
durée. Les compagnies sont donc
invitées à étudier l’établissement
de WC
dans tous les trains qui
marchent pendant plus de deux
heures, sans stationnement d’au
moins dix minutes.
Le 11 août 1890, le ministre
Yves Guyot s’adresse aux admi-
nistrateurs. Des compagnies objec-
tent que
« l’application stricte de cette
prescription présenterait de sérieuses
difficultés pour l’utilisation du maté-
riel et la composition des convois, et
qu’elle nécessiterait la construction
d’un nombre assez considérable de
fourgons d’un nouveau modèle, ce
qui occasionnerait des dépenses hors
de proportion avec les avantages à
attendre. »
Si le Comité de l’exploita-
tion technique consulté a reconnu que
l’application de la circulaire de 1887
n’avait pas un
« caractère d’urgence »
réalisable au fur et à mesure du pas-
sage des fourgons aux ateliers, il main-
tient cependant ses prescriptions.
Le 12 avril 1904, le directeur des che-
mins de fer Pérouse s’adresse aux
directeurs du contrôle. À l’occasion
d’un vœu formulé par le conseil d’ar-
rondissement de Valenciennes, le
Comité de l’exploitation technique a
constaté que
« le long délai écoulé
depuis 1887 n’a pas été partout utilisé
d’une manière satisfaisante et que les
commodités offertes aux voyageurs
français sont restées dans un état d’in-
fériorité regrettable par rapport à
celles dont bénéficient la plupart des
pays étrangers. »
Avant d’intervenir
auprès des compagnies, il est néces-
saire de faire le bilan des améliora-
tions réalisées sur les divers réseaux.
« Dans le délai de quinzaine »
, les
directeurs du contrôle devront répon-
dre à la question:
« quels sont, parmi
les trains rentrant dans la définition
de la circulaire du 29 novembre 1887,
ceux munis de WC et ceux qui en sont
encore dépourvus? »
Suite à cette enquête, le 7 juillet 1904,
le même directeur s’adresse aux admi-
24-
Historail
Avril 2014
Bâtiment voyageurs
et WC de la gare
d’Ailly-sur-Noye
(Somme).
Sur la ligne
du «tacot»,
Nevers – Saint-
Saulge, inaugurée
en décembre1904.
Dessin humoristique
d’un départ manqué:
«Arr’tez! Arr’tez
don voute
macanique, a seu
pas d’dans».
DR-Photorail – SNCF ©
CONFORT
Avril 2014
Historail
de la voie, le cantonnier embrasse
d’un coup d’œil, à droite et à gauche,
les lignes horizontales des côtés supé-
rieurs, et voit de suite le point où ces
lignes sont brisées par suite de la rota-
tion de l’écrou, à moins qu’elle ne soit
précisément de 90°. Le cantonnier
resserre l’écrou et le remet d’équerre
en le serrant un peu plus ou un peu
moins, et en employant au besoin de
petites rondelles. »
Mais c’est dans le
Manuel pratique des
poseurs de voies de csdf
de l’inspec-
teur de la voie du PO Henri Salin,
ouvrage qui connaîtra une grande dif-
fusion, que l’on trouve des instructions
précises quant à l’opération de l’éclis-
sage de la voie qui suit son dressage,
précisément quant au serrage des
boulons savamment dosé, suffisant,
mais pas trop, au risque de les dété-
riorer, au point de déterminer même
la longueur de la clef de serrage
« On place les quatre boulons à
chaque joint et l’on serre les écrous
avec une clef à fourche dont la lon-
gueur est fixée dans la Compagnie
d’Orléans à 0,45m; des clefs plus
longue donneraient plus de force, il
est vrai, mais on en défend l’usage
parce qu’il faut éviter que par un ser-
rage excessif on détériore le filet du
boulon. On s’est assuré en effet
qu’avec une clef de 0,60m de lon-
gueur, par exemple, un homme
robuste arrache le boulon facile-
ment. »
Des débats entre ingénieurs traiteront
des deux options, quatre boulons ou
seulement trois, celui du milieu fixé à
hauteur du joint des rails, disposition
adoptée sur le chemin de fer du Bour-
bonnais dans un souci d’économie
mais vite abandonnée; ou encore de
la fatigue de l’éclisse en fonction de la
position adoptée pour les joints, repo-
sant sur les traverses soit en porte-à-
faux. Plus tard, pour éviter le desser-
rage, plutôt que le recours au double
écrou coûteux, on recourra à la
ron-
delle de Grover
: logé entre l’éclisse et
l’écrou, cet anneau plat d’acier
trempé, fendu selon un rayon et dont
les deux bords sont déplacés, fait res-
sort lors du serrage, s’incruste dans
les surfaces métalliques et empêche
ainsi le boulon de se desserrer sous
l’influence des vibrations.
Qui soupçonnerait encore aujourd’hui
qu’il ait été porté autant d’attention
dans la conception et la surveillance
de ces petites barres métalliques?
Georges Ribeill
[ aiguilles, éclisses et boulons]
Extrait du
Manuel pratique des poseurs de voies de csdf
1. « Quatre ouvriers et un chef, voilà la brigade », selon
Amédée Guillemin
(Simple explication des chemins de fer,
Hachette, 1862, p.211), cette petite équipe chargée
de redresser la voie, remplacer les rails brisés ou hors de
service, de niveler la chaussée, de compléter le ballast. La taille
moyenne des brigades de la voie ira augmentant, déterminée
par la capacité de soulever un rail.
2. Couche,
Voie, Matériel roulant et Exploitation technique
des chemins de fer,
tomeI, Dunod, 1867-1868, pp. 104-107.
3. Salin,
Manuel pratique des poseurs de voies de csdf,
Dunod,
nouvelle édition, 1882, p.59.
Avril 2014
Historail
Faut-il alerter par l’explosion d’un
simple pétard le mécanicien qui
n’a pas respecté le ralentissement
ou l’arrêt que lui prescrit
un signal? Ou plutôt et plus sûr,
déclencher l’arrêt automatique du
train? Tel est le fil rouge qui relie
trois temps forts dans l’histoire
des dispositifs de sécurité
des circulations: avant 1914, le
«crocodile» couplé au freinage
automatique, testé au Nord
puis abandonné; entre les deux
guerres, l’échec de l’extension
de l’appareil Rodolausse exploité
pourtant avec succès sur la ligne
de Paris à Limours; enfin, à l’issue
d’une série noire d’accidents, le
fameux KVB adopté par la SNCF
sur ses lignes depuis 1990…
Un filet
de
secours…
crocodile,
Rodolausse,
KVB?
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 290301
32-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
1872-1914
Naissance et diffusion du crocodile au Nord
La prise de conscience
précoce d’un ingénieur
du contrôle
C’est en 1867, dans le premier
ouvrage paru en France consacré à la
signalisation
, qu’est évoquée la vigi-
lance bien faillible du mécanicien:
« Quelle que soit l’attention des méca-
niciens, il serait utile de pouvoir,
en tout temps, les prévenir quelque
100 mètres à l’avance qu’un signal
est fermé. En temps de brouillard,
un disque est à peine visible à
100 mètres; 5 à 6 secondes suffisent
à un train express pour franchir cette
distance. On conçoit qu’un mécani-
cien puisse être obligé de regarder
dans une autre direction que celle du
disque, pendant un espace de temps
aussi court; s’il tombe de la neige ou
de la grêle, il a la vue troublée. Un
agent peut négliger d’allumer la lan-
terne d’un disque, le vent peut étein-
dre la lumière de ce disque, que le
mécanicien dépassera sans être averti.
Enfin, on peut admettre qu’unméca-
nicien manque de vigilance pendant
quelques instants, quelques minutes,
quoiqu’il soit le premier intéressé à
éviter tout accident, et qu’il passe à
côté d’un disque mis à l’arrêt sans
s’en apercevoir. Nous le répé-
tons donc, il serait très utile
que le mécanicien fût
averti que la voie est
fermée devant lui.
Pour arriver à ce résul-
tat, il faut trouver
autre chose que des
pétards qui seraient
incessamment écra-
sés. »
Des pétardsou
signaux détonants qu’un
règlement du 15 mars
1856 a d’abord rendus obli-
gatoires par temps de brouillard, avant
de devenir un signal acoustique dou-
blant certains signaux optiques fixes.
C’est à Édouard Brame, ingénieur des
ponts et chaussées alors affecté au
service du contrôle des chemins de
fer du Nord, que revient de reconnaî-
tre que la faillibilité du mécanicien
appelle des palliatifs.
1872: l’apparition
du « crocodile »
sur 200km de
voies du Nord
Dans deux accidents
survenus en 1871au
Nord, la visibilité des
signaux est en cause,
gênée par un intense
brouillard. Le 18 août, le
brouillard est incriminé,
comme le rapporte
Le Figaro
A. Gernigon
Avertissement
et TIV «30» fixes,
répétés par
crocodile ondulé
unifié (Roumazières-
Loubert, 1999).
Édouard Brame
(1818-1888),
polytechnicien,
ingénieur des ponts
et chaussées
chargé du Contrôle
du Nord.
DR
1876: une impulsion
politique pour une grande
diffusion
Ayant donné par tous les temps et à
toute vitesse des résultats très satisfai-
sants que valide un rapport spécial des
ingénieurs du contrôle, la Compagnie
du Nordva équiper 58 machines du
service des voyageurs et 60 disques
du dispositif. La commission des Inven-
tions de chemin de fer, appelée à don-
ner son avis, ira à Chantilly voir fonc-
tionner le nouveau signal, avant de
formuler son opinion:
« l’excellence
des résultats de l’emploi dusifflet Lar-
tigue-Forest autorise à le considérer
comme réalisant une très bonne solu-
tion pratique à un problème de grand
intérêt pour l’exploitation des chemins
de fer, dont la sécurité est imparfaite-
ment garantie par les signaux pure-
ment visuels. Grâce à son emploi, tout
emplacement sera bon pour l’implan-
tation de disques à distance, et il sera
possible, sans aucun préjudice pour la
sécurité, de placer les disques avancés
à une distance invariable des points
à couvrir, uniformité qui peut offrir
quelques avantages et à laquelle cer-
tains ingénieurs attachent du prix. La
portée de tout signal, bornée sous le
rapport visuel par les accidents de ter-
rain, par des obstacles naturels ou arti-
ficiels, passagers ou permanents,
pourra, au moyen d’un fil plus ou
moins long, être étendue aussi loin
que les circonstances l’exigeront, le
signal visuel étant transformé en un
signal acoustique d’une efficacité
certaine. »
La commission étant favorable à ce
que ce système soit porté à la connais-
sance des compagnies, ainsi, par sa
circulaire du 12 janvier 1876 adressée
aux compagnies, le ministre des Tra-
vaux publics Caillaux allait pousser à
sa généralisation:
« D’après cet avis
que j’ai adopté, j’ai l’honneur, Mes-
sieurs, d’appeler votre attention sur le
sifflet électromoteur de MM.Lartigue
et Forest, qui permet d’obtenir la soli-
darité, déjà recommandée par mon
administration, des signaux acous-
tiques avec les signaux visuels. Vous
serez obligés de m’accuser réception
de la présente dépêche »…
De manière opportune, Lartigue et
Forest rééditent aussitôt leur brochure,
dans laquelle on relève un simple ajout,
la réfutation de la seule objection qui
ait été faite à l’emploi du système:
les mécaniciens comptent sur le signal
acoustique donné par les sifflets auto-
moteurs, ils n’apporteront plus la
même attention aux signaux à vue
des disques. »
Et de citer
a contrario
l’inspecteur des chemins de fer du
Royaume-Uni, le colonel Rich:
« L’ob-
jection,
disait-il,
aurait une certaine
valeur, si les signaux fixes manœuvrés
à distance étaient les seuls qui com-
mandassent l’arrêt aux mécaniciens.
Mais, à tous les moments de la marche
Avril 2014
Historail
[ 1872-1914: naissance et diffusion du crocodile au Nord]
Médaillon page de
gauche: Édouard
Delebecque
(1832-1888),
ingénieur des Mines
de Paris, ingénieur
en chef du Matériel
et de la Traction
au Nord.
Ci-dessus et page
de gauche: friande
d’événements rares
et surtout tragiques,
la presse est
volubile pour traiter
des accidents
de chemins de fer
à la une illustrée
et coloriée de
nombreux
quotidiens grand
public ou dans
leurs colonnes.
Ci-contre:
envoyer courir
les cantonniers
au-devant des trains
pour les avertir
d’un danger,
telle est la recette
primitive
que tenteront
de suppléer
les premiers signaux
dits avancés.
DR/Photorail
38-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
29 juin 1872: l’acte de baptême du « crocodile »
Annexé à la deuxième édition de la brochure de Lartigue et Forest, on trouve dans ce document, le rapport présenté
par Delebecque au comité de direction de la Compagnie du Nord le 9 décembre 1872:
Messieurs,
Pendant les jours de brouillard intense qui ont si
malheureusement caractérisé la fin de l’année dernière,
plusieurs accidents ont été dus à cette particularité que
les mécaniciens ne voyaient pas les disques. J’ai constaté
moi-même, le jour de l’accident de Survilliers, qu’il n’était
pas possible, même à un homme averti, de voir les disques
de cette gare à plus de quatre ou cinq pas de distance.
On conçoit donc que l’observation des signaux par un
mécanicien lancé à grande vitesse était très problématique.
Cette difficulté très grave dans l’exploitation a entraîné
la recherche de moyens permettant de rendre les disques
sensibles aux mécaniciens par un organe autre que la vue.
