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UGS : HR17 Catégories : ,

Description

Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
N° 17 – Avril 2011 – Trimestriel – 9,90
(*)Seconde édition
revue et augmentée
Numéro spécial
1930-2010 : 80 ans de
fermetures
de lignes
(2)
(marchandises et voyageurs
Avril 2011
Historail
D
ans notre éditorial du n° 13 d’
Historail
(avril 2010), nous vous faisions part tout à la fois
de la joie et de l’étonnement qui furent les nôtres devant l’ampleur du succès rencontré
par le n° 12 de la revue, dans lequel nous consacrions un substantiel dossier (60 pages)
aux « fermetures de lignes au trafic voyageurs en France ». Nous en profitions, au passage,
pour remercier tous ceux qui nous avaient écrit pour nous féliciter, nous encourager, nous
apporter une précision ou nous signaler une erreur. Nous leur assurions que leurs observations
ou suggestions ne resteraient pas lettre morte, sans pour autant pouvoir leur dire,
à ce moment-là, dans quel cadre elles seraient mises à profit.
Plusieurs options s’offraient à nous. L’une, minimale, aurait consisté à réimprimer purement
et simplement le numéro, moyennant quelques amendements. Une solution qui aurait certes
satisfait tous ceux qui, malgré un réassortiment, n’avaient pu se le procurer, et ils sont encore
nombreux, mais qui n’aurait pas apporté grand-chose à ceux qui en étaient déjà les heureux
possesseurs. L’autre option, plus ambitieuse, était de reprendre l’étude parue dans le n° 12
mais de l’inclure dans un dossier plus complet sur la problématique des fermetures de lignes
en France, de manière à répondre aux attentes des uns et des autres.
C’est finalement le choix que nous avons fait en étendant notre propos aux fermetures de lignes
marchandises, le tout complété, en introduction, par une réflexion d’ordre plus général
sur les raisons de l’amenuisement du réseau ferré national, et agrémenté, en guise d’épilogue,
par un portfolio comportant de nombreuses photos inédites. C’est donc un numéro « spécial
fermetures » très largement renouvelé que nous vous proposons, dans lequel nous n’avons
cependant pas renoncé à inclure quelques articles « hors sujet », sur la numérotation
des transports parisiens, ou sur les démêlés de la SNCF avec sa propre histoire, qui ne devraient
pas manquer de retenir également votre attention.
Bref, un numéro de printemps particulièrement copieux, ce dont vous pourrez juger
dès sa « prise en mains » puisqu’il comprend exceptionnellement 148 pages au lieu de 116,
soit 32 pages supplémentaires…
Olivier BERTRAND
I
Fermetures, le retour
I
Le 15 octobre 1962,
la gare de
Saint-Bomer-
Champsecret, sur la
ligne de Flers
à Domfront, est
en pleine activité.
De g. à d., une 1404
en tête du MV 4471,
la 141 C 62,
avec un train de
marchandises RO,
et la 141 P 115, du
dépôt d’Argentan,
tractant un convoi
de wagons de
minerai de fer
en provenance
de mines locales.
F. Fénino/Doc.
Urbain
6-
Historail
Avril 2011
En haut, le MP 73
de la ligne 6
du métro,
à la station Passy
(28 mai 2010).
Ci-dessus,
une plaque émaillée
bicolore d’arrêt
de bus sur laquelle
ont été montés
différents disques
indiquant les
numéros de lignes.
Ces plaques ont été
adoptées dès les
années 30.
La numérotation
dans les transports
parisiens
La numérotation des lignes des transports parisiens reflète
toute l’histoire de leur organisation. Un reflet, au départ,
de la multiplicité des compagnies. Puis la jungle des indices
affectant les lignes de tramways, d’autobus et de métro,
va se rationaliser au fur et à mesure des regroupements
qui vont intervenir, pour aboutir au système prévalant
à l’heure actuelle.
