On a lu pour vous : Les Trains du col de Tende Volume I, 1858-1928 par José Banaudo, Michel Braun, Gérard de Santos
Les trois auteurs publient le résultat de recherches poursuivies depuis la parution en 1979 d’un premier ouvrage consacré à la ligne du col de Tende. Étude complète de la ligne franco-italienne en Y, depuis Cuneo jusqu’à Nice-Saint-Roch et Vintimille, avec l’aide de nombreux contributeurs, collectionneurs de documents, cheminots français ou italiens… Un sujet particulièrement riche en raison de ses multiples aspects, « historique, géographique, stratégique, politique, diplomatique, technique ou tout simplement touristique », rappelle l’avant-propos. Un plan chronologique s’impose, trois parties formant ce premier tome. L’évolution d’une idée, d’abord :une « affaire piémontaise » (1845-1861), devenue une « question internationale » (1861-1887), avant que l’Italie n’en prenne l’initiative (1882- 1900), pour aboutir à un accord international (1890-1904). Puis « une réalisation ardue » : un démarrage laborieux (1904-1914), interrompu côté français par la guerre, mais poursuivi par les Italiens (1914-1918), avant « la relance des travaux » de 1919 à 1927, leurs finitions et le rodage de l’exploitation (1928-1931).
Le rôle de l’ingénieur des ponts et chaussées Paul Séjourné (1851-1939), chargé du service de la Construction du PLM, est rappelé (p. 91), qui, resté fidèle aux ouvrages de maçonnerie, signera avec le viaduc de Scarassoui l’un de ses chefs-d’oeuvre ainsi justifié : « Le viaduc est le premier des ouvrages français qu’on verra en venant d’Italie. C’est comme une porte d’entrée en France, il la faut digne d’elle. » (p. 142) C’est bien en effet en 1929 ce viaduc que retient le PLM pour l’affiche qui doit promouvoir sa nouvelle ligne Nice – Coni, embelli d’une 231 ou d’une 141 C, deux types qui semblent n’avoir jamais roulé sur la ligne… (p. 72).
Grâce à d’abondantes photos, « l’album des chantiers français » (p. 152-307) nous fait parcourir de Nice jusqu’à la frontière les chantiers dont les difficultés extrêmes aux plans tant technique qu’humain sautent aux yeux. Conducteur du PLM à Breil, Marcel Prouzet avait réalisé de nombreux clichés de la ligne en construction puis en exploitation, conservés par Michel Braun. Échafaudages rudimentaires bien périlleux (p. 251), pelleteuses à vapeur américaines, machines Corpet-Louvet ou Orenstein-Koppel pour voies métriques, témoignent des défis que durent relever les entreprises de François Mercier (1858-1920), de son collaborateur puis successeur André Borie (1889-1971), ou de l’Italien Giannotti. De même chantiers, baraques et cantines révèlent les sévères conditions de travail et de vie de leurs ouvriers d’origines variées : des ouvriers peu qualifiés recrutés sur place mais surtout des Italiens, des maîtres-tailleurs de pierre du Piémont ou de la Creuse itinérant d’un chantier de mur de soutènement à l’autre ; des journées de 10 heures sur les chantiers à l’air libre, des mineurs et terrassiers en 3 x 8 dans les tunnels (p. 141). Des photographes professionnels parcourent les chantiers pour proposer des photos « souvenir » aux ouvriers qu’ils adresseront à leurs lointaines familles… (p. 300). Divers événements scandent le quotidien de ces interminables chantiers : inauguration du tunnel du col de Tende le 16 juillet 1908 ; catastrophe de Breil le 21 décembre 1925 avec sept morts ; inauguration de la ligne le 30 octobre 1928, et rencontre de deux ministres que tout oppose, le libéral Tardieu et le fasciste Giurati, mais « deux représentants de la dictature du Capital » selon un tract communiste qui les fustige (p. 345). On aimerait en savoir plus sur le trafic de voyageurs que connaîtra la ligne, comparé aux prévisions qui la justifiaient : non seulement villageois de son hinterland mais aussi riches touristes gagnant la Riviera depuis le Piémont… Sont annoncés un second ouvrage (1931-1980) et un troisième (1981-2020)…
Association de l’Écomusée du Haut-Pays et des transports, Breil-sur-Roya, 2018, 391 p.
En vente à la boutique de La Vie du Rail au 29 rue de Clichy, 75009 Paris. Réf. : 121 727.
69 €.
Ou sur le site de la boutique de La Vie du Rail