On a imaginé de poser sur la machine un sifflet spécial
maintenu fermé au moyen d’un levier appliqué contre
un électroaimant. Sur la voie se trouve une poutre
longitudinale garnie de l’armature métallique à travers
laquelle circule un courant électrique dépendant
de la sonnerie. La machine porte une brosse métallique
réunie par un fil à l’électroaimant, et si elle passe devant
un disque fermé, le courant électrique qui s’établit a pour
propriété d’enlever à l’électroaimant sa force d’attraction
et le sifflet s’ouvre au moyen d’un ressort.
Ce système, appliqué à la machine Crampton n°165, a réussi
du premier coup: dans les essais faits le 29 juin 1872, sur
la ligne de Soissons avec la machine seule, le sifflet a
fonctionné sans hésitation aux plus grandes vitesses que l’on
ait pu donner à la machine. Depuis cette époque, la poutre
de contact a été mise en avant de Pierrefitte, c’est-à-dire
dans un point où les trains express atteignent leur vitesse
maximum. Cette poutre, au moyen d’une pile spéciale, était
toujours parcourue par le courant électrique, de telle sorte
que l’essai de l’appareil avait lieu à chaque passage
de la machine. Du 1
juillet au 1
décembre, cette machine
a parcouru 14952km, et jamais l’appareil n’a manqué. Il ne
peut donc plus y avoir de doute sur la sécurité du système,
si ce n’est par les temps de forte neige et de verglas pendant
lesquels il n’a pas encore pu être examiné.
En présence de cette expérience favorable, je crois qu’il est
de l’intérêt bien entendu de la Compagnie de développer
cet essai; je proposerai donc d’appliquer le sifflet électrique
aux machines des dépôts de Paris, de Tergnier et d’Amiens,
faisant le service des express, et la poutre de communication
aux disques des gares des lignes de Chantilly, de Creil
à Amiens, et de Creil à Tergnier.
Le nombre des machines pour trains-express des trois dépôts
indiqués ci-dessus est de 45, sans compter la machine 165
déjà munie de l’appareil.
L’ingénieur chef du matériel et de la traction,
E. Delebecque
C’est l’une de ces
Crampton, équipée
de sa brosse, qui
balaiera au Nord le
premier crocodile.
DR/Coll. Henri Dupuis
40-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
conduite des trains par un ingénieux
asservissement mettant hors circuit
in extremis
le mécanicien, fautif ou
distrait. Rendant compte de cette
puissante innovation début 1880
, le
chroniqueur scientifique des
Annales
industrielles
, gravure à l’appui (
voir
page ci-jointe des Annales)
,soulignait
les progrès accrus en termes de sécu-
rité:
« en temps de brouillard, de neige
ou de grêle où le mécanicien peut
avoir la vue troublée; si un agent
néglige d’allumer la lanterne du disque
ou si le vent éteint la lumière; en cas
de rupture d’attelage, la machine
s’arrête de suite »
, indiquant que
200 locomotives étaient équipées du
sifflet et 300 crocodiles répartis sur
les lignes de Paris à Erquelinnes, de
Paris à Calais par Boulogne ou par Lille.
L’accident de Montsecret
déclenche une grande
enquête
Survenu dans l’Orne le vendredi
15 août 1879 sur la ligne à voie
unique de Paris à Granville, entre les
stations de Flers et de Montsecret,
un train de voyageurs entre en colli-
sion avec un train de marchandises
et l’on dénombre quatre employés
tués et autant de voyageurs. L’acci-
dent émeut l’opinion publique. Le
ministre de Freycinet ordonne aussi-
tôt une enquête
« sur les moyens
de prévenir les accidents de chemins
de fer »,
confiée à une commission
présidée par l’inspecteur général des
Mines de Nerville et dont font par-
tie les directeurs du contrôle des
six grands réseaux, réunie 23 fois du
16octobre 1879 au 6juillet 1880.
Les grandes compagnies ont reçu le
15 novembre un questionnairedont
les réponses guideront les rappor-
teurs sur les mesures à prendre. Soit
87 questions réparties comme suit:
12 concernent la voie, 22 les signaux,
20 le matériel roulant et la traction,
6 les freins, 15 l’exploitation, 12 enfin
l’exploitation à voie unique. Deux
questions concernent le respect des
signaux d’arrêt:
« A-t-on le moyen
de faire qu’un train ne puisse fran-
chir un signal mis à l’arrêt sans qu’un
bruit ou un autre avertissement cer-
tain appelle l’attention du mécani-
cien? En fait-on usage? »
(question
19);
« Peut-on même faire que le
signal à l’arrêt détermine automati-
quement l’arrêt ou le ralentissement
du train? »
(question 20).
(Voir
tableau page suivante).
Tous adeptes des fameux pétards
– un moyen efficace de piéger les
mécaniciens coupables d’inattention,
reconnaissent l’Est et le PLM –, les
réponses des compagnies en dehors
du Nord révèlent bien un scepticisme
partagé étayé sur l’invocation plus ou
moins explicite de deux risques, la vigi-
lance émoussée du mécanicien et un
dysfonctionnement de l’appareil.
À Henry Lartigue, inventeur du cro-
codile et autres systèmes de sécurité
la commission a posé les mêmes
questions; ses réponses tiennent à
promouvoir son invention: il rappelle
l’application depuis 1872 du sifflet
électromoteur, suivie de la circulaire
du 12 janvier 1876 restée sans suite;
quant au déclenchement automa-
tique des freins continus, testé avec
efficacité au Nord sur le frein élec-
trique Achard et le frein par vide
Smith, il souligne qu’il pourrait aussi
bien s’appliquer au frein Westing-
house en plein essor sur d’autres
réseaux…
Le rapport de la commission publié le
8 juillet 1880 souligne la complexité
des problèmes techniques à résoudre.
À l’occasion, 218 projets d’inventeurs
DR/Photorail
Crocodile et brosse
de contact en 1914.
Avril 2014
Historail
[ 1872-1914: naissance et diffusion du crocodile au Nord]
Le système de couplage entre crocodile, sifflet et conduite du frein continu, conçu par Delebecque et Banderali (
Les Annales industrielles
, janvier 1880)
Bibliothèque nationale de France
express des grandes lignes de Paris à
Calais, Boulogne, Lille, Soissons et les
trains de marée.
La commission va donc accoucher
d’une circulaire du 13 septembre
1880, signée du ministre Varroy, pro-
mouvant frein continu, block-system
et cloches électriques, mais sans men-
tion du crocodile et du dispositif asso-
cié d’arrêt automatique des trains.
Il est vrai que c’est la sécurité de l’ex-
ploitation sur voie unique qui a pola-
risé l’attention de la commission, et
que le crocodile en l’état présente
l’inconvénient de ne pouvoir fonc-
tionner que sur des voies où les trains
circulent à sens unique.
Le dispositif d’arrêt
automatique arrêté!
En 1883, paraît la nouvelle édition,
mise à jour et considérablement épais-
sie évidemment du livre de Brame de
1867, qui s’est associé l’ingénieur des
mines Louis Aguillon, polytechnicien
de la promotion 1861: un inventaire
très complet des signaux actuellement
employés ou essayés sur les grands
réseaux français, mais bien prudent en
termes de recommandations
. Dans
leur préface, les auteurs rappellent
« leur abstention, autant que possible,
de toute critique comme de toute dis-
cussion dogmatique (…). Nous
croyons que le rapprochement métho-
dique des pratiques des diverses com-
pagnies porte avec lui un enseigne-
ment suffisant. »
Relevons qu’est
brièvement décrit et de manière ano-
dine le sifflet électromoteur du Nord
équipant alors 289 machines, ainsi que
la modification appliquée par Dele-
becque et Banderali sur les machines
munies du frein à vide
L’excellent ouvrage de vulgarisation
que signent en 1888 le polytechni-
cien sous-chef du Mouvement à
l’Ouest Pol Lefèvre et le centralien
Georges Cerbelaud, inspecteur à la
Ceinture, en signale bien l’usage
« Pour suppléer aux indications don-
nées aux mécaniciens par les signaux
et parer à un moment d’inattention,
la Compagnie du Nord a appliqué à
certains signaux avancés l’appareil
de déclenchement de MM.Lartigue,
Forest et Digney, perfectionné par
MM.Delebecque et Banderali»
mais assorti toutefois de la critique
récurrente d’une vigilance émous-
sée:
« Ces appareils sont très simples
et fonctionnent généralement
bien; mais comme tout ce qui sort
des mains humaines, ils sont sujets
à des ratés. Or il est à craindre que le
personnel, se fiant à leur action, se
désintéresse des mesures de sécurité
qu’il est chargé de prendre, de telle
sorte qu’en cas de mauvais fonc-
tionnement de ces appareils, tout
manquerait à la fois et la circulation
des trains serait livrée au hasard.
C’est ce motif qui empêche que l’on
applique plus largement les appareils
automatiques, afin de tenir toujours
en haleine les agents chargés de la
sécurité ».
C’est grâce au premier article consacré
à ce qui est devenu maintenant le
« crocodile Lartigue et Forest » enva-
hissant les voies du Nord, signé de l’in-
génieur du Nord, le centralien Coss-
mann
, que l’on apprend l’abandon
du crocodile amélioré par Delebecque
et Banderali. Des errements ainsi jus-
tifiés: le sifflet se faisant entendre à
200 mètres avant d’atteindre le signal
fermé,
« au début, on s’est demandé
s’il ne serait pas meilleur encore d’ob-
tenir que l’action du crocodile, au lieu
d’agir sur un simple sifflet d’avertisse-
ment, produisit directement le déclen-
chement du frein automatique; mais
après un essai, qui avait été satisfai-
sant au point de vue purement tech-
nique, de la facilité avec laquelle ce
résultat peut être obtenu, la Compa-
gnie n’y a pas donné suite, parce
44-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
1878-1894: 16 années d’arrêt automatique des trains au Nord, mais un système
trop rigide et détourné par les mécaniciens!
Il semble que Cossmann ait manifesté quelque amour-propre
à ne pas mieux préciser la véritable cause de l’abandon
du dispositif d’arrêt automatique, que révélerait plus tard
l’ingénieur Maison dans son cours de chemins de fer
à l’École des Mines*:
Après avoir adopté le crocodile en 1872,
«en 1878,
le réseau du Nord se résolut afin d’obtenir une sécurité
plus satisfaisante, de remplacer l’action sur le sifflet
électromoteur par le déclenchement de frein automatique
à vide qu’il venait d’adopter. Mais on dut reconnaître, par
la suite, que l’action de frein était très brutale, et, comme
les disques sont très éloignés des points protégés, les trains
se trouvaient arrêtés à de grandes distances des gares
ou des signaux d’arrêt, ce qui provoquait des retards. Aussi
bien, les mécaniciens, avaient-ils tendance à empêcher le
déclenchement du frein à l’approche des signaux en calant
l’appareil, afin d’éviter ces arrêts brusques qui, d’ailleurs,
dans certaines conditions de profil, pouvaient être une cause
de rupture d’attelage et même de danger, par suite
des marches en dérive qui en sont souvent la conséquence.
En raison de ces inconvénients, le Nord décida, en janvier
1894, de supprimer l’action sur le frein pour revenir
au déclenchement d’un sifflet électromoteur.»
Arrêts intempestifs, risques de ruptures d’attelage,
un système neutralisé par les mécaniciens…, voilà donc
les conséquences fâcheuses et non anticipées du système
d’arrêt automatique des trains. Entre les deux guerres,
sujet à nouveau débattu, cet argument allait jouer chez
les ingénieurs des grands réseaux français, pour s’opposer
encore à de nouveaux appareils, comme on le verra plus loin.
* Ferdinand Maison,
Exploitation technique des chemins de fer,
Béranger, 1932, p. 116.
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Historail
qu’elle a pensé qu’il n’était pas bon
d’agir sur les freins en dehors de la
volonté des mécaniciens et presque,
pourrait-on dire, contre leur volonté:
on risquerait ainsi de provoquer, sur-
tout avec des freins à action rapide,
tel que le Westinghouse, des arrêts
intempestifs, que ne commande pas le
disque à distance, qui est un
signal
franchissable
par excellence, n’impo-
sant pas
l’arrêt absolu. » De même,
alors qu’il n’y aurait aucune difficulté
à enregistrer le franchissement d’un
disque à l’arrêt,
« c’est-à-dire en défi-
nitive la faute du mécanicien »
, ce
contrôle n’est pas utile: le crocodile
est installé à distance de disques qui,
aux termes du récent code des
signaux
, sont des signaux franchis-
sables quand ils sont à l’arrêt; le méca-
nicien doit simplement alors se rendre
maître immédiatement de sa vitesse
de manière à être en mesure de s’ar-
rêter dans l’espace de voie qu’il aper-
çoit libre devant lui. Par contre,
« c’est
évidemment le franchissement interdit
d’un signal d’arrêt absolu, l’un de ceux
on ne doit jamais dépasser,
qu’il
importe de contrôler, pour qu’en cas
d’accident, l’enquête puisse établir
nettement à qui incombe la respon-
sabilité: au mécanicien, si le signal
était fermé; à l’agent sédentaire, si le
signal était effacé. »
Sur les voies du
Nord parcourues à sens unique, les
signaux carrés d’arrêt absolu
sont à la
fois
annoncés
à 800 mètres de dis-
tance par un indicateur à damier vert
et blanc et
doublés
sur place par un
pétard durant sa position d’arrêt. Ainsi
la doctrine avait évolué:
« la compa-
gnie a installé le crocodile “simple” à
tous
les disques à distance (1700m
environ) de son réseau à double voie,
et elle a muni de brosses
toutes
machines appelées à circuler sur les
voies principales. »
À raison de 250fr
par disque et de 500fr par machine,
un million environ avait été investi
dans l’opération.