Ph.-E. Attal
Avril 2011
Historail
I
mposée par le baron Haussmann, la
fusion des compagnies d’omnibus
en 1855 va servir de base à la pre-
mière numérotation des lignes pari-
siennes. Jusqu’alors, les nombreuses
entreprises concurrentes – aux noms
souvent poétiques, comme les
Constantines ou les Béarnaises –
exploitaient des lignes désignées par
leur direction. Le nouvel exploitant, la
Compagnie générale des omnibus
(CGO), va réorganiser le réseau à
compter de 1856, autour de 25 lignes
parmi les plus cohérentes et desser-
vant l’ensemble des quartiers de la
ville. Chacune se voit attribuer un
indice lettre (de A à Z). Cette première
numérotation se fera en tournant au-
tour de Paris (à partir de l’ouest et vers
le nord), les différents terminus situés
à la périphérie de la ville servant de
références: le A dessert Passy, le B
Chaillot, le C l’avenue de Neuilly, etc.
Ce système va rester en place peu ou
prou jusqu’en 1945, en s’exonérant
toutefois de l’origine géographique
du terminus. En 1860, Paris a annexé
les communes situées à l’intérieur des
fortifications comme Montmartre,
Belleville ou Auteuil, et ce sont
31 lignes qu’exploite la CGO de A à Z,
et de AB à AG (la ligne W ne sera
ouverte qu’en 1922).
L’omnibus, pourtant promis à un bel
avenir, va bientôt voir arriver un concur-
rent, le tramway. Après une phase
expérimentale, les pouvoirs publics
décident d’autoriser la construction
de lignes dans la capitale. En 1873, le
monopole de la CGO est rompu: deux
compagnies de tramways sont créées
pour desservir la banlieue au départ
de Paris, les Tramways Nord et les
Tramways Sud. Chacune va mettre en
place une numérotation propre sans
chercher la complémentarité. Les Tram-
ways Nord vont désigner leurs lignes
de A à H, tandis que les Tramways Sud
vont se servir de chiffres (de 1 à 11).
La CGO, qui à son tour ouvre des
lignes de tramways, va, comme pour
les omnibus, utiliser des lettres, sim-
plement précédées du T. Ainsi appa-
raissent les lignes TA, TB, TC…
Le développement de ces trois réseaux
de trams, auxquels s’ajoutent les
lignes d’omnibus, va générer une mul-
titude d’indices de nature à troubler
l’utilisateur. Le public a toutefois l’ha-
bitude de désigner les lignes par leurs
directions, parlant davantage de
l’omnibus Madeleine – Bastille que du E.
Après la faillite des Tramways Nord
et des Tramways Sud, en 1890, les
concessions sont accordées à de nou-
velles compagnies, respectivement la
Compagnie des tramways de Paris et
du département de la Seine (TPDS) et
la Compagnie générale parisienne de
tramways (CGPT), sans que le système
soit modifié. Malgré les difficultés
financières, le tramway continue de se
développer, et de nouvelles entreprises
voient le jour. Une première vague
apparaît à partir de 1887 avec les Che-
mins de fer nogentais, suivis en 1888
du Paris – Saint-Germain ou encore,
en 1893, du Paris – Arpajon. D’autres
réseaux de moindre importance sont
créés, comme les Tramways de
Romainville ou les Tramways de Saint-
Maur. La plupart de ces lignes ont
pour particularité de pénétrer dans la
capitale jusqu’à un point central, gé-
néralement une grande place comme
celles de l’Opéra, du Châtelet ou de
la République. De fait circulent dans
les rues de Paris une multitude de
tramways exploités par des compa-
gnies diverses, chacune possédant sa
propre nomenclature. La situation va
encore se compliquer à l’approche
de l’Exposition universelle de 1900. De
nombreux concessionnaires obtien-
nent pour la circonstance l’autorisa-
tion de construire des lignes à la
rentabilité parfois aléatoire, censées
desservir au mieux la manifestation.
Ainsi, une nouvelle série de compa-
gnies voit le jour, parmi lesquelles l’Est
Parisien ou les Tramways de la rive
gauche.
