L’histoire d’un des derniers trains de déportés et de prisonniers de guerre
C’est l’histoire des derniers trains partis de Rennes en août 1944, alors que l’occupant nazi s’acharne à emporter dans sa retraite son triste butin de déportés et de prisonniers de guerre. Au fil de cette marche au supplice, le convoi se gonfle de résistants extraits des prisons des villes traversées. C’est un calvaire de 13 jours jusqu’à Belfort, avant les camps d’Allemagne. Le nom de Langeais lui reste attaché. C’est dans cette localité tourangelle qu’un drame, le mitraillage du convoi par l’aviation alliée, provoque 19 morts, mais dans la confusion permet aussi plus de 150 évasions.
De 1941 à 1944, plus de 700 convois de déportés partent de France vers l’Allemagne à un rythme qui s’accélère, de 19 en 1941 à 326 en 1944. Ils transportent 76 000 déportés juifs dont seuls 2 500 ont survécu et 75 000 résistants et politiques dont 45 000 sont revenus. Le train de Langeais emporte plus de 1 100 déportés civils identifiés, résistants ou otages surtout bretons, et environ 450 prisonniers de guerre (PG) américains, britanniques ou canadiens. Il faut y ajouter quelques Français libres, mais aussi ceux qui ne sont pas dénombrés, en particulier des tirailleurs sénégalais ; alors que dès 1940, 1,8 million de PG français ont été transférés en Allemagne vers les camps pour soldats (Stalag) ou pour officiers (Oflag), du fait des préjugés raciaux nazis, les militaires originaires des colonies ont été maintenus en détention dans des camps de transit en France (Frontstalag). Le train emporte aussi des rebelles, déserteurs et objecteurs de conscience allemands en vue d’être jugés. Au total, à un moment ou à un autre du parcours, ils sont peut-être de l’ordre de 2 000, entassés dans ces wagons. Autant de destins singuliers réunis1.
Deux convois au départ de Rennes
Fin juillet 1944, la 3e armée américaine du général Patton débouche de Normandie et s’engouffre en Bretagne puis se dirige vers l’est par la rive nord de la Loire, tandis que les Allemands engagent leur repli par la rive sud. À partir du 29 juillet, les combats se rapprochent de Rennes. Mais le 1er août, les Américains sont arrêtés par les tirs d’une batterie de DCA. Dans la journée, les Allemands ordonnent aux détenus de la prison de préparer leur paquetage.