1903, l’essor généralisé
du « crocodile »
encouragé…
Une circulaire du 18 septembre 1899
invite les réseaux à étudier des appa-
reils destinés à reproduire automati-
quement sur les machines des trains
en marche les signaux à l’arrêt que le
mécanicien viendrait à franchir sans
les apercevoir: des signaux
avertisseurs
aussi bien qu’
enregistreurs
de l’atten-
tion des mécaniciens. Une nouvelle cir-
culaire du 30 avril 1902 invite chaque
réseau à indiquer l’appareil choisi en
fin de compte et qu’il aurait à mettre
en œuvre au 1
janvier 1903! Manière
de forcer les choses… Mais seuls le
Midi et l’État semblant ainsi fixés, l’ad-
ministration allait considérer comme
opportun de tout remettre à plat et
de choisir elle-même un système parmi
les nombreux en lice! La commission
des inventions du Comité de l’exploi-
tation technique allait ainsi examiner
les résultats des essais établis par cer-
taines compagnies comme les propo-
sitions d’inventeurs, soit un inventaire
impressionnant. Outre le crocodile
adopté au Nord, modifié au PLM,
essayé au Midi, divers autres appareils
sont en lice: Netter et Queyroul,
expérimenté sur l’État; Laffas (1891) ;
Ribard, modifié par la Compagnie de
l’Ouest; de Braam, essayé à l’État;
Poublan, essayé à l’Orléans et au Midi;
[ 1872-1914: naissance et diffusion du crocodile au Nord]
Daniel Wurmser
Un crocodile
sur voie de service
en gare de Moret.
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Historail
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Je remercie vivement Christian Rodolausse de m’avoir confié les archives concernant les inventions de son grand-père Éloi et
les papiers de son père Georges ayant trait à leurs suites judiciaires. C’est à la vérité cette opportunité qui m’a incité à revenir
dans ce numéro d’
Historail
à l’histoire, antérieure, du crocodile et à celle, postérieure, du KVB. Manière de souligner com-
ment l’invention de Rodolausse se situait dans une filiation de préoccupations majeures en matière de sécurité ferroviaire.
Il est rare de disposer des papiers émanant d’un «perdant» engagé dans une vaste et durable mêlée d’acteurs aux intérêts
variés; trop fréquemment, l’historien des techniques ne dispose que des archives des seuls «gagnants» à l’issue de ces
joutes technologiques où l’invention triomphante devient innovation, alors que tombent dans les oubliettes de l’histoire les
brouillons, brevets et prototypes des machines des perdants malchanceux. Évidemment, si par ces sources privilégiées, le
point de vue est forcément partiel et partial, par empathie, l’on partage les hauts et les bas de cet inventeur qui connaîtra une
«période ascendante» selon les termes mêmes de son fils, suivie d’une apothéose avec une décision favorable des parle-
mentaires en 1929-1930, conclue par une «période descendante» jusqu’aux années 1938-1940. Mais il va de soi que cette
biographie pourra être prolongée, enrichie de nouvelles archives.
À chaque catastrophe impliquant un signal «brûlé», Éloi Rodolausse a entendu des appels divers en faveur de son appareil
qui avait parfaitement fonctionné sur la ligne de Limours pendant sept années. On imagine l’amertume croissante lorsque de
commission en commission, les essais de son appareil étaient soit reportés soit invalidés… En restituant les débats entre ingé-
nieurs spécialistes, on perçoit mieux la source de leurs hésitations à l’égard d’un système astucieux, qui, ainsi exclusivement méca-
nique, n’avait pas recours à l’électricité source de nombreux ratés.
L’histoire du «Rodolausse» illustre bien les difficultés des modestes inventeurs soucieux d’améliorer la sécurité des agents comme
des voyageurs, inventeurs qui, comme il sera dit de lui par un journaliste en 1929, ne faisaient pas partie «de la coterie des
ingénieurs des grands réseaux: Rodolausse ne sort ni de Centrale ni de Polytechnique.» Que ceux-ci devaient-ils penser dans
leur for intérieur de ce mécanicien installé dans un petit village de l’Aveyron?
Une invention bien oubliée de l’entre-deux-guerres,
l’appareil Rodolausse
En 1928,
Georges Rodolausse
accroupi au pied
du déclencheur
qui équipe l’une
des 10 locomotives
testées sur
l’ancienne ligne
de Paris à Limours.
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Historail
L’immédiat après-guerre:
série noire d’accidents
et circulaires à répétition!
Lorsque la guerre éclate, alors que le
Nord a quasiment équipé de croco-
diles toutes ses lignes à double voie,
les autres réseaux s’engagent à peine
dans des essais étendus. Passés aux
mains des autorités militaires, les che-
mins de fer français révèlent le défaut
de leurs préparatifs à cette reconver-
sion: l’absence de normes d’inter-
opérabilité entre les grands réseaux
limite les impératives interpénétrations
de leur matériel roulant, enrichi même
d’apports anglais et américains. Coup
dur pour le Nord qui
« dut démonter
ses crocodiles, sur lesquels certaines
machines françaises ou étrangères ne
pouvaient circuler en raison de la pré-
sence sous ces machines de pièces
basses descendant en dessous du
niveau supérieur de ces appareils.
La question devait donc être entière-
ment reprise après-guerre, dans un
contexte d’accidents de plus en plus
fréquents, imputables pour une
grande part à l’inobservation des
signaux. En 1919, 24 des 89 accidents
survenus durant les trois premiers tri-
mestres relevaient de cette cause;
le 3novembre suivant, survenait un
terrible accident toujours de même
origine: vers 23heures, arrêté entre
Pont-sur-Yonne et Sens par un séma-
phore, le Simplon-Orient-Express
attend le signal de voie libre. Le rapide
Paris – Genève qui le suit n’observe
pas les signaux le protégeant et vient
le tamponner à toute vitesse. On
décompte 18 tués et 60 blessés. Selon
la coutume administrative, une
prompte circulaire du 19novembre
invite à doubler par des pétards tous
les signaux impliquant la sécurité,
moins d’être munis d’appareils répé-
titeurs électriques ou mécaniques »
Peu après, dans la nuit du 4 au
5février 1920, à l’entrée de Perrigny,
survient un accident similaire: un
express dont le mécanicien n’a
observé aucun des trois signaux à l’ar-
rêt rencontrés depuis Gevrey-Cham-
bertin, heurte l’arrière d’un train de
messagerie, faisant 24 morts et
75blessés. Ces deux accidents moti-
vent une nouvelle circulaire exigeant
des réseaux un programme amplifié
d’installation des pétards d’ici un an…
En sus de ce commode recours à une
multiplication des pétards, la
répéti-
tion des signaux sur les machines
revint donc naturellement sur le tapis.
Par dépêche du 10avril 1920, les
réseaux étaient pressés
« d’entrer dans
la voie des réalisations »
, après agré-
ment de leurs divers appareils. Une
nouvelle décision du 1
août 1920
fixe même au 1
août 1922 l’achève-
ment de l’installation des appareils
répétiteurs. Dans l’urgence, l’Est et le
PLM se rallient donc au crocodile du
Nord, invités tous trois du coup à
adopter un type standardisé de cro-
codile.
Autorisé depuis le 8août 1919 à tes-
ter l’appareil Augereau basé sur des
ondes hertziennes
, le Réseau de
l’État n’est donc pas dans le coup,
mais craignant une période d’expéri-
mentation interminable, il se rallie au
crocodile. De même, le Midi, en train
d’électrifier son réseau, redoutant des
troubles électromagnétiques dans les
appareils électriques, s’était borné pro-
visoirement à assurer la répétition des
signaux avancés au moyen d’un appa-
reil abritant une cartouchière de
50pétards, avec remplacement auto-
matique des pétards écrasés. Il dut
renoncer lui aussi, de même que le
PO testant un type d’appareil acous-
tique.
Finalement, tous ces six grands
réseaux s’engagèrent dans un pro-
gramme d’exécution validé le 4août
1922 par le Service du contrôle,
achevé en 1925, le réseau d’Alsace-
Lorraine étant traité à part, les trop
basses parties des
machines, pour la plu-
part d’origine alle-
mande, ne permettant
par leur circulation sur
les crocodiles stan-
dards.
Premier article
de presse découpé
par Rodolausse
et inséré dans
son « press-book ».
Le système Rodolausse
suppose l’installation
au pied des signaux
de tiges pivotantes dont
la position est solidaire
de celle du signal:
verticale lorsque
le signal est fermé,
horizontale lorsqu’il est ouvert. Dans ce dernier cas, vient buter le déclencheur fixé au
châssis de la locomotive, commandant le déclenchement de l’appareil installé à bord
de la cabine de conduite.
Rodolausse a prévu que son appareil de voie puisse être mobile, installé sur le rail
en cas de danger prévu (à la manière d’un pétard mais déclenchant l’arrêt), ou puisse
équiper les passages à niveau: les barrières demeurant ouvertes par négligence,
un train survenant serait arrêté avant le franchissement du passage à niveau.
50-
Historail
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Appareils inventés et brevets déposés par Éloi Rodolausse
1. Dessin du premier appareil Rodolausse paru dans
La Technique moderne
(mars1921, p.103, article signé du polytechnicien J. Netter).
2. Nouvel appareil de sécurité admis aux essais sur le réseau d’Orléans en mars1922.
3. Nouvel appareil de contrôle et de sécurité appliqué en août1925 sur la ligne
de Paris-Luxembourg à Limours.
4. Appareil de contrôle et de sécurité pour chemins de fer type 1931.
490 10131 juillet 1917
Dispositif d’arrêt automatique des trains et de contrôle de la vitesse de ceux-ci.
494 03231 décembre 1918Appareil de surveillance mécanique des ralentissements permanents et de ceux précédant les arrêts prescrits par les signaux
aux trains de chemins de fer et tramways, avec arrêt automatique si besoin et contrôle de ce fonctionnement.
498 41216 avril 1919
Transmission électrique à distance des signaux détonants à l’usage dans les chemins de fer, tramways ou autres.
498 413///
Appareil de surveillance des vitesses, ralentissements prescrits aux trains de chemin de fer, tramways, bateaux, automobiles.
503 67627 août 1919
Transmission électromécanique des signaux de la voix sur le matériel roulant des chemins de fer, tramways ou autres.
525 29427 avril 1920
Appareil de surveillance et de contrôle des arrêts et ralentissements des trains de chemin de fer, tramways, etc.
530 6554 août 1920
Dispositif pour la commande des appareils de contrôle disposés sur le matériel roulant des chemins de fer.
541 6139 février 1921
Dispositif indiquant, sur une voie ferrée, l’endroit précis où l’appareil de contrôle de la vitesse du train a provoqué le serrage des freins.
551 40315 octobre 1923
Appareils de sécurité pour trains de chemins de fer limitant la vitesse suivant la pression d’air des freins.
589 20022 janvier 1924
Dispositif de contrôle de la fermeture automatique des régulateurs de la vapeur des locomotives ou de la rupture du courant
des automotrices électriques des chemins de fer et tramways.
609 8587 mai 1925
Appareils de transmission électromécanique des signaux de la voie sur les locomotives.
670 28926 février 1929
Valve servo-motrice de freinage pour freins à vide.
670 2904 mars 1929
Appareils de transmission électromécanique des signaux de la voie à la locomotive.
676 70313 octobre 1928
Dispositif assurant le fonctionnement de la pompe à air ou des injecteurs à vides des freins continus sur les trains.
715 37812 août 1930
Appareils de sécurité pour trains de chemin de fer.
722 3811
décembre 1930Dispositif avertisseur sonore du manque d’air dans la conduite générale des freins de chemin de fer.
725 81113 avril 1931
Dispositif permettant de modifier automatiquement les conditions de freinage automatique des freins de chemin de fer.
736 36325 août 1931
Appareil de contrôle et de sécurité pour chemins de fer et tramways s’adaptant aux chronotachymètres ordinaires.
787 3477 mars 1935
Dispositif de couverture automatique des trains par le disque et le crocodile.
825 47010 août 1937
Perfectionnements aux appareils de contrôle et de sécurité pour chemins de fer.
831 67517 avril 1938
Appareil de sécurité pour chemins de fer.
Les deux brevets du 7mars 1935 et du 10août 1937 sont déposés conjointement par Éloi et son fils Georges.
Docs. Coll. G. Ribeill
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Éloi Rodolausse, conscient du soutien
que pouvait lui apporter la presse, s’est
constitué un « press-book », rassemblant
les articles traitant de ses inventions.
On est surpris par le nombre et la qualité des
périodiques qui ont parlé du « Rodolausse ».
Journaux nationaux tels
Le Figaro
L’Illustration
Journal des Débats
politiques et littéraires
(1927, 1933);
ou régionaux comme
Le Petit Parisien
L’Ouest-Éclair
du 3août 1922
qui titre « L’Histoire d’une invention,
ou comment un modeste constructeur
de machines agricoles réussit là où avaient
échoué les plus savants ingénieurs, et trouva
un ministre pour le comprendre. »
Marius Alix lui consacre un long
reportage (
La France Active,
pp. 103-115):
« Les grandes
compagnies contre un petit
inventeur. Le problème
de la sécurité sur les chemins de fer
sera-t-il enfin résolu? »
. Et de rapporter
cette anecdote flatteuse pour ce
« petit inventeur »:
« L’appareil Rodolausse donne une telle sécurité qu’un agent
de la Compagnie d’Orléans n’a pas hésité à se prêter
à l’expérience que voici: M. David, chef de dépôt à Austerlitz,
s’est fait ficeler et déposer en travers d’une voie à 10m
au-delà d’un signal fermé. Puis une machine haut le pied
a été lancée à 60km/h sur cette voie. Il y avait cinq témoins
sur la machine, dont le mécanicien qui avait reçu l’ordre
de se croiser les bras. Le Rodolausse fonctionna si bien
que la locomotive inerte, sans direction humaine, est venue
tout doucement s’arrêter à une douzaine de mètres
de M. David dont le visage ne reflétait aucune anxiété tant
il était certain du résultat! »
Rodolausse intéresse bien sûr les revues de vulgarisation
technique:
La Science et la Vie
(novembre 1922),
Recherches et Inventions
(quatre articles en 1924) ou
Le Génie Civil
(20janvier 1934). Mais ce qui compte aussi,
c’est une abondante présence dans la presse engagée.