Un autre concurrent sérieux apparaît à
cette occasion, à savoir le métro. Après
plusieurs décennies de tergiversations,
un premier réseau est concédé par la
Ville de Paris. Organisées selon une
numérotation propre, les lignes,
Ph.-E. Attal
Collection Ph.-E. Attal
Ci-contre,
le plan
de la ligne
de bus 38
Montrouge-
Porte-
d’Orléans –
Gare-de-l’Est
(1949).
Ci-dessous,
un bus doté
de l’indice lettre
de sa ligne.
Le BK part de
Saint-Lazare.
Après guerre,
il deviendra
le 24 (musée
des Transports
urbains
de Chelles, le
19 septembre
2009).
Avril 2011
Historail
sent au profit de la STCRP. À cette oc-
casion, une réorganisation des indices
va être effectuée. Les autobus conser-
vent leurs lettres tandis que les tram-
ways se voient attribuer des chiffres.
Dans cette nomenclature, les an-
ciennes lignes de la CGO restent
numérotées de 1 à 33; celles de la
TPDS, de 35 à 79; celles de la CGPT, de
81 à 94. Les compagnies de moindre
importance viennent ensuite: l’Est
parisien, de 95 à 112; les Chemins de
fer nogentais, de 113 à 122; les Tram-
ways de la rive gauche, de 123 à 126.
D’autres compagnies absorbées plus
tardivement par la STCRP prendront
les indices des séries suivantes.
Citons enfin quelques cas particuliers:
la ligne des Chemins de fer du bois de
Boulogne est numérotée 44; le Paris –
Arpajon devient le 88 jusqu’à Antony
et le PA en traction vapeur au-delà;
l’Ouest parisien prend le 80 et le 128.
D’autres lignes complémentaires
créées ultérieurement par la STCRP
viendront s’insérer dans cette numé-
rotation, telles les 34, 43 ou 47. Cer-
tainsindices seront également réservés
pour des lignes jamais construites
comme les 18, 27, 56, 61…
Côté bus, la numérotation progresse
et on atteint en 1921 l’indice AS. La
période des années 1920 coïncide avec
le développement de la banlieue, qui
n’est pas toujours bien desservie par
les transports. L’autobus permet désor-
mais de s’affranchir de la construction
de nouvelles lignes de tramways. La
STCRP va ainsi créer à partir de 1922
de nouveaux services circulant unique-
ment en banlieue. Pour les distinguer
des lignes proprement parisiennes, elle
leur attribue la lettre E – pour «
extra-
». Ainsi apparaissent les lignes
EA, EB, EC… Cette nomenclature
finira par atteindre au fil des ans la
lettre F, jusqu’à l’indice ultime FP, dési-
gnant le bus pour Le Plessis-Robinson.
En 1925 on dispose donc, tant sous
terre qu’en surface, d’une numérota-
tion unifiée facilement identifiable par
le public. Mais la suppression pro-
gressive des tramways va bouleverser
cette belle organisation. Selon la logi –
que du système, toute ligne de bus
doit posséder un indice lettre. En avril
1925, quand le tram 78 est supprimé,
il est remplacé par un autobus EF.
Même chose pour le tram 99, disparu
en 1926 et devenu le bus BH. Au fil
des suppressions de tramways, qui
vont s’accélérer dans les années 1930,
le système va se gripper jusqu’à perdre
toute lisibilité pour le public.
Durant cette même période, la STCRP
va conjointement créer de nouvelles
lignes et remplacer certains trams par
des autobus. Les indices qui appa-
raissent désignent de nouvelles des-
sertes (comme le CB de Porte-de-
Champerret à Porte-d’Orléans, créé
en février 1932) ainsi que des lignes
déjà bien connues des voyageurs (tel
le CC, en remplacement du tramway
28). Pendant une période transitoire,
tout nouveau bus remplaçant un tram
portera les deux indices, à l’image du
CD/26 ou du CL/43. Mais plus les sup-
pressions de trams vont s’intensifier,
plus la numérotation des lignes de bus
ainsi créée va se compliquer, jusqu’à
atteindre l’indice DG (en remplace-
dans les transports parisiens ]
Ci-contre,
deux plans de lignes
et correspondances
des autobus
de la RATP de 1955
(lignes 20 à 28
et 42 à 49).
