1re partie : Les gares de la malbouffe (XIXe siècle)
« Buffet. Table toute dressée et servie, à la disposition des voyageurs, particulièrement dans les gares des chemins de fer. Salle où cette table est installée : Dans les buffets, l’on paye cher et l’on mange mal. » Dans son Grand Dictionnaire universel paru sous le Second Empire, signalant ainsi une acception récente du mot buffet, Larousse prononce ainsi un jugement catégorique et sans appel !
Les autres conseils à l’adresse des voyageurs ici recensés n’apportent pas un démenti quant à la qualité des repas servis dans ces gares avec « arrêt-buffet », proposés à des voyageurs qui disposent de 20 à 25 minutes pour quitter leur compartiment, gagner la salle du buffet, commander leur repas, et… l’avaler ! Seul Chaix, dans son Guide pratique paru en 1854, tient des propos plutôt neutres, intéressés à vrai dire1, puisque l’Indicateur et le Livret, ces précieux guides horaires dont il a le monopole « indiquent les stations munies de buffets, salles de rafraîchissement, où l’on trouve à prix modéré, boissons et aliments chauds ou froids, de quoi satisfaire aux estomacs les plus exigeants ». Il se contente de rappeler que « la qualité et le prix sont contrôlés par les compagnies ». En annexe, est donnée la liste des seules 40 stations où il existe alors des buffets2 et, à titre indicatif, le tarif unique pratiqué par les buffets de la Compagnie d’Orléans (voir page 39), les plus nombreux alors. Suivons donc chronologiquement ces conseils et avis…
Un plaidoyer pour un buffet . bord des trains (1858)
Eugène Delattre (1830-1898), avocat à la Cour impériale de Paris, opposant au Second Empire,
vitupère contre les buffets de gare, impatient de voir chaque train doté d’un buffet !
« La fatigue qui résulte nécessairement du voyage aurait dû, en bonne logique, être prise en considération pour allonger les temps d’arrêt aux gares principales possédant des buffets ; mais, outre que ces temps d’arrêt sont fort courts, l’habitude est d’en rogner un quart ou un cinquième. Faisons le décompte. Allons à Lille, si vous voulez bien ; nous nous proposons de déjeuner à Amiens. Le Journal des chemins de fer indique en effet 25 minutes d’arrêt, ce qui est suffisant pour les mâchoires habiles et bien fortifiées.