Échos favorables du côté des syndicats cheminots: agents
du Nord-Belge (
Le Tampon,
septembre 1922), Fédération
des mécaniciens et chauffeurs (décembre 1928), partisans
d’appareils qui,
« pendant trois ans, ont fonctionné sans
un raté sur la ligne Paris – Limours »
; leaders confédérés
réclamant dans les colonnes du
(13septembre 1927)
suite à l’accident du rapide Pyrénées-Côte-d’Argent (nuit
au 2 septembre),
« l’unification et la simplification
des signaux et règlements, l’extension aux grandes lignes
des essais de l’appareil Rodolausse »
, ou celles du
Populaire,
l’organe du Parti socialiste.
Suite à la collision le 11avril 1928 de deux trains à hauteur
du Pont-Marcadet causant 15 morts et 34 blessés, Sauvé,
mécanicien au PO, militant syndicaliste et socialiste, membre
du Conseil supérieur des transports, y est interviewé
Le Populaire,
13avril 1928, « Les véritables causes
de la catastrophe du Pont-Marcadet »), occasion d’évoquer
le recours toujours différé au Rodolausse:
– « Le train n°13 quittait la voie numéro17 qui se trouve
à l’extrémité de la gare du Nord, pour aller prendre
une des lignes les plus à gauche et il lui fallait donc
traverser en cisaille presque toutes les voies. C’est d’une
imprudence folle est formellement interdit par circulaire.
Le mât qui commande la voie en cisaille est mal placé.
Le mécanicien ne l’a pas aperçu. Mais même s’il avait
aperçu, il ne lui aurait pas été possible d’arrêter son train
à temps, car ce signal n’est pas « doublé », par suite de la
proximité de la gare, du signal répétiteur complémentaire.
Il faudrait aussi savoir si le signal d’arrêt était bien muni
de pétards, ce qui n’a pas lieu généralement sur ses voies
utilisées dans les deux sens. Pas de crocodile non plus,
à cause de la complexité des aiguilles.
– « Comment alors éviter des accidents de ce genre?
– « C’est bien simple, par l’emploi de l’appareil de sécurité
Rodolausse (…). La ligne de Paris à Sceaux est munie
depuis deux ans de ce dispositif de sécurité. Il a donné
toute satisfaction. Les techniciens en font le plus vif éloge.
Pas une seule modification n’a été apportée au mécanisme,
aucune pièce de rechange n’a pu être fournie,
on n’a jamais enregistré de raté…
– « Mais alors comment peut-il se faire que les directions
des grands réseaux n’en généralisent pas l’emploi?
– « L’explication montre bien la déplorable mentalité
des directeurs. Ils craignent que la certitude de la sécurité
n’émousse la vigilance du mécanicien.»
Qu’il soit
« chien de garde»
pour le député Henry Haye
Le Populaire
, 9mars 1930) ou
« petit cerveau d’acier »
méprisé par des
« féodalités du rail »
selon le député socialiste
Jules Moch (
Le Rail et la Nation
, Librairie Valois, 1931, p.283),
le « Rodolausse » sera ainsi souvent brandi dans les médias
pour accuser l’inertie coupable des compagnies lors de chaque
catastrophe en lui opposant ses vertus.
Le livre de
presse d’Éloi.
Une presse intéressée et favorable
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Historail
[ une invention bien oubliée de l’entre-deux-guerres, l’appareil Rodolausse]
du CET, Paul Doumer, par ailleurs pré-
sident du Sénat, s’éleva contre la len-
teur de ces essais au PO, et il fut
décidé qu’une commission émanant
du CET
devrait faire procéder à des
essais. Accomplis au printemps 1927,
ces essais s’avèrent concluants, et le
CET vote donc l’extension du Rodo-
lausse aux grandes lignes et aux trains
rapides. Décision retransmise tardive-
ment par Maison le 30mai 1928 au
Comité de direction des grands
réseaux; alors que Rodolausse croit
l’affaire définitivement gagnée, le vent
tourne: le 28juin, ce Comité estime
que l’appareil est dangereux, et que la
décision a été déjà prise d’adopter un
autre appareil répétiteur de signaux
qui donne toute satisfaction, le cro-
codile… Rodolausse critique les
« spé-
culations d’ordre psychologique »
Comité accusant le Rodolausse
« d’émousser la vigilance du mécani-
cien, alors que c’est précisément le
crocodile qui a cet inconvénient,
puisqu’il risque d’accoutumer le
conducteur aux facilités d’un méca-
nisme qui, en cas de « raté », peut
engendrer une catastrophe. »
1929-1930: le soutien des
gauches parlementaires
À chaque catastrophe survenue, un
vif débat agite la chambre des dépu-
tés, les élus de gauche réclamant des
investissements accrus et des moyens
perfectionnés en matière de sécurité
ferroviaire, les compagnies étant évi-
demment accusées de délaisser cette
question. Éloi Rodolausse suit de loin
ces débats, où son nom est parfois
mais toujours favorablement cité: le
6août 1926, le 30novembre 1926,
le 10décembre 1927…
À force d’être ainsi évoqué, des délé-
gations des cheminots et de postiers
ambulants concernés eux aussi par
la sécurité ferroviaire vont s’enquérir
à la Chambre des députés, auprès de
la commission des travaux publics, des
résultats des appareils Rodolausse en
service courant au PO. Si bien que le
24août, le ministre des Travaux publics
Tardieu invite les grands réseaux à faire
de nouveaux essais. Le 2novembre, il
lui est répondu que l’appareil étant
reconnu dangereux car susceptible
d’émousser la vigilance des mécani-
ciens, le Comité de direction des
grands réseaux ne veut pas assumer
la responsabilité de son application.
Suite à ces pressions, finalement, à la
demande expresse de la commission
des travaux publics que préside
Le Trocquer, il est décidé qu’une délé-
gation
ira assister à des essais en ser-
vice courant sur la ligne de Limours
le 12mars 1929. L’appareil utilisé a
déjà effectué un parcours en loco-
motive de 116000km.
«Fonction-
nement excellent de l’appareil»,
«programme prévu entièrement rem-
pli»
, un seul essai raté –
«un ralen-
tissement transformé en arrêt»
–, tel
fut le constat officiel
, nuancé toute-
fois par l’ingénieur du PO, de Boys-
son:
«l’appareil Rodolausse ne
peut donner qu’un fonctionnement
approximatif parce que les actions
provoquées en tête du train sur les
freins ne peuvent être instantanées,
pas plus au serrage qu’au desserrage,
et que la durée de propagation de la
tête à la queue de ses actions est
fonction de la longueur du train»
ou les objections de l’ingénieur des
ponts et chaussées Collin:
«a) l’appareil ne pourrait être uti-
lement employé sur des trains de
marchandises comportant jusqu’à
80voitures;
b) son fonctionnement paraît dan-
gereux sur des trains à grande
vitesse car il craint que la percussion
de la locomotive sur les biellettes ne
provoque aux grandes allures une
rupture des chaînes;
c) en ce qui concerne la protection
des passages à niveau, il prétend
que l’utilisation du Rodolausse ne
donnerait pas les résultats que l’in-
L’
Automatic Train Control
imposé aux USA ?
En Allemagne*, des appareils électromécaniques ou électromagnétiques avaient été
testés avant guerre, puis abandonnés. Siemens reprend les recherches, basées
sur des systèmes sans contact à base d’induction électromagnétique (Indusilor).
Aux États-Unis**, en 1906, le Sénat et la Chambre des représentants chargent
l’Insterstate Commerce Commission (ICC) d’étudier un système de contrôle
automatique de la marche des trains en même temps que le block-system. Divers
essais ont lieu jusqu’à la guerre et l’État prenant en 1917 le contrôle de tous
les réseaux, en janvier 1919, un comité est chargé de développer un système dit
Automatic Train Control (ATC)
satisfaisant à deux buts: freinage en cas de rencontre
d’un signal d’arrêt jusqu’à l’arrêt définitif, ralentissement imposé en cas de rencontre
d’un signal de limitation de vitesse jusqu’à la vitesse autorisée: le freinage
automatique du train sans l’intervention du mécanicien était ainsi recherché, rendu
possible par la généralisation du frein continu aux États-Unis.
Lorsque le contrôle de l’État prit fin début 1920, l’American Railroad Association,
bien qu’hostile comme les mécaniciens à l’ATC, se voyait imposer par l’ICC
la poursuite de ces recherches: des machines circulant sur certaines lignes désignées
par l’ICC, telles celles de la compagnie Atchison, Topeka and Santa-Fé sujettes
à des brouillards fréquents dans la vallée du Mississipi, seront ainsi équipées de l’ATC.
À cette démarche, les ingénieurs français préféraient la répétition des signaux
sur la machine et non l’action sur les freins, les réseaux étant équipés non seulement
d’enregistreurs de vitesse mais aussi de contrôle de la vigilance du mécanicien,
tous dispositifs inconnus aux États-Unis. Bref,
«il est certain que les Américains sont
nettement en retard sur nous»
, ignorant nos crocodiles.
Revue générale des chemins de fer
, octobre 1928, pp. 440-449.
** De Boysson, «La répétition des signaux et l’arrêt automatique des trains
sur le chemin de fer américains»,
RGCF,
janvier 1922, pp. 3-11; Note, RGCF, août 1928, pp. 252-256.
venteur attend de son appareil. Il
estime, en effet, que pour permettre
à un train rapide de s’arrêter en
temps voulu, au cas où une barrière
de passage à niveau serait restée
ouverte, il importe de poser les biel-
lettes de protection à environ 1 kilo-
mètre du passage et que la possibi-
lité d’accident subsiste dans le temps
qui s’écoulera entre le moment où
le train passera au point précis où la
biellette sera apposée et celui où
il franchira le passage. Si la biellette
de protection est placée trop près
du passage à niveau, il ne serait pas
possible d’arrêter le train avant l’obs-
tacle. Au surplus, M. Collin pose une
question de principe qu’il prétend
intangible, à savoir que le rail doit
toujours conserver la priorité sur la
route;
d) M. Collin craint que des arrêts
intempestifs provoqués par le sys-
tème Rodolausse ne soient généra-
teurs d’accidents;
e) enfin MM. Collin et de Boysson
déclarent que les dépenses qui
seraient occasionnées par l’équipe-
ment des 15000 machines des
réseaux, chiffrées à environ 200mil-
lions de francs, sont d’un tel ordre
qu’il convient de ne pas les engager
avant de savoir si les dispositifs de
sécurité appliqués à l’étranger ne
présentent pas une supériorité sur
l’appareil Rodolausse. Ils font allu-
sion notamment aux systèmes
employés en Allemagne et aux États-
Unis où les appareils fonctionnant
par induction ont été généralisés.»
À la Chambre, un pas décisif est
accompli par la commission des tra-
vaux publics saisie de la question et
confiant à l’un de ses membres son
étude. Ainsi Henry-Haye (1890-1983),
jeune et nouveau député du groupe
des indépendants, négociant, ancien
chargé de mission aux États-Unis, fraî-
chement élu de Seine-et-Oise en 1928,
rédige une
«proposition de résolution
tendant à faire procéder sur le réseau
de l’État à des essais généralisés d’un
nouvel appareil de sécurité»
La commission des travaux publics
adopte le 26juillet 1929 un rapport
favorable, soulignant les avantages
certains de l’appareil Rodolausse.
Le 30juin 1930, répondant au vœu
de la commission, dans le cadre de la
loi de finances 1930, la Chambre vote
un crédit spécial d’un million pour
effectuer des essais en grand et pro-
longer l’expérimentation du Rodo-
lausse sur le Réseau de l’État, substitué
au PO. Pour Éloi, une étape décisive
est franchie, triomphant enfin des
embarras précédents…
Les années 1930: le
temps des atermoiements
Appréciant à rebours l’entre-deux-
guerres
, le fils d’Éloi Rodolausse dis-
tinguait trois périodes,
«la période
ascendante de 1922 à 1929»
, puis
«l’intervention du Parlement en 1929
et 1930»
, enfin
«la période descen-
dante de 1931 à 1938»
«il ne
s’est jamais plus agi que des essais
d’un appareil prototype, d’où régres-
sion sensible et opération de barrage
caractérisée.»
Sa correspondance et
les documents conservés permettent
54-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
«Messieurs,
Un ingénieux dispositif de sécurité inventé par M. Rodolausse a été, après
de laborieux pourparlers, mis à l’essai par la Compagnie d’Orléans sur la ligne Paris –
Sceaux – Limours. Ces essais ont donné toute satisfaction depuis plusieurs années.
La Fédération des cheminots, entendue par la Commission des travaux publics,
ainsi que la Fédération des postiers ambulants, ont exprimé le désir de voir adopter
l’appareil Rodolausse, susceptible de leur assurer, ainsi qu’aux voyageurs,
un maximum de sécurité. L’appareil Rodolausse assure également un contrôle
de vigilance auquel la Fédération des mécaniciens a déclaré se soumettre.
Des essais spéciaux ont été faits à la demande de la commission des travaux publics;
ils ont paru probants à tous les membres de cette commission qui y ont assisté.