Collection Ph.-E. Attal
Collection Ph.-E. Attal
Urbain
[ la numérotation
ment du tram 34 en 1933). À ce
rythme, les indices D ne vont pas tarder
à rattraper les services de banlieue E.
De plus, il devient de plus en plus dif-
ficile pour les usagers de s’y retrouver
dans l’édifice mis en place. Pour cette
raison, il est décidé que, à compter
de 1934, les autobus reprenant des
services de trams conserveront leurs
indices chiffrés. Par exemple, les trams
1, 13, 25, etc., supprimés en 1934-
1935, voient leurs indices repris par
les bus correspondants. À compter de
1935, les bus qui succèdent aux trams
auxquels on avait attribué des lettres
retrouvent l’indice d’origine (chiffré).
Ainsi, le tram 34, supprimé en tota-
lité en 1933, devient l’autobus DG,
avant de redevenir l’autobus 34 en
1935. La simplification ajoute encore
à la confusion.
À la mise en place de cette dernière
réforme, on trouve donc des autobus
désignés par des lettres et des chif-
fres, et des tramways survivants nu-
mérotés dans un ordre disparate en
fonction des suppressions. Le système
est devenu très complexe. Et que dire
des suppressions de tramways
intra-
remplacés par des services de
bus partiels à indices multiples? Ainsi,
le tram 34 est d’abord remplacé en
1930 d’Austerlitz à République par un
bus 34/103, le tramway prenant le re-
lais au-delà. L’indice DG n’apparaîtra
qu’à la conversion intégrale de la
10-
Historail
Avril 2011
Photos Ph.-E. Attal
Photos Doc.
1 & 2. Place Saint-
Michel (début
siècle et 2010).
L’origine du bus 38,
la gare de l’Est,
a conduit à
sa renumérotation
dans la série des 30.
Il remplace le bus 8
de la STCRP,
qui avait lui-même
succédé à l’ancien
tramway 8.
3 & 4. Place du
Châtelet (début
siècle et 2010).
Le bus 38 (origine
Histoire immédiate
14-
Historail
Avril 2011
Vue aérienne du site
de l’ancienne gare
de déportation
de Bobigny dans
son état actuel.
La Ville souhaite
le convertir
en mémorial.
De Palo Alto à Bobigny,
à petits pas:
la SNCF sur
la voie de la repentance?
Désireuse de participer aux compétitions pour la construction
de lignes à grande vitesse outre-Atlantique, la SNCF s’est vue
sommée par des organisations juives américaines de s’expliquer
à nouveau sur son rôle dans la déportation des Juifs de France.
Le projet de création d’un mémorial de la déportation sur le site
de l’ancienne gare marchandises de Bobigny lui a fourni l’occasion
de revenir sur cette peu glorieuse page de son histoire.
© Ville de Bobigny/Sylla Grynberg (2006)
Histoire immédiate
[ de Palo Alto à Bobigny,
dent de très nombreuses familles
juives de descendants des victimes de
la Shoah, l’Holocaust Documentation
and Education Center a rejeté ces
« regrets » de la SNCF, jugés à la fois
intéressés et trop distants: « S’ils veu-
lent présenter des excuses, ils doivent
le faire directement auprès des survi-
vants. » Du côté de la communauté
juive française, « perspective navrante »
que « ce soient des contraintes éco-
nomiques qui amènent ces excuses
tardives et opportunistes », explique
le rabbin Gabriel Fahri (4).
La pression relancée en France va
trouver heureusement deux exutoires.
Le 13décembre dernier, Pepy et le
président du mémorial de la Shoah,
Éric de Rothschild, signaient un
accord de partenariat pour quatre
ans portant sur trois axes: une aide
financière apportée au programme
d’enseignement dans les écoles et de
formation des enseignants sur la
Shoah, une participation aux com-
mémorations et à la création de lieux
de mémoire, un engagement, enfin,
de reprise de la recherche historique
concernant la SNCF pendant la
Seconde Guerre mondiale.
