Si l’évacuation de sites ferroviaires fermés, le garage de matériel en fin de vie ou son acheminement ultime au site de déconstruction ont occupé la CMR, d’autres circulations exceptionnelles agrémentaient la mission routinière de ces « convois funéraires » : du matériel ancien conservé pouvait être exposé lors de journées « portes ouvertes » ou dans certaines opérations de communication de la SNCF, où le « vieux » côtoie le « up-to-date » pour symboliser le progrès du rail. Autre motif : du matériel reprend du service pour le tournage d’un film, qu’il faut livrer sur la scène du tournage. Quant au matériel possédé par des associations de sauvegarde du patrimoine ferroviaire, le concours de la CMR pouvait être requis pour assurer un déplacement en « marchandise roulante » : ainsi de la 2D2 9135 conservée par l’AFCL, acheminée du dépôt du Charolais à Ambérieu le 13 octobre 2009, aujourd’hui remisée à Laroche-Migennes.
Sur cette question, « le mot de la fin » est confié à Jean-Marc Frybourg, photographe, membre de l’Unecto : alors que l’exploitant historique en Allemagne, Suisse et Italie a créé des musées et fondations, « en France, les associations doivent affronter les arcanes de la SNCF », et « chaque circulation est le fruit d’un incroyable effort, presque un miracle. […] Il existe pourtant au siège de la SNCF un service Patrimoine et Mécénat. Mais son impact en matière de préservation du matériel roulant historique et de soutien aux associations reste limité par manque d’ambition, de moyens, et surtout d’une politique patrimoniale digne de ce nom, voulue et soutenue par la direction. »
À titre d’illustration, il rappelle « l’incroyable vandalisme institutionnel » subi par la rame de TGV Atlantique 325, détentrice du record du monde de vitesse, ainsi démantelée : « une motrice préservée au monument “pot de fleurs” à Châtillon, l’autre envoyée au musée de Mulhouse avec une voiture d’extrémité, et le reste à la casse. » Alors qu’Alstom avait fait l’effort d’héberger cette
rame à Aytré après son retrait du service, SNCF Patrimoine et Mécénat n’est pas intervenu, et « la SNCF s’est débarrassée du TGV 325 comme d’un objet encombrant ! » (p. 173-175).
Acquise par l’Association Ferroviaire pour la Conservation de Locomotives (AFCL) dès sa radiation, la 2D2 9135 est d’abord conservée au dépôt du Charolais à Paris-Bercy, puis sous la rotonde du dépôt d’Ambérieu-en-Bugey, et enfin au dépôt de Laroche – Migennes depuis 2014. La locomotive est classée au titre des monuments historiques en 1990. Restaurée dans un premier temps dans sa livrée d’origine à deux tons de vert, elle est ensuite repeinte en vert bleuté uniforme.