Ces raisons nous ont incités à proposer à la Chambre d’accepter la proposition
de résolution dont le texte suit:
Proposition de résolution:
La Chambre invite le Gouvernement: 1°) à faire procéder d’urgence sur le réseau
de l’État à des essais méthodiques et généralisés de l’appareil de sécurité Rodolausse;
2°) à faire inscrire au budget de 1930 les crédits nécessaires pour l’équipement
complet, avec ce dispositif de sécurité, d’une ligne à grand trafic et à grande vitesse
du réseau de l’État; 3°) à faire procéder simultanément à l’examen comparatif des
appareils similaires fonctionnant à l’étranger; 4°) à saisir le Parlement, dans un délai
maximum de deux ans, de conclusions fermes sur l’application généralisée du système
de protection envisagée.»
Gros plan sur l’appareil Rodolausse utilisé pour les essais de 1928.
de retracer, de son propre point de
vue certes, ses démêlés interminables
et ses espoirs en fin de compte vains.
Suite au crédit voté en 1930, Rodo-
lausse convint avec le Réseau de l’État
qu’avant la construction des 20 appa-
reils requis pour les essais, qu’il devrait
mettre au point un prototype s’accor-
dant avec le matériel de ce réseau.
Après une année vouée à ces mises
au point, en novembre 1931, il pouvait
préciser la commande des 19appa-
reils, prototype déduit, que devait pas-
ser le Réseau. Suit une période de ter-
giversations, Rodolausse soupçonnant
que ses ingénieurs veuillent lui imposer
«programme expérimental exor-
bitant, voire dangereux.»
Le 17mars 1932, le Réseau lui com-
mande l’appareil prototype qui,
essayé en juin suivant, allait donner
les résultats prévus. Mais à la suite de
ces essais, le Réseau conteste les
modalités de remboursement du pro-
totype,
«qui me firent rompre avec
lui en septembre suivant.»
Le ministre
des Travaux publics chargea sa direc-
tion générale de régler cette affaire.
Au printemps 1933, un accord était
trouvé sur les prix des appareils et les
conditions de reprise des essais. Le
4juillet, le prototype est installé au
banc d’essai pour subir des réglages.
Lors des essais repris le 23octobre
1933, une rupture d’attelage a lieu,
imputée au freinage maladroit du
mécanicien. Le lendemain, un train
de 18 wagons subit une rupture d’at-
telage que Rodolausse imputera à la
composition
«anormale»
du convoi,
relevée même avant son départ de la
gare de Mantes. Le 27octobre, à
25km environ de Saint-Lazare, le train
marchant à 70km/h, l’appareil est
déplombé et mis hors d’usage, et
après enquête contradictoire, le
Réseau doit faire réparer l’appareil
aux ateliers Vaucanson… Période de
suspicions réciproques, conclue en
novembre par la décision de surseoir
aux essais, suite à la rupture d’atte-
lage du 24octobre. Le 27décembre,
Rodolausse se voit signifier par la
direction des Chemins de fer le
Avril 2014
Historail
Rodolausse à l’étranger
Rodolausse avait parié sur de possibles débouchés à l’étranger. Son appareil attire
l’attention de journaux tels que le
Science et Vie
américain,
Popular Science
en 1923 un système automatique inventé par l’ingénieur français É. Rodolausse,
capable de contrôler la marche d’un train et d’enregistrer exactement la vigilance
du mécanicien; ou le
Foreign Trade
: «A French Device for the Prevention of Railway
Accidents» (mars 1927, pp. 184-187); ou
(13janvier 1929). Il dépose
des brevets en Belgique (1930, 1932), aux États-Unis (1932) et en Espagne. En 1927,
Rodolausse alla présenter son appareil à Buenos Aires, en équipant le train présidentiel.
Sans que l’on puisse juger de son étendue, les chemins de fer belges (SNCB) vont
employer l’appareil, coexistant avec les appareils Flaman, Hasler et Téloc: c’est ce
que nous apprend le
Cours d’exploitation des chemins de fer
d’Ulysse Lamalle (tome II,
Exploitation technique. Signalisation. Enclenchements. Commande centralisée.
Dispatching,
édition, 1947, Université de Louvain, pp. 54 et 58), rappelant
ses vertus: le Rodolausse empêche que la vitesse maximum de la ligne soit dépassée,
il contrôle la réduction de la vitesse aux endroits à ralentissement permanent,
provoquant le cas échéant le ralentissement prescrit et provoque l’arrêt automatique
du train devant les signaux à l’arrêt.
Archive Ch. Rodolausse
son reniement. En pleine crise éco-
nomique et par temps de chômage
élevé, il est bon d’acheter et de pro-
duire français, signifie Rodolausse!
Mais le 18août, un arrêté émanant
de la direction des Chemins de fer
«dont l’hostilité a été constante»
décide qu’une commission devra
examiner l’appareil; le 23janvier
1935, son président, l’inspecteur
général des Mines Jouguet,
convoque Rodolausse à Paris à l’École
des Mines: l’appareil sera l’objet
d’expériences diverses en laboratoire
début février. Rodolausse soupçon-
nera deux des six membres de la
commission, les ingénieurs du
Réseau de l’État Nasse et Japiot, de
freiner puisqu’
«après plus de deux
ans d’existence, la commission res-
tait encore inactive.»
C’est sous le Front populaire qu’un
nouvel arrêté du 9décembre 1936
signé du ministre socialiste Bedouce
institue une nouvelle commission, les
essais reprenant régulièrement le
12février 1937,
«c’est-à-dire 8 ans
et 7 mois après que la commission
des travaux publics de la chambre en
ait demandé d’urgence, le 29juillet
1929»
, a calculé Rodolausse.
Au printemps 1937, les essais repren-
nent donc sur le Réseau de l’État, sur
la ligne d’Épône à Plaisir-Grignon mais
Rodolausse se plaint qu’on lui cache le
fonctionnement du déclencheur avant
de la locomotive dont le fonctionne-
ment laissant à désirer doit être revu:
la durée de ce choc étant de l’ordre
de 1/400 de seconde, il sera filmé par
une caméra. Mais alors qu’il demande
à visionner le film afin de mettre au
point son déclencheur, la commission
ne l’invite pas à la projection…
Quant aux essais prescrits en 1934 au
PLM, la compagnie ayant renoncé à
commander le matériel spécifique pres-
crit par Rodolausse, les essais y sont
effectués avec les appareils ayant servi
sur l’État,
«d’où les grosses difficultés
de montage et de mise au point qu’il
fallut surmonter, tandis que les appa-
reils construits spécialement n’avaient
pas été essayés»
, se plaint Rodolausse!
En décembre1937, il apprend que les
crédits sont épuisés, le reliquat de
818057 francs du million voté en 1930
ayant été supprimé sans motif.
«Tout
finit là»
, alors que les quelques essais
parcimonieux du «Rodolausse»,
«au
bout de 8 ans de tergiversation, ne per-
mettaient évidemment pas de dresser
le moindre rapport sur sa valeur et
encore moins de proposer des conclu-
sions au Parlement»
, admettait-il.
58-
Historail
Avril 2014
SÉCURITÉ
Au 12
congrès de l’Association internationale des chemins
de fer tenu au Caire en 1933, l’une des questions débattues
traitait du sujet dans l’air du temps*:
«Commande
automatique de la marche ou de l’arrêt des trains; appareils
de voie, appareils placés sur la locomotive. Moyens utilisés
pour la transmission des signaux à la locomotive. Dispositifs
servant à entretenir la vigilance du mécanicien.»
Un rapporteur se charge de faire un état des lieux dans
les réseaux européens, un autre dans les réseaux d’Amérique
et de Grande-Bretagne plutôt favorables au
“train control”.
Un questionnaire a été envoyé à 134 réseaux et 44 réponses
seulement retournées: 21 signifient l’absence de tout
dispositif; les autres permettent de classer les réseaux
en trois groupes: réseaux motivant l’absence de dispositif;
réseaux disposant d’appareils de vigilance ou de signaux
d’abri; réseaux avec commande automatique des trains.
Relevant du premier groupe, la Compagnie de l’Est
«n’éprouve pas le besoin d’entreprendre des essais avec des
dispositifs qui exercent une action automatique sur les freins
lorsqu’un signal à l’arrêt est dépassé»
, invoquant
des problèmes d’exploitation, d’ordre financier et d’ordre
technique. Du second groupe, relève la Compagnie du Nord
qui rappelle avoir pratiqué le serrage automatique des freins
de1878 à1894, abandonné en 1898
«parce que
fonctionnant très irrégulièrement»
, critiqué d’ailleurs
sur d’autres réseaux en raison d’un
«freinage intempestif,
brusque et énergique.»
Au Nord, fonctionnent des signaux
d’abri équipant 2371 locomotives et 4972 crocodiles
d’un type standardisé en 1927 ont été déployés sur 6454 km
de voies. Du troisième groupe, relève le PO qui évoque
brièvement l’appareil Rodolausse: d’un poids de 35kg,
il mesure 45 x 45 x 25cm;
«employé à titre d’essai, il a fallu
le modifier à plusieurs reprises. Pour des vitesses inférieures
à 12km à l’heure, il a donné de très mauvais résultats. Avec
des vitesses plus élevées et un bon entretien, la proportion
des ratés a été d’environ 1,5%. L’appareil même assure
la commande automatique des trains dans des conditions
satisfaisantes, mais les essais n’ont eu lieu qu’à la vitesse
maximum de 70km/h.»
Sur le Réseau de l’État français,
«on
fait actuellement des essais avec des appareils Rodolausse»
qui n’ont
«pas abouti encore à un résultat définitif»
Finalement, l’ingénieur en chef MT de l’Est, Duchâtel,
avocat des réseaux continentaux européens, met en avant
les bonnes raisons de ne pas adopter la commande
automatique des trains – l’imperfection des appareils, des
coûts élevés, une trop faible densité du trafic… – pour
1933, Le Caire: querelles de doctrine au congrès international
«L’appareil assure la commande automatique des trains
dans des conditions satisfaisantes, mais les essais n’ont
eu lieu qu’à la vitesse maximum de 70km/h»
Des nombreuses tentatives de relance
auprès des politiques, retenons cette
missive adressée au ministre des Tra-
vaux publics de Monzie, le 10mars
1939: après avoir
«protesté contre
ceux qui depuis 1930 ont saboté ces
essais»
, il en vient à défendre oppor-
tunément son invention:
«Les événe-
ments actuels font entrevoir, qu’en cas
de guerre, les transports par voie ferrée
prendraient une importance considé-
rable, à cause de l’éloignement des
fronts de bataille, ce qui n’existait pas
en 1914; cependant on a constaté
pendant les hostilités que le person-
nel des chemins de fer était inévita-
blement surmené par un service pro-
longé et par surcroît déprimant;
surmenage qui diminuait la vigilance et
augmentait considérablement les cas
de défaillance. L’appareil Rodolausse
a prouvé qu’il peut suppléer au
moment des dangers à ces défail-
lances; de plus l’aviation viserait la des-
truction des voies ferrées, et là encore
l’appareil serait de la plus grande uti-
lité. Au moment où la France cherche
Avril 2014
Historail
[ une invention bien oubliée de l’entre-deux-guerres, l’appareil Rodolausse]
conclure sur une vague perspective: lorsqu’on aura trouvé
un type de commande automatique des trains satisfaisant
à tous les
desiderata
prescrits, alors rien ne s’opposera
à son adoption…
Les débats séance plénière vont révéler les profondes
divergences de vue quant aux vertus attribuées aux systèmes
automatiques d’arrêt. Le rapporteur propose une formule
timorée et restrictive: la répétition acoustique des signaux
se suffit à elle-même, et si la commande automatique
des organes d’arrêt peut apporter un complément de
sécurité, cela ne doit pas
«engendrer des risques au moins
aussi grands que ceux que l’on se propose de supprimer.»
Formule qui fait bondir l’ingénieur Gresley du
Great Western
qui applique la commande des trains
(train control)
une vingtaine d’années:
«un freinage partiel ou total doit
pouvoir accompagner l’avertissement acoustique»
Il désapprouve le projet de conclusion élaboré entre deux
séances de travail à l’insu des discutants, ignorant tout de sa
proposition discutée la veille et alors agréée… Les délégués
anglais s’opposent donc au vote, voulant relancer
la discussion! Et c’est à l’ingénieur Duchâtel qu’il revient
de trouver une issue. On doit se référer au règlement: seule
une majorité des deux tiers des membres présents peut
imposer la clôture des débats… Fait rarissime lors de ces
congrès internationaux très policés et académiques, on vote
donc: 12 voix se prononcent contre la clôture, 15 en faveur,
mais donc insuffisantes! La discussion sera reprise
le lendemain, aboutissant à une résolution en forme
d’irrésolution: complément important des dispositifs
de sécurité, sur les lignes où il sera reconnu nécessaire,
«il est recommandé d’activer l’installation du
train control
réalisable selon trois options: simple répétition des signaux
sur la machine, ou action directe sur les freins provoquant
l’arrêt ou le ralentissement, ou combinaison de ces deux.
Tout le monde peut s’y retrouver donc!
«Nos spécialistes français en matière de sécurité des trains
disent que le mécanicien est suffisant sur sa locomotive,
tandis que les spécialistes étrangers disent le contraire et
préconisent l’arrêt automatique différé des trains, c’est-à-
dire que l’action automatique ne peut se produire qu’après
la défaillance certaine du mécanicien»
, résumait bien
Rodolausse ce conflit de doctrines.
Bulletin de l’AICCF,
octobre 1933, p. 1904 et sq.,
décembre 1933, p. 1223 et sq.
des chemins de fer
L’appareil Rodolausse conservé par le musée
de Saint-Antonin-Noble-Val: l’unique rescapé?
(© Société des Amis du Vieux Saint-Antonin)
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Historail
E
n 1990, André Blanc, alors direc-
teur de la Traction, a bien expliqué
les arguments fondant la doctrine de
la SNCF en matière de sécurité de l’ex-
ploitation durant les années 1960 qui
voient poindre des trains circulant à
200km/h et de futurs TGV
«fallait-
il s’orienter vers le pilotage automa-
tique ou conserver plutôt la conduite
manuelle, facilitée et surveillée par des
automatismes?»