Mais c’est de manière plus médiati-
quement efficace que la SNCF s’asso-
ciera à une cérémonie prévue de
longue date par la Ville de Bobigny,
acquéreuse du site désaffecté de sa
gare de marchandises, l’un des lieux
d’embarquement vers Auschwitz des
Juifs concentrés dans le camp de
Drancy. Site qu’elle souhaite convertir
en mémorial: c’est de cette gare, en
effet, que partirent 22407 Juifs, entre
les étés 1943 et 1944. Le 25janvier
2011, en présence de la présidente de
la Fondation pour la mémoire de la
Shoah, Simone Veil, la signature de
l’acte de cession avec Catherine Peyge,
maire de Bobigny, allait fournir l’occa-
sion du premier discours de Pepy (5).
D’abord le rappel des faits: « La SNCF
de l’époque, réquisitionnée, prit part
à cette mécanique de l’inhumain
conformément au programme de
l’occupant nazi et de ses collabora-
teurs français. Elle reçut l’ordre
de transférer au camp de Drancy les
Juifs arrêtés en province; elle reçut
l’ordre d’acheminer des trains mis
à la disposition de la Gestapo par le
ministère nazi des transports. Leur
composition, le choix des wagons, les
horaireset les itinéraires étant fixés par
contraintede l’occupant. Contrainte
certes, notre entreprise a acheminé
ces trains jusqu’à la frontière. Elle l’a
fait. »
Puis, après avoir rappelé la responsa-
bilité de l’État reconnue par Chirac il y
a six ans (« Oui, la folie criminelle de
l’occupant a été secondée par l’État
français »), d’invoquer donc par
transitivité celle de son émanation,
la SNCF: « Ces mots du Président
Chirac, je les redis devant vous: la
SNCF, entreprise d’État, a été –
contrainte, réquisitionnée – un rouage
de la machine nazie d’extermination.
Nous ne l’oublierons pas. »
Et donc,
in fine,
de reconnaître une
simple culpabilité morale de la SNCF,
celle de n’avoir pas tenté de résister
à la mainmise allemande, de trans-
gresser la contrainte.
Nous ne reviendrons pas ici sur l’argu-
mentaire de la SNCF, fondé essentiel-
lement sur son entière « réquisition »
dès juillet 1940… À la fois, le terme
est incorrect et la SNCF échappe à
cette soumission directe aux autorités
allemandes en zone libre jusqu’à son
envahissement par l’occupant le
11novembre 1942: une zone d’où
seront transférés sur Drancy, l’été
1942, dans des trains planifiés par le
service central du Mouvement de la
SNCF (et non pas réquisitionnés),
11200 Juifs depuis des camps de la
zone libre (les Milles, Rivesaltes, Noé,
Gurs, etc.). Rappelons plutôt qu’une
autre entreprise ferroviaire s’était déjà
engagée, et bien plus loin, dans des
« excuses », il y a six ans.
Début 2005, dans le cadre de la com-
mémoration du 60
anniversaire de la
Libération, le Centraal Joods Overleg
(CJO) et la Société nationale des che-
mins de fer néerlandais (NS) lancent
une campagne afin de sensibiliser les
voyageurs quant à l’utilisation des
trains lors de la déportation des Juifs:
des panneaux sont placardés dans
66 gares hollandaises. Et le 29sep-
tembre 2005, le président-directeur
général de la Société des chemins de
fer néerlandais, Aad Veenman, se
rend à Muiderpoort pour y pronon-
cer un discours historique. En voici les
extraits essentiels (6). Concernant
d’abord la démarche:
« Il y a 60 ans, la Seconde Guerre
mondiale prenait fin. Même si je ne
l’ai pas vécue personnellement, la
guerre fait partie de ma vie. En effet,
nombreux sont les survivants qui rela-
tent encore leurs expériences par des
témoignages poignants. Une pléthore
de monuments commémoratifs nous
rappelle également que beaucoup de
victimes n’ont jamais pu raconter ce
qu’elles ont vécu. […] Cinq années de
guerre vont au-delà de toute une vie:
au fil des générations et jusqu’à l’heure
d’aujourd’hui, elles projettent une
ombre sur notre société.