. La première option
s’est toujours mal conciliée avec un
train circulant sur une emprise mal
protégée, inversement au métro sou-
terrain. Le maintien du conducteur
implique inversement un état de vigi-
lance de sa part au long de nombreux
trajets où il ne se passe rien. Mais
cette attention continue de manière
monotone est largement illusoire en
pratique et peut faillir justement dans
des situations perturbées inopinées…
D’où la préférence pour la seconde
option, avec recours ultime à un «filet
de sécurité», dès lors qu’est franchi
un certain «parapet».
C’est avec cette doctrine que seront
étudiés de nouveaux systèmes visant
à contrôler la vitesse des trains. En
particulier, en 1978, la mise en ser-
vice de la gare souterraine de Paris-
Lyon, avec la forte déclivité de 40
pour 1000 des voies d’accès, suscite
l’accompagnement des signaux de
ralentissement par un dispositif de
contrôle ponctuel de la vitesse avant
que les trains ne l’abordent. La solu-
tion consiste à utiliser la répétition
sonore propre au signal fermé
comme l’arrêt d’urgence si le méca-
nicien ne réagit pas dans un délai de
cinq secondes: deux pédales précè-
dent le crocodile, la première en
provoque l’alimentation, la seconde
l’annule mais seulement si elle est
actionnée après le temps de fran-
chissement de l’intervalle entre les
deux pédales à la vitesse maximale
choisie. Dispositif rustique, qui peut
être complété par un dispositif d’arrêt
automatique des trains (DAAT) en cas
de franchissement du signal d’arrêt
fermé.
Avant 1985, en dehors des lignes à
grande vitesse traitées par un système
dit TVM (Transmission voie-machine),
prévalaient les réflexions «tech-
niques» à la direction de l’Équipe-
ment et au département Sécurité de
la direction du Transport pour savoir
ce que l’on pourrait faire, sans qu’il y
ait d’urgence.
Durant l’été 1985, à une époque où le
nombre de franchissements de
signaux d’arrêt fermés était relative-
ment limité et régulièrement décrois-
sant, une série noire d’accidents se
produisit; deux cas se distinguent par
le fait qu’un système automatique de
contrôle de la vitesse du train avec
déclenchement possible d’un freinage
d’urgence aurait pu éviter l’accident
causé par le non-respect de la signali-
sation par le mécanicien: le 31août,
déraillement du Paris – Port-Boucir-
culant à 95km/h sur un appareil de
voie pour lequel la vitesse temporaire
prescrite, mais avec une superposition
confuse de plusieurs taux, était
de 30km/h; un train croiseur vient
heurter le train déraillé. Le mécanicien
n’ayant pas pris suffisamment
connaissance des modifications, avait
franchi le signal à distance sans réagir
à l’ordre qu’il donnait (43 morts et
37 blessés). Le 6septembre 1985, à
Novéant, un train Métrolor Nancy –
Metzdéraille à 118km/h sur une
aiguille, le mécanicien n’ayant pas
observé le tableau indicateur de
vitesse à 30km/h (quatre blessés).
Cette mauvaise passe va susciter des
initiatives rapides, poussées par le
directeur général de la SNCF Jean
Dupuy, la Traction et l’Équipement. Ni
le Sacem en cours d’expérimentation
et très coûteux, ni les autres dispositifs
étudiés ne permettent d’apporter une
réponse à brève échéance. Fin 1985,
la SNCF décide de rechercher un sys-
tème de contrôle de vitesse (Covit)
dont les trois principales fonctions
visent à parer à un éventuel défaut de
vigilance du mécanicien:

contrôler la vitesse maximale du
train, vitesse la plus faible des vitesses
limites à respecter: vitesse limite du
train lui-même (connue du calcula-
teur embarqué) ou vitesses limites
permanentes liées à la voie (courbe,
tunnel, zone d’aiguillage, chantier
temporaire de voie, etc.) transmises
ponctuellement par les balises ins-
Balise KVB en gare
de Bueil.
J.-M. Pichot
Contrôle de la conduite: la doctrine officielle
de la SNCF en 1990, présentée par André Blanc
«La solution actuellement retenue consiste à maintenir un rôle actif au conducteur
qui reste maître, grâce à son intelligence et à sa compétence professionnelle,
d’adapter au mieux les conditions de circulation du train à sa situation de chaque
moment (conformité de la marche réelle à la marche prévue, réaction opportune
à un événement extérieur, etc.), en entourant son action d’un «parapet» qui le laisse
libre d’agir en situation normale et intervient dès qu’elle pourrait se révéler contraire
à la sécurité du convoi, telle qu’elle est programmée par l’automate.
La fiabilité du conducteur et celle des automatismes de protection se trouvent ainsi
additionnées, ce qui induit le meilleur niveau possible de fiabilité sans nuire à l’aspect
humain du rôle de conducteur et sans dégrader son apport qualitatif éminent
aux conditions générales de la circulation.»
(«Le contrôle de vitesse», RGCF, décembre1990, p.6)
64-
Historail
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SÉCURITÉ
tallées entre les rails; un dépasse-
ment de plus de 5km de la vitesse
maximale à respecter déclenche un
voyant lumineux et une alarme
sonore, un dépassement de plus de
10km déclenche l’arrêt d’urgence;

contrôler le ralentissement imposé
avant tout signal d’arrêt, sémaphore
ou carré au rouge: le calculateur
compare la vitesse de ralentissement
à une première courbe d’alerte, à
une seconde courbe d’arrêt en cas
de dépassement, déclenchant les
mêmes opérations;

contrôler le ralentissement dans les
zones à vitesse limitée temporaire,
jalonnée par une succession de
Tableaux indicateurs de vitesse à dis-
tance (TIVD), toutes indications pro-
pres à la voie et transmises au train
par des balises.
Rétiveau, responsable du département
de la signalisation (VZ), va défendre
le système JZG 700 breveté en 1981
par la société suédoise Ericsson, appli-
qué couramment sur les réseaux sué-
dois et norvégien, réputé efficace et
d’une dépense jugée acceptable, ainsi
«tout prêt». Il s’agit d’un contrôle
utilisant une transmission ponctuelle
d’information au moyen de balises
miroirs, c’est-à-dire sans alimentation
propre en énergie: c’est l’engin
moteur qui émet une énergie qui lui
est réfléchie avec le codage désiré.
Mais alors que les chemins de fer sué-
dois ont conçu leur système de
contrôle comme un équipement
continu avec un chaînage entre les
signaux successifs d’une même ligne,
la SNCF opte pour une solution de
saupoudrage visant à sécuriser le plus
rapidement possible l’ensemble des
points du réseau les plus exposés:
convergences d’itinéraires, cisaille-
ments et limitations temporaires de
vitesse. C’est dans cette phase
d’adaptation et de réalisation (études
+travaux) que le système Ericsson
prendra le nom de KVB (Contrôle de
vitesse à balises), industrialisé sous
licence par la société Jeumont-Schnei-
der (aujourd’hui Alstom).
Après étude, une phase d’essais a lieu
sur une sectionde la ligne Paris-
LeHavre, entre Poissy et Vernon, rete-
nue pour son trafic important tout en
incluant la traversée d’une gare au
plan de voies compliqué, Mantes-la-
Jolie.Janvier1987, débutent les essais
avec 42 engins moteurs ou voitures-
pilotes pour rames réversibles équi-
pées, dont 10 BB 16000 et 15 BB
17000, le KVB recevant un
«accueil
très favorable des mécaniciens.»
La fin des crocodiles?
En 1987, dans son reportage sur les
essais en cours sur la ligne normande
paru dans
La Vie du Rail
, le journa-
liste Philippe Hérissé pronostiquait des
«crocodiles en péril»
et qualifiait le
KVB de
«prédateur de crocodiles
venu du nord»
… Par-delà ces for-
mules spirituelles, on peut s’interro-
ger: qu’en est-il justement? À l’évi-
dence, les crocodiles n’ont pas déserté
les voies. Mais s’il est une menace à
long terme, comme l’explique Alain
Gernigon, ancien ingénieur principal
de la Signalisation, elle est due à l’évo-
lution tendancielle vers des systèmes
de répétition continue des signaux,
réalisés par exemple sous la forme
TVM à l’aide des circuits de voie, ou
sous la forme la plus évoluée du sys-
tème européen ERTMS (détermina-
tion de la vitesse à respecter par une
centralisation du traitement des don-
nées associé à des liaisons radio). C‘est
la faiblesse de tous les systèmes à
informations discontinues:
«La répé-
tition KVB est extrêmement pénali-
sante parce que ponctuelle: même si
le signal répété s’est ouvert, après
avoir été répété fermé, il faut attendre
de passer les balises de ce signal pour
reprendre la marche normale.»
conduira à alourdir le KVB par mise
en place de balises de réouverture
(environ 300 à 400m en amont du
signal). À l’inverse,
«la répétition
continue, éprouvée à l’époque par la
TVM sur les premières lignes à grande
vitesse, n’a pas cet inconvénient et
elle aurait pu alors être adaptée de
façon quasi-identique aux lignes clas-
siques. Néanmoins, elle a un handi-
DR/Photorail
SNCF Médiathèque – J.-J. D’Angelo
De gauche à droite:
KVB sur le pupitre
de conduite
d’une rame Inox
de banlieue
(septembre1998);
capteur KVB
sur MI 2N, EIMM
de Noisy-le-Sec.
Avril 2014
Historail
L’ingénieur Bienvenüe, désigné en
charge du chantier, va opter pour un
métro électrique et souterrain tout en
se réservant la possibilité de passages
en viaducs pour franchir des obstacles
comme le canal Saint-Martin ou les
chemins de fer des grandes compa-
gnies. Le plan adopté en 1898 prévoit
la construction de six lignes à réaliser
dans un délai maximum de 13 années.
Ouvert à partir de juillet1900, le métro
va connaître un développement rapide
sous l’impulsion de son ingénieur en
chef et grâce à l’engouement du
public qui s’y presse en masse. Ils sont
plus de 17millions dès la première
année, dépassent 118millions en
1903, pour atteindre les 317millions
en 1910. Ce bel élan aurait toutefois
pu connaître un arrêt brutal en 1903
quand 84 personnes trouvent la mort
à la station Couronnes.
Pour comprendre les circonstances de
cette catastrophe et expliquer un bilan
aussi lourd, il faut s’imaginer ce que
pouvait être le métro dans les pre-
mières années du
siècle. Transport
de proximité avec des stations rap-
prochées (à intervalle de 400m), le
métro est assez éloigné des standards
du grand chemin de fer. Son gabarit
étroit (2,40m) le rapproche du tram-
way qui circule à l’époque en surface.
Les rames sont composées de courtes
voitures (7,70m) à caisses en bois
montées sur essieux avec un équipe-
ment électrique placé en cabine dans
les motrices. Le courant de traction
alternatif est acheminé vers les sous-
stations qui le transforment en cou-
rant continu à 600 volts. Il court le
long d’un 3
rail sur lequel vient frot-
ter un patin depuis la motrice.
En station, si le personnel est assez
nombreux, les équipements sont rudi-
mentaires. La lumière y est faible, cer-
tains voyageurs se plaignant qu’on ne
lisait que difficilement le nom des sta-
tions depuis les trains. Rien vraiment
n’a été prévu pour un transport de
masse et les conditions de sécurité
sont insuffisantes. À décharge, il faut
préciser qu’il n’existe en 1900 que
huit réseaux à travers le monde, le
métro parisien souffrant d’un réel
retour d’expérience.
Un incendie après 3 mois
d’exploitation
Un premier accident sérieux va inter-
venir en octobre 1900, véritable
«répétition générale» de la catas-
trophe de Couronnes 3 ans plus tard.
Claude Berton et Alexandre Ossad-
zow dans leur ouvrage consacré à
Fulgence Bienvenüe reviennent sur
les circonstances de ce premier inci-
dent notable. Le 19octobre, 3 mois
jour pour jour après la mise en ser-
vice du métro, un début d’incendie
intervient sur la motrice d’un train à la
station Concorde. Ce type d’incident
est fréquent, les patins de prise de
courant sur le 3
rail de mauvaise
qualité conduisent souvent à des
courts-circuits pouvant entraîner
un début d’incendie. On procède
généralement à l’extinction du feu et
le train reprend sa route haut le
pied vers le terminus. Ce jour-là à
Concorde, le train en détresse immo-
bilisé en station va entraîner une col-
lision sur les autres rames bloquées
par cet incident. Trente-huit blessés
sont à déplorer parmi lesquels qua-
tre dans un état grave, trois voya-
geurs et un mécanicien.
Pour assurer l’exploitation dans de
bonnes conditions, il apparaît bientôt
nécessaire de disposer de voies de
garage permettant une évacuation
rapide des trains en difficultés. Sur la
ligne 2 Nord en construction, le direc-
teur du métro, Maréchal, demande à
Bienvenüe que soient établis des
garages le long du parcours. Ils seront
aménagés à proximité des stations
Blanche et Belleville. La multiplication
des incidents va conduire en juin 1901
à redéfinir le mode d’exploitation du
métro. Ainsi les trains vont être limités
à des circuits courts (abandonnant
l’idée d’un passage d’une ligne à l’au-
tre) pour permettre plus facilement
l’évacuation sur voie de garage d’une
rame en difficulté. Ce principe per-
Les premières
motrices du métro
s’inspirent
davantage du
tramway avec leurs
caisses en bois
montées
sur essieux.
En vignette:
l’intérieur des
premières motrices
du métro où le bois
règne en maître
(photos prises
le 10 février 2014
à la réserve
des matériels
de la RATP).
Photos Ph.-E. Attal
Avril 2014
Historail
[ 1903 : 84 morts dans le métro parisien]
rail. L’incendie reprend de plus
belle et les agents l’aspergent d’eau. À
19h37, le convoi est à 25m de la sta-
tion Ménilmontant quand se produit
un nouveau court-circuit accompagné
de détonations. Les deux rames s’im-
mobilisent à l’entrée de la station tan-
dis que les quatre agents présents
dans la motrice se dispersent devant
l’incendie qui redouble. L’un des
agents demande la coupure du cou-
rant. La sous-station Père-Lachaise a
disjoncté mais Étoile et Barbès restent
sous tension. La station Ménilmontant
est évacuée, environ 25 voyageurs
étant présents au moment de l’incen-
die. La fumée va peu à peu envahir
l’ensemble des lieux tandis que le
conducteur tente toujours de conte-
nir le sinistre à l’aide d’un extincteur.
Derrière, la rame 48 (quatre voitures)
a repris l’ensemble des voyageurs (envi-
ron 300 personnes) des deux rames 43
et 52. Arrivée à la station Couronnes,
elle est immobilisée par un signal
fermé. Le chef de station, suite à la
demande de coupure de courant
venant de Ménilmontant, décide de
faire évacuer sa station. Les voyageurs
vont alors vivement protester, certains
ayant déjà été descendus de deux
trains. Ils vont surtout réclamer leurs
3 sous, les 15 centimes du prix du bil-
let qu’ils craignent de perdre en quit-
tant les lieux. Alors qu’une certaine
confusion règne en station, l’intense
fumée dégagée par l’incendie de
Ménilmontant se propage par le tunnel
et arrive à Couronnes distante d’à
peine 450m. Bientôt le faible éclairage
est masqué par la fumée avant que les
fils électriques fondus dans l’incendie
ne plongent l’ensemble des lieux dans
l’obscurité totale. À Couronnes, c’est
la panique. Si 63 voyageurs ont bien
obtenu le remboursement de leur bil-
let, la plupart sont restés sur les quais et
dans les trains. Plongés dans le noir
complet, ils vont tenter de regagner la
surface sans savoir précisément dans
quelle direction s’orienter. Un grand
nombre va tourner le dos à la sortie,
s’entassant face à un mur sans issue.
L’épaisse fumée qui a gagné la station
va faire son œuvre asphyxiant les mal-
heureux. Devant l’intensité du sinistre
et des fumées dégagées, les pompiers
ne pourront intervenir que le lende-
main à 5heures. Soixante-dix-sept
morts seront retrouvés parmi lesquels
une cinquantaine sur le quai face à un
mur tournant le dos à la sortie. Deux
sont restés dans le train, deux autres
gisent dans le tunnel. À Ménilmontant,
sept autres corps sont retrouvés por-
tant le bilan à 84 morts.
Par chance aucune rame n’a circulé
en sens inverse dans cette partie de
la ligne au moment de la catastrophe,
un signal fermé à Père-Lachaise (dû à
une avarie) ayant bloqué toute la cir-
culation.
De nouvelles normes
de sécurité pour le métro
Les premiers temps après la catas-
trophe, une baisse importante de la
fréquentation se fit sentir rendant
indispensable un retour de la
confiance du public. Roger-Henri
Guerrand dans
L’Aventure du métro
rapporte que le 27 août suivant à la
station Hôtel-de-Ville, la voiture de
queue d’un train fut soudain plongée
dans l’obscurité entraînant un début
de panique. Deux voyageurs apeurés
Ph.-E. Attal
À la suite
de la catastrophe
de Couronnes,
les nouvelles
motrices montées
sur bogies sont
dotées de cabine
en métal,
le compartiment
voyageurs
est toujours en bois
(réserve
des matériels
de la RATP,
10 février 2014).
72-
Historail
Avril 2014
RÉSEAU
1847
CHEMINS
DE FER
SUISSES
2
Une naissance en images
63 MORTS LORS DU
PERCEMENT DU PREMIER
GRAND TUNNEL DE SUISSE
Le premier grand tunnel de Suisse fut celui du Hauenstein, tunnel
de faîte reliant Olten à Läufelfingen. Long de 2495m, il fut, après
cinq années de travaux, inauguré en grande pompe le 27avril
1858. Trois jours plus tard, le 1
mai, la liaison Bâle – Olten était
assurée. L’ouvrage coûta la vie à soixante-trois personnes.
Un incendie provoqua l’éboulement de la galerie: cinquante-deux
ouvriers furent ensevelis sous les décombres et onze hommes
périrent encore au cours des travaux de sauvetage. Près d’un
demi-siècle plus tard, le 10juillet 1914, après quatre ans
de travaux, un nouveau tunnel du Hauenstein, tunnel de base
celui-là, long de 8134m, était percé de Tecknau à Olten.
L’ancienne ligne perdit ainsi beaucoup de son importance.
74-
Historail
Avril 2014
RÉSEAU
Avril 2014
Historail
[ 1847. Chemins de fer suisses, une naissance en images. 2
e
partie ]
Vers 1850, la voie ferrée que les Zurichois estimaient la plus urgente était celle de Zurich –
Winterthour – Romanshorn – lac de Constance, qu’ils construisirent en 1855. Mais Rorschach
et Saint-Gall, eux aussi, désiraient une ligne sur Zurich. Stephenson eut beau leur dire que la différence
de niveau rendrait l’établissement d’une voie ferrée difficile, les Suisses orientaux passèrent outre.
Ils prolongèrent la ligne Winterthour – Flawil jusqu’à Saint-Gall. Le 24mars 1856, 30000 personnes
assistaient, au son des cloches et du canon, à l’entrée en gare de Saint-Gall du premier train. Le convoi
pénétra lentement dans le hall de la gare, après avoir passé sous un arc de triomphe au-dessus duquel
se dressaient les statues de l’Helvetia et de saint Gall, le moine qui évangélisa la contrée. Six mois plus
tard, le 25octobre, la ligne de Saint-Gall à Rorschach, dont les plans avaient été dressés par le célèbre
ingénieur Carl von Etzel, était à son tour ouverte au service public.
1856. LE WINTERTHOUR – FLAWIL PASSE SOUS
UN ARC DE TRIOMPHE POUR ENTRER EN GARE
DE SAINT-GALL
Avril 2014
Historail
[ 1847. Chemins de fer suisses, une naissance en images. 2
e
partie ]
C’est le 1
juin 1882 que la ligne du Saint-Gothard, longue de 240km, put être mise en service
de bout en bout; une semaine plus tôt, le 23mai, avait eu lieu à Lucerne la cérémonie
d’inauguration, après quoi trois trains spéciaux avaient conduit plus de sept cents invités suisses,
allemands et italiens à Milan, où des fêtes grandioses avaient été organisées.
La gravure ci-dessus immortalise l’arrivée à Goeschenen du premier des trois trains inauguraux.
80-
Historail
Avril 2014
La ligne du Saint-Gothard ne compte pas moins de soixante-quatorze tunnels et galeries,
ainsi que soixante-cinq ponts et viaducs. Un de ses tronçons les plus intéressants est sans
aucun doute celui de Gurtnellen à Goeschenen, où trois tunnels hélicoïdaux, d’une longueur
de mille à mille cinq cents mètres chacun, permettent d’atteindre trois paliers successifs
et de réaliser, sur un minimum de superficie, une différence de niveau de trois cent soixante-
dix mètres.
Près de Wassen, où autrefois les chevaux de la diligence du Saint-Gothard se relayaient,
la ligne forme deux grands lacets qui se renouvellent trois fois à des hauteurs différentes,
de sorte que les voyageurs émerveillés voient l’église toute blanche du village tantôt
au-dessus d’eux, tantôt à gauche, puis à droite, tantôt devant eux, puis derrière.
Et enfin, quand ils ont pris de la hauteur, ils l’aperçoivent tout en bas, qui n’a pas bougé,
et qui les regarde une dernière fois du fond de la vallée.
série de grèves et d’actions violentes
qui vont s’étaler jusqu’en 1919. Au
final, les travaux n’avancent guère,
seuls 38km étant construit à la fin du
conflit. Pour ne rien arranger, une des
deux voies est déposée par l’autorité
militaire durant la guerre. En 1922, le
rail est en place de Chartres à Limours
tandis qu’on commence les travaux
de l’atelier du matériel roulant à
Montrouge pour remplacer les instal-
lations de Montparnasse et aména-
ger quatre voies nouvelles.
Depuis la fin du conflit, l’intérêt de la
ligne a évolué. Le débouché dans Paris
(inutile avec la reprise du réseau de
l’Ouest), tout comme son aspect stra-
tégique, ne sont plus d’actualité.
Devant la lenteur des travaux et les
difficultés rencontrées, la ligne va
bientôt paraître encombrante. Faut-il
toujours l’achever et dans quelles
conditions?
En 1916, les chemins de fer de l’État
avaient envisagé une mise en service
provisoire jusqu’à Limours dès la fin
du conflit. La dépose de la seconde
voie, les travaux de finition reportèrent
à 1922 l’ouverture envisagée. Au final,
on achève la ligne jusqu’à Massy et en
mai 1930, les premiers trains peuvent
enfin circuler sur la section sud.
Au nord de Massy, en revanche, le
chantier tourne au ralenti. La proxi-
mité de la capitale rend plus difficile
les expropriations tandis que l’empla-
cement des gares conduit à des
débats sans fin. Interrompus en 1917,
les travaux sont bientôt au point mort.
Les priorités de l’après-guerre concer-
nent davantage la reconstruction que
les travaux d’une nouvelle ligne. Le
ministre des Travaux publics va ainsi
refuser de débloquer tout nouveau
crédit tandis que Raoul Dautry, à la
tête du réseau de l’État à partir de
1929, s’engage dans une politique
d’économies.
Pour sortir de l’impasse, on avance
l’idée que la proximité avec la capi-
tale donne à la ligne un caractère
84-
Historail
Avril 2014
RÉSEAU
Page de droite:
plan des années
En pointillé noir et
blanc, la future ligne
inachevée.
DR/Coll. J. Offe
Ci-dessous:
dommages causés
à par la guerre sur
la ligne Chartres –
Massy (ici, à Massy).
Ligne de Paris
à Chartres, section
de Gallardon –
Pont-sur-la-Voise.
© Mairie de Massy
Avril 2014
Historail
urbain dont le financement revient à
la Ville de Paris, proposition approuvée
par le Conseil national économique.
Mais ces belles paroles ne suffisent
pas à débloquer le projet qui n’avance
que timidement. Le chantier va tout
de même progresser dans l’entre-
deux-guerres au nord de Massy
jusqu’à Châtenay, laissant une lacune
de 2km jusqu’à Bagneuxoù les ter-
rains sont réservés.
Entre-temps d’autres projets voient le
jour. La CMP (Compagnie du métro
de Paris) envisage en 1929 de repren-
dre une partie de la ligne. C’est
l’époque où l’on commence à réflé-
chir à un métro régional que la CMP
se verrait bien exploiter. P.Valette,
dans la revue
Connaissance du rail
mai 1980, explique qu’on étudie ainsi
un prolongement de la future ligne C
du Nord-Sud (devenue ligne 14)
depuis Porte-de-Vanves vers Malakoff,
Massy et Orsay. Longue de 19,6km,
électrifiée en 600 volts par 3
rail, elle
serait en intercommunication avec la
ligne de Sceaux à Massy-Palaiseau.
En 1934, un second projet prolonge la
ligne 14 à Massy-Palaiseau avec un
embranchement vers Malabry et le
Plessis-Robinson. Mais la CMP a plu-
sieurs fers au feu et dès 1930, elle
envisage une reprise après moderni-
sation de la ligne de Sceaux. Les négo-
ciations engagées avec le PO vont
conduire à son transfert à la CMP ren-
dant sans intérêt les autres projets.
La ligne de Chartres à Massy pour sa
part va connaître 9 années d’exploi-
tation avant son interruption défini-
tive le 1
août 1939. Trois trains par
jour dans chaque sens, matin, midi et
soir assurent la liaison de Chartres à
Massy-Palaiseau en un peu moins de
2heures. Après le conflit, les dégâts
portés à plusieurs ouvrages d’art et le
faible trafic vont conduire la SNCF à
déposer la voie dès 1945 de Massy à
Gallardonavant le déclassement inter-
venu en 1953.
Que faire dès lors de la plate-forme
et des réservations faites aux portes
de Paris? Dans les années 1960, on
va s’intéresser d’un peu plus près à
[ deux lignes inachevées en Île-de-France]
Extrait des Cartes Tarides «Envrions de Paris 20 kilomètres»/Coll. Ph.-E. Attal
Avril 2014
Historail
direction de Senlis et Rivecourt au sud
de Compiègne. Il s’agit de créer une
nouvelle pénétrante vers Paris
Sen-
lis en assurant la desserte d’une tren-
taine de localités nouvelles. La ligne va
également soulager les deux artères
de Paris à Creil et de Rivecourt à
Ormoy sur Paris – Soissons. Du coup,
on envisage d’y faire circuler les trains
en provenance de Belgique et d’Alle-
magne de même que le trafic mar-
chandises depuis Saint-Quentin, Lille
ou encore Calais en liaison avec la
Grande Ceinture au Bourget. Le projet
concédé en juin 1901 est donc pro-
metteur. La ligne de 69km est décla-
rée d’utilité publique en mars 1906,
une quinzaine de stations et de haltes
étant prévues sur le parcours. Il faudra
tout de même attendre 1913 pour que
débutent les travaux. Ils sont menés
bon train jusqu’à la guerre, l’achève-
ment étant alors envisagé pour 1916.