« Ce 29septembre, la NS, en colla-
boration avec les représentants de la
communauté juive des Pays-Bas,
16-
Historail
Avril 2011
© Blacknight
Le mémorial de
Westerbork, aux
Pays-Bas, sur le site
de l’ancien camp
de transit.
Chaque pierre
représente
un déporté mort
en camp
d’extermination
(juin 2006).
Dossier
Un kilométrage
revenu à la consistance
des années 1880…
En schématisant et en simplifiant, on
peut considérer que le réseau fran-
çais s’est constitué, pour l’essentiel
au cours du
XIX
siècle, à peu près en
trois grandes étapes: les grandes
radiales, les transversales et antennes
de complément importantes, ces
deux étapes s’étalant sur les décen-
nies 1840 à 1870, puis enfin les
lignes secondaires réalisées en
majeure partie au cours des années
1880 et 1890. En tout dernier lieu, à
la charnière des
XIX
et
venu s’ajouter le réseau capillaire des
chemins de fer départementaux d’in-
térêt local, constituant en quelque
sorte une quatrième étape. Dans un
volume forcément limité, nous n’in-
clurons pas ce réseau dans l’étude
qui va suivre.
Dès 1914, la mobilisation générale
a interrompu les chantiers et différé
les projets. Après le conflit, la pour-
suite des ouvertures se fait à un
rythme extrêmement ralenti et l’on
est parvenu à l’apogée du réseau
ferré au cours des années 1920,
avec plus de 40000 km de lignes
d’intérêt général et plus de
20000 km de lignes d’intérêt local.
Dès les années 1930, le réseau
commence à régresser, avec une
forte accélération en fin de décen-
nie, avec la fermeture au trafic des
voyageurs des lignes au potentiel le
plus faible, celle ouvertes les der-
nières et qui ont, de ce fait, eu des
durées de vie très courtes, souvent
des lignes achevées entre 1900 et
la guerre de 1914-1918, voire dans
les années 1920, le record étant
atteint par Carmaux – Vindrac,
ouverte en 1937 et emportée dès
1939 dans la tourmente des
décrets de coordination. Les années
1930 sont également marquées par
la fermeture d’une part importante
18-
Historail
Avril 2011
À son apogée dans les années 1920, le réseau ferroviaire français
a commencé à régresser au cours de la décennie suivante
pour revenir, de nos jours,
mutatis mutandis
, au niveau
qui était le sien dans les années 1880. Une évolution
que l’on retrouve, plus ou moins affirmée, chez la plupart
de nos voisins, mais qui n’avait pourtant rien d’inéluctable
si l’on en juge par l’état du réseau ferroviaire suisse, qui,
en sachant apporter en temps voulu les améliorations
nécessaires, a su préserver un maillage fin de son territoire.
Alors qu’aujourd’hui se pose véritablement la question
du devenir du rail français,
Historail
, après avoir abordé
le problème des fermetures de lignes au service voyageurs
dans son numéro12, revient, cette fois-ci de façon
plus exhaustive, sur ce thème.
En page de droite,
un autorail U 150
vu entre Lalevade
et Vals-les-Bains
(juin 1965).
Les fermetures de lignes
d’intérêt général en France
Avril 2011
Historail
du réseau d’intérêt local, qui a déjà
perdu les deux tiers de son kilomé-
trage à la veille de la Seconde
Guerre mondiale.
Après le sursaut durant le conflit
1939-1945, où le rail est seul à
assurer les transports, justifiant plu-
sieurs réouvertures, le mouvement
des fermetures reprend doucement
dans les années 1950 pour les
lignes d’intérêt général tandis que
disparaît ce qu’il restait des réseaux
départementaux. Les
lobbies
rou-
tiers, qui avaient déjà obtenu la
suppression de l’énorme réseau des
tramways avant guerre, et qui cla-
maient que le rail avait fait son
temps, semblent être de plus en
plus entendus par les pouvoirs
publics. Tout va s’accentuer entre la
fin des années 1960 et le début des
années 1970 et l’on imagine bien le
chemin de fer cantonné aux trains
de marchandises, comme aux
États-Unis. Ensuite, avec le choc
psychologique de la crise pétrolière
de 1973, le mouvement se ralentit
et le kilométrage de voies ferrées
connaît une relative stabilité, les
lignes à grande vitesse et quelques
réouvertures compensant les cessa-
tions d’exploitation.
Aujourd’hui, le kilométrage de
lignes de chemin de fer est ainsi
revenu à peu près à ce qu’il était au
début des années 1880, mais avec
une physionomie de trafic assez
Le mouvement des fermetures s’accentue entre la
n des années 1960 et le début des années 1970.
F. Fénino
Dossier
[ les fermetures de lignes
20-
Historail
Avril 2011
1920
LIGNES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL OUVERTES
AU SERVICE VOYAGEURS
LIGNES D’INTÉRÊT LOCAL
LIGNES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL « SV »
(sans voyageurs, ouvertes
au seul trafic fret)
Ralentissement
de lignes
Guerre mondiale
Décrets de
1938-1939
(fermeture aux
Vague de
transferts sur
1967-1973
(fermeture aux
Les lignes ouvertes uniquement
au service fret proviennent des
fermetures de lignes au service
voyageurs
Remontée en
à partir de 1981 :
peu de fermetures
des réouvertures
ÉVOLUTION DU RÉSEAU FERRÉ
En 2009, le réseau RFF comprend 29 213 km
dont 24 367 km ouverts au trafic voyageurs.
La longueur du réseau d’intérêt local
est devenue négligeable (70 km).
Fermeture de nombreuses
lignes secondaires fret
À son apogée, à la fin des années 1920,
le réseau ferré français comprend plus de 63 000 km
Infographie D. Paris/Historail
Ligne fermée
à tous tracs
Ligne à voie étroite
fermée à tous tracs
Ligne en cours
de réouverture
au service voyageurs
Ligne rouverte
au service voyageurs
Ligne rouverte
au service fret
Ligne fermée
au service voyageurs
et ouverte au fret
Infographie Vincent Morell/Historail
Avril 2011
Historail
d’intérêt général en France ]
différente: les flux se sont concen-
trés sur les grands axes et les ban-
lieues des grandes villes.
Et les autres?
Devant une régression aussi specta-
culaire et marquante, la question
qui vient est, bien sûr: est-ce que
nos voisins en ont fait autant? En
fait, les comparaisons sont toujours
complexes, car les densités de
population ainsi que les contextes
sont différents. Ainsi, la Grande-
Bretagne a connu une énorme
vague de fermetures dans les
années 1960 (application du rap-
port Richard Beeching) ; outre-
Manche, il n’y avait pas l’équivalent
des chemins de fer départemen-
taux à voie métrique à la française
et ce qui a alors disparu peut être
considéré comme plus ou moins le
pendant de ce réseau capillaire
rural. S’y sont ajoutés des itinéraires
grandes lignes faisant double
emploi, issus de la concurrence
entre compagnies avant la nationa-
lisation (équivalent de l’itinéraire
Paris – Bordeaux du Réseau de l’État
Château-du-Loir, concurrençant
celui du PO). L’Allemagne, avec sa
forte densité de population, a plu-
tôt moins fermé que la France,
même si le réseau a connu une
forte contraction. L’Espagne, avec
sa faible densité de population et
un évident désintérêt vis-à-vis du
rail durant la période franquiste, a
L. Maris
J. Quatorze
Ci-dessus,
la BB 69256 en UM
sur un train de sable
Carpentras –
Avignon, peu après
son départ
(19 mai 2009).
Ci-contre,
un locotracteur
type Y 7400 SNCF
(De Dietrich 1967)
des Voies ferrées
des Landes circule
sur la ligne Lüe –
Labouheyre;
avec les Bouches-
du-Rhône
et l’Hérault,
le département des
Landes fait partie
des derniers
à posséder des
moignons de lignes,
moins de 100km
pour ces trois
départements sur
un total qui s’est
élevé à plus de
20000 dans les
années 1920!
(août 1990).

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