Après la victoire, malheureusement,
le contexte a changé. Une grande part
du réseau a souffert, de nombreuses
gares et infrastructures proches des
combats étant à reconstruire. Dès lors
la reprise du chantier interrompu
durant le conflit n’est plus à l’ordre
du jour. Les populations comme les
élus ne vont néanmoins cesser de
réclamer l’achèvement de la ligne,
officiellement gelée en attendant des
jours meilleurs. Entre-temps la facture
a explosé, grimpant du fait de l’infla-
tion à 200millions.
En 1929, quand le conseil général de
Seine-et-Oise réclame à son tour la
reprise du chantier, le ministre des tra-
vaux publics refuse tout net. À partir
de 1933, mauvais signe, on com-
mence à démonter les culées des
ponts déjà construits qui gênent la cir-
culation automobile. Malgré les mul-
tiples protestations, comme ce député
de l’Oise qui écrit directement au
ministre, l’avenir de la ligne semble
scellé. Des propositions diverses visant
à un achèvement seulement partiel,
notamment dans les secteurs où les
travaux sont le plus avancés resteront
lettre morte. En janvier 1942, la ligne
est officiellement déclassée.
Bien qu’aucun train n’ait jamais cir-
culé sur Aulnay – Rivecourt, les plus
optimistes pourront tout de même y
trouver un bilan pas tout à fait néga-
tif. En 1976, c’est bien depuis Aul-
nay (avec reprise de la plate-forme de
l’ancienne ligne au sortir de la gare)
qu’est réalisée la liaison vers l’aéro-
port de Roissy. Et même si le tracé est
différent, les villes traversées, Ville-
pinte, Tremblay, Roissy rappellent
étrangement les premières stations
d’Aulnay- Rivecourt. Et que dire du
projet Roissy-Picardie, qui se propose
de relier Creil à Roissy, connectant
Amiens et le sud Picardie à l’aéro-
port? Si la nouvelle ligne avait vu le
jour, une telle liaison serait devenue
sans objet.
Philippe-Enrico Attal
[ deux lignes inachevées en Île-de-France]
Carte des
années1920.
En pointillé noir
et blanc, la future
ligne inachevée.
Extrait des Cartes Tarides « Envrions de Paris 20 kilomètres»/Coll. Ph.-E. Attal
90-
Historail
Avril 2014
BONNES FEUILLES
L
e premier volume de cette collection présentant des photogra-
phies en couleur et des légendes précises, très vite épuisé, traitait
des autorails. Ce livre en est la continuité; il invite à parcourir la
France avec des omnibus de tous types. L’autorail garde une place
privilégiée, en partie grâce à de nombreux clichés jusqu’alors incon-
nus, exhumés de pochettes en papier cristal ou de petites boîtes
jaunes de diapositives.
Le mot omnibus vient du latin « pour tous ». Dans l’usage courant,
il signifie par excellence le chemin de fer de proximité d’avant l’ère
TER. Au fil des pages le lecteur est invité à s’arrêter à l’une de ces
gares ou maisonnettes de passage à niveau alors vivantes et fleu-
ries,
«point vert jeté sur le ruban métallique des rails et la grisaille aride
du ballast, prisme de couleurs»
, comme l’écrivait avec poésie Paul de
Francqueville du Service central de l’exploitation du PLM, avant
qu’elles ne disparaissent de la vie quotidienne. La composition des
rames et les remorques d’autorails font appel à des matériels les plus
divers. Ici et là, des wagons sont acheminés par les trains de voya-
geurs, montrant toutes les possibilités du transport par fer, un véritable
« service public au service du public » pour reprendre les mots de
l’une des premières affiches de la SNCF.
Le déroulé de l’ouvrage suit l’organisation de la société nationale de
1946 à 1972 avec ses six Régions: Est, Nord, Ouest, Sud-Ouest, Sud-
Est et Méditerranée. Les plus anciens reconnaîtront un monde qu’ils
ont connu, et les plus jeunes pourront laisser leur regard vagabonder
au gré des images. Leur nombre important en grand format répond
à une volonté d’offrir le plus de détails possibles de l’environnement
ferroviaire, mettant en relief autant d’éléments qui le rendent si atta-
chant, surtout lorsqu’il met en valeur son aspect humain. Ceux qui
désirent reconstituer des scènes disparues par la magie du modé-
lisme y trouveront d’inépuisables sources d’idées. […]
Extrait de l’avant-propos
Didier Leroy
Les omnibus en couleurs
1950-1990
À l’orée des années cinquante,
les omnibus font partie de la vie
quotidienne de personnes de tous
âges. Ils les empruntaient sur des
courtes distances afin de se rendre à
l’usine, au bureau, au collège. Toutes
les régions, particulièrement les plus
rurales, voient les omnibus sillonner
leurs territoires. Ces trains à vapeur,
diesels, électriques ou autorails sont
le symbole du quotidien français
des années 1950 à 1985.
Un ouvrage de 144 pages au format 220 x 270 mm. En
vente à la Boutique de
La Vie du Rail
(gare Saint-Lazare,
13, rue d’Amsterdam, 75008 Paris) ou par correspondance
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, BP 30657, 59061 Roubaix Cedex 1) ou sur
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Réf.: 110 296. Prix: 39
OMNIBUS
Lesomnibusencouleurs
1950-1990
héritage
Nom : …………………………………………………………………………Prénom : …………………………………… Société : …………………………………………………
Adresse :.………………………………….………………………..…………………..…………………..……………..…………….……..……………..……..…………….……..…
Ville :…………………………………………………………… Code postal : ……… Pays : ……………………………… Tél. : ……………………………………………………
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La Flèche-d’Argent (1956-1980)
et la Flèche-Corse (1964-1969) •
Les services combinés fer-air de la SNCF
avec la Compagnie air transport (CAT)
N°17
Spécial fermetures de lignes en France (2):
trafic voyageurs et trafic marchandises
N°18
Trains de légende: le «Mistral». Entretien
avec André Victor: le «Mistral»
au prisme de l’enfance
N°21
Cinéma, guerre et chemin de fer
N°22
Louis Armand: «L’orgueil de ma fatigue».
Portfolio. À la belle époque des trains
de marchandises
N°24
Innovations des années 1970
N°25
La Chapelle • Le tramway de Paris •
Traction (1889-1900) • Les stèles
après guerre à la SNCF
N°26
Gare de l’Est, un réseau mythique •
Les 150 ans du métro de Londres •
Traction (3
partie) • Histoire de
Notre
Métier
N°27
Rail et Vin • Le Grand Paris version
Pompidou
N°29
Un filet de secours pour les mécanos:
crocodile, Rodolausse, KVB? •
Les facilités de circulation des cheminots •
La question du travail dominical
dans les chemins de fer
tion, guerreset occupations,
grèves, élections, vie munici-
pale…
Pierre Guy met en avant le
rôle important que jouèrent
de fortes personnalités che-
minotes: le socialiste Jules
Lobet élu député en 1919,
Alcide Benoît, communiste
révoqué en 1940, réintégré
après guerre, élu maire en
1947 puis député, auquel
succédera à la mairie en
1948 le syndicaliste militant
CFTC et démocrate-chrétien
Roger Menu, jusqu’en 1970.
En un siècle et demi, depuis
l’entretien et la construction
des premières locomotives à
vapeur de la Compagnie de
l’Est à la maintenance des
rames TER, l’Atelier aura vu
défiler bien des matériels:
dans une annexe précise et
illustrée
, l’au-
teur énumère toutes les acti-
vités des ateliers, en particu-
lier les locomotives à vapeur
construites ou entretenues,
qu’elles soient des proto-
types ou de série: sur les
3910 locomotives qu’exploi-
tera la Compagnie de l’Est,
765 (dont 13 prototypes) en
seront issues. Parmi les spé-
cialités dédiées, l’entretien
des « Flaman » depuis 1956,
ces « mouchards » qu’avait
conçus l’ingénieur de l’Est
Eugène Flaman, répondant
à une circulaire pressante de
(cf. notre article sur
le crocodile p.45)
. Bien
entendu, l’histoire du centre
d’apprentissage est évoquée
et illustrée
(pp. 162-165)
l’auteur relevant l’émancipa-
tion progressive
« des réfé-
rences pétainistes qui le
caractérisaient dans les
années 1950 » (p.165)
. Un
équilibre entre d’abondantes
illustrations inédites et un
texte précis témoigne de
l’aboutissement de cinq
années de recherches. Un
colloque voué à la comparai-
son de ces grands sites ferro-
viaires en déclin permettrait
de dégager l’importance de
leur « culture de réseau » res-
pective: en l’occurrence, ici,
c’est par leur relative modéra-
tion sociale et leur forte inté-
gration locale que semblent
se distinguer ces « estos »,
aspirant dans leur sillage la
modeste classe vigneronne et
s’opposant à celle, aristocra-
tique, des négociants en vins
de champagne.
onorée du prix Bazille
de l’Académie de
Législation, voici la thèse
d’un juriste soutenue à
Toulouse en 2011 sous la
direction de Jean-Arnaud
Mazères. Loin des austères
traités du droit des trans-
ports, c’est à un voyage
rétrospectif et à un regard
critique que nous invite l’au-
teur, décapant l’histoire d’un
réseau dont les solides fon-
dations ramènent toujours à
l’étoile de Legrand, et que
rythment trois temps: le
temps de la centralisation et
du contrôle du territoire par
l’État; le temps des « conces-
sions » et du service public;
enfin le temps de la moderni-
sation du service public ferro-
viaire.
Certes, aux origines, le che-
min de fer accroît la liberté de
se déplacer. Mais selon l’au-
teur se référant à Michel
Foucault comme à Gilles
Deleuze, les voyageurs sont
canalisés et contrôlés dans
leurs déplacements. D’où une
lecture possible de l’architec-
ture des gares comme panop-
tique privilégiant le verre et la
transparence; tous dispositifs
participant d’une
« orthopé-
die du déplacement visant à
coder
ces flux »
. Posant des
«fers» sur des chemins, l’État
allait ainsi sceller sa présence
sur l’ensemble du territoire,
décuplant sa puissance d’in-
tervention par ces fameux
« rênes du gouvernement »
qu’étaient pour Legrand les
branches de sa fameuse
« étoile ». Le chemin de fer
apparaît donc comme un fait
social total, séparant davan-
tage l’homme de la nature,
mettant en scène des pay-
sages touristiques, donnant
naissance à une nouvelle
représentation artistique du
monde.
Viendront ensuite « les
concessions de l’État » en
faveur d’une couverture de
tout le territoire par des liai-
sons peu rentables, assorties
de nombreuses prescriptions
composant le confort des
passagers comme l’essence
du service public ferroviaire.
Contraintes partagées avec
des compagnies entraînées,
malgré des conventions
financières à répétition
(1859, 1883), dans un déficit
croissant que résoudra la
nationalisation de 1937.
La SNCF sera soumise à une
impérative logique de ges-
tion, que trahissent d’impor-
tantes fermetures de lignes
dès sa création, renouvelées
dans le cadre de la réforme
de 1971 inspirée par le rap-
port Nora (1968). Sommée
de se comporter comme une
entreprise commerciale, son
management va remettre en
cause les principes de conti-
nuité et d’égalité des usagers
dans la desserte ferroviaire
du territoire, que la transfor-
mation en 1983 de la SNCF
en Epic ne contrecarre pas.
Entre le service public et le
marché, voici venu le temps
de
«modernisation du
service public ferroviaire»
laquelle poussent aussi les
trois
«paquets ferroviaires»
imposés par Bruxelles. Cette
nouvelle
« commercialité fer-
roviaire »
est illustrée par la
transformation de
« l’usa-
ger »
en
« client »
, par le
recours à des formes ampli-
fiées de gestion contractuelle
ou de libéralisation du
domaine public ferroviaire,
mutations qui annoncent en
particulier la remise en cause
à terme du statut des chemi-
nots. Le maintien du service
public ferroviaire ne dépend
plus que des conseils régio-
naux et de subventions de
l’État pour financer les liai-
sons transversales.
Comme l’auteur l’a exposé
dans sa soutenance,
« notre
travail a donc visé à compen-
ser l’absence d’ouvrages
transversaux et juridiques sur
les chemins de fer, hormis
des sommes historiques,
des études économiques ou
des recueils de textes juri-
diques »
, en visant une
approche globale des che-
mins de fer entrecroisant
« l’État, le service public et le
marché. »
L’historien épris de
faits peut certes se défier de
cette lecture à rebours, qui
Avril 2014
Historail
LAURENT QUESSETTE
Au croisement
du service public et
du marché, recherches
sur les chemins de fer
en droit administratif
français
Presses universitaires d’Aix-en-
Provence, 2013, 2 tomes,
518 pp. et 914 pp., 96
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Collection Régions
Paris-Lyon
et sa banlieue
Didier Leroy et Paul-Henri Bellot
Voulue fastueuse par la riche Compagnie du PLM
pour l’Exposition universelle de 1900, portée par
sa prestigieuse tour de l’Horloge et son célèbre
restaurant, la gare de Lyon est incontestablement
devenue un véritable monument parisien. Son
rôle reste le plus souvent associé aux destinations
nobles de la Côte d’Azur et des Alpes, aux
mythiques
Train-Bleu
et
Mistral
, qui ont un peu
éclipsé ses trafics plus traditionnels. De son par-
vis jusqu’à Montereau, Montargis et Malesherbes,
les auteurs parcourent ses lignes, ses triages et ses
dépôts grâce aux plus beaux clichés de
La Vie du
Rail
et de collections particulières, dont la
plupart sont inédits. Ils relatent ainsi
l’ambiance ferroviaire de la fin de la
vapeur jusqu’à l’arrivée du TGV, dans
ce que
Paris-Lyon et sa banlieue
ont
de plus attachant: la vie des voya-
geurs et des cheminots!
49

Réf.: 110 284
Caractéristiques techniques:
Format: 240 x 320mm
176 pages
Prix public